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Syrie - 18 août 2007
Par Abdel Bari Atwan
M. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais est un homme qui ne ment pas, il dit et il fait, et quand il promet une surprise à Israël qui peut modifier le paysage de la région, s’il agresse le Liban, alors ceux qui y vivent (en Israël) et ceux qui le soutiennent, ont pris cette phrase très au sérieux, surtout qu’Israël est en train de mener en ce moment des opérations d’entrainement militaire intenses à côté des frontière libanaises et syriennes, en se préparant pour une nouvelle guerre qui lui redorerait son blason, croit-il, après l’humiliante défaite au Liban il y a un an.
Il est fort probable que M. Nasrallah ne parle pas ici de nouveaux missiles capables d’atteindre des points les plus éloignés en Israël, car il avait déjà dévoilé, il y a quelques semaines, dans un discours sur Al-Jazeera, que son arsenal était chargé de ce genre de missiles qui pourrait atteindre, selon lui, tous les points de l’état hébreu, comme il avait aussi dévoilé dans des discours précédents que le parti en possédait une vingtaine de milliers au moins.
La surprise de M. Nasrallah va rester le sujet de prédilection des experts militaires, notamment étatsuniens et israéliens, mais ce qu’on peut a priori en déduire, c’est la possibilité de munir ces missiles ou une partie de têtes chimiques ou biologiques, car la prochaine guerre, si elle est déclenchée, pourrait être effectivement la dernière dans la région, et ses protagonistes ne vont pas hésiter à utiliser tous ce qu’ils possèdent comme armes, car la leçon que les Arabes ont appris de l’Irak, son invasion et son occupation, c’est qu’il est impossible de préserver les régimes ciblés queles que soient leurs concessions, alors il ne leur reste que le choix de Samson (selon le récit biblique, Samson est l’un des juges et héros d’Israël. Trahi et capturé par ses ennemis, les Philistins. Il se fait alors tuer en faisant écrouler leur palais et en tuant des milliers d’eux en même temps qui lui, ndt).
Et comme le Hezbollah n’a pas hésité à frapper Israël en profondeur avec les missiles, il ne sera pas surprenant ou étonnant qu’il ait recours à des armes de destruction massive dans une nouvelle confrontation.
Il est clair que le pacte syro-iranien visé par les USA et Israël, et par quelques-uns de leurs alliés arabes ‘modérés’, commence à pencher vers l’abandon de sa stratégie précédente consistant à se recroqueviller dans les tranchées défensives, et à rester silencieux vis-à-vis de l’autre côté, et petit à petit et en accélérant il change vers une stratégie d’attaque médiatique, en parallèle avec des préparations militaires conventionnelles et non conventionnelles.
Et il se peut que la critique accablante et sans précédent lancée par M. Farouk Ach-chara’, le vice-président syrien, contre l’Arabie Saoudite et l’Egypte, les deux chefs de ce qu’on appelle l’axe des modérés, soit le premier signe de cette nouvelle direction.
La Syrie a gardé le silence pendant plus d’un quart de siècle envers ses deux anciens alliés, l’Egypte et l’Arabie Saoudite, et n’a jamais adressé la moindre critique contre leurs régimes même après que leurs routes se soient séparées et que le triangle de coalition qui les avait réunis depuis l’invasion de l’Irak en 1990 se soit écroulé, une coalition qui s’était concrétisée à l’époque par ce qu’on appelait l’annonce de Damas.
Donc la question qui se pose avec force est : Qu’est ce qui a poussé M. Ach-chara’ à lancer cette critique contre les deux régimes égyptien et saoudien avec cette clarté et en désignant les choses par leurs noms et avec la voix et l’image, comme par exemple son affirmation que le roi saoudien Abdullah Ben Abdelaziz et le président égyptien Hosni Moubarak n’ont pas osé organiser un sommet triangulaire avec le président Bachar Al-Assad à Riyadh par peur des Etats-Unis, ou son affirmation que l’Arabie Saoudite s’était montrée incapable de convaincre l’administration étatsunienne de lever l’embargo financier sur les Palestiniens après la signature de l’accord de la Mecque entre les Palestiniens, alors que l’Arabie Saoudite est le plus fort allié des Etats-Unis dans la région ?
La réponse à ses questions et bien d’autres, on peut la déduire de l’approfondissement de la rupture et du divorce définitif qui a eu lieu entre le régime syrien et ses alliés précédents au cours des derniers mois, car ces deux derniers sont allés très loin dans leur implication dans la stratégie étatsunienne dans la région, et ils ont participé avec enthousiasme à son objectif le plus important qui est d’isoler la Syrie et ses alliés comme le Hezbollah au Liban et le Hamas dans la Bande de Gaza, et de préparer l’entrée dans un nouveau pacte militaire avec Israël et les Etats-Unis pour frapper l’Iran en cas d’échec des efforts diplomatiques pour trouver une solution pacifique à la crise du réacteur nucléaire iranien.
M. Walid Al-Mouallem, le ministre des affaires étrangères syrien, s’est plaint plus d’une fois dans des rencontres privées du refus de son homologue saoudien, le prince Saoud Al-Faysal, de se rendre à Damas en réponse aux invitations répétées de sa part.
M. Ach-Chara’ a aussi parlé, dans son discours à la fête des journalistes, du refus des Saoudiens de participer à une réunion organisée à Damas au niveau des experts pour discuter de la situation en Irak, et il a dit qu’elle (l’Arabie Saoudite) n’avait pas respecté l’accord prévoyant d’établir une zone franche entre les deux pays, ce qui veut dire que la rupture s’est également étendue aux aspects économiques.
Il est clair que les responsables syriens sont parvenus à la profonde conviction que le précédent partenaire saoudien a choisi une direction différente, qu’il a complètement tourné le dos à la Syrie, est passé à l’étape de nuisance et a commencé la guerre médiatique.
M. Ach-Chara’ a parlé clairement de ce problème quand il a dit que les médias saoudiens parlaient beaucoup et d’une manière répétitive et négative à propos de la Syrie, contrairement aux médias syriens, en espérant, sous la forme d’une menace implicite, que cela ne se répèterait pas.
La semaine dernière et plus précisément le lundi 6 août, le prince Saoud Al-Faysal a coupé le dernier fil es relations avec la Syrie quand il a renouvelé, lors de sa rencontre avec les journalistes, ce qu’il a appelé les garanties mentionnées dans la déclaration issue du conseil des ministres saoudien, il a dit que le royaume veillait dans toutes ses positions à préserver ses intérêts nationaux, sa sécurité, la stabilité de son peuple, l’unité du travail arabe, la solidarité du monde islamique et la compréhension pragmatique de la situation mondiale et de ses forces d’influence.
Et il (le royaume) voit que le chemin pour y arriver, c’est l’indépendance de la décision nationale, et de traiter en tant qu’égal et avec ouverture avec tous les états, et il est arrivé à l’affirmation que ce qui empêche cela, ce sont les forces qui parlent avec plus d’une voix, cherchent les points de discorde, construisent ses positions loin des vérités et œuvrent pour son intérêt direct et étroit, et que la méthode pour traiter les crises de la région et pour assurer le progrès de ces peuples se base sur la nécessité de dépasser ses forces, ses slogans et ses idéologies.
Le prince Saoud Al-Faysal n’a pas nommé ces forces que son pays veut dépasser avec ses idéologies, mais le gigantesque empire des médias saoudiens a dit dans plus d’un article par des auteurs connus pour refléter la politique saoudienne officielle, que l’état visé ici est la Syrie.
Les gens bien au courant des choses en Syrie disent qu’il y a deux écoles dans le régime syrien : l'une caractérisée par la souplesse et la modération, le don du contrôle de soi, et la volonté de garder des canaux de communication avec Washington et l’Occident européen et leurs alliés arabes, cette école est représentée par une aile dirigée par M. Walid Al-Mouallem, le ministre des affaires étrangères, et une autre école qui pense qu’il n’y a aucune utilité à marcher avec l’Occident et ses alliés, et elle insiste sur la nécessité de retourner aux sources authentiques de la voie syrienne, en s’attachant aux piliers nationalistes (arabes) syriens face à la politique étatsunienne et israélienne, et en suivant la voie de l’affrontement (la résistance) et en attisant la révolution dans la région. Cette école est représentée par M. Ach-Chara’.
L’aile de Ach-Chara’ s’est opposée au rétablissement des relations diplomatiques avec le régime irakien né de l’occupation, et a toujours appelé à un soutien à la résistance, comme elle s’est opposée à tout rapprochement avec l’axe des modérés arabes qui soutient les guerres étatsuniennes en cours en Irak et en Afghanistan et celle à venir en Iran, et comme il s’est opposé avec force au fait de se montrer conciliant avec la commission internationale d’enquête dans l’assassinat de Al-Hariri, l’ex-premier ministre libanais, et ses conditions humiliantes, mais le groupe de l’aile pragmatique représenté par M. Al-Mouallem durant les deux dernières années, c’est lui qui a pesé plus lourd.
L’image semble avoir changé, et la nouvelle stratégie syrienne commence à aller du côté de l’aile des faucons, dans un échange étudié des rôles dû à la compréhension de sa direction que le temps passe vite et que les probabilités d’affrontement avec Israël et les Etats-Unis augmentent plus vite que prévu, et qu'il n'y a plus d'intérêt à rester silencieux, à avoir une attitude conciliante, au recroquevillement dans des tranchées défensives et à l’oubli des guerres médiatiques menées par l’autre côté et les coalitions politiques et militaires qu’il tisse au niveau régional et international.
Ceci explique le boycott syrien complet de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères arabes qui a discuté la question d’activation de l’initiative de paix arabe, ce qui explique son écartement de la conférence de paix étatsunien appelée par le président Bush en automne prochain et la diminution des visites des responsables arabes dans sa capitale, notamment celles des Saoudiens et des Egyptiens. La question est : Est-ce que la Syrie va commencer à traduire sa nouvelle stratégie en termes d’étapes pratiques sur le terrain, et comment ?
Il est difficile de répondre catégoriquement à cette question, mais ce qu’on peut dire, c’est que les menaces de M. Hassan Nasrallah et son fort discours populaire et bien préparé, et le fait que cela soit synchronisé avec le discours de M. Ach-Chara’ qui a été sans précédent dans sa critique contre l’Arabie saoudite, l’Egypte, les Etats-Unis et la prochaine conférence de paix à laquelle accourent les Arabes sans méditation, et le changement de ton dans les médias syriens, tout cela indique le début d’une féroce guerre médiatique.
Les problèmes de la Syrie sont nombreux, mais le principal est que son axe possède un socle nationaliste fort, il s’appuie sur des organisations et des forces populaires qui résistent contre l’occupation israélienne (le Hamas et le Hezbollah) et il possède les missiles et une grande file de candidats au martyr, mais il ne possède pas des outils médiatiques efficaces et d’influence dans n’importe quelle guerre médiatique à venir.
Ce qui a retenu l’attention, c’est le fait que la chaîne Al-Jazeera, l’artillerie lourde sur laquelle comptait beaucoup le gouvernement syrien et ce depuis longtemps, n’a pas diffusé les attaques de M. Ach-Chara’ conte l’Arabie saoudite comme il s'y attendait, et elle a préféré prendre une position proche de la neutralité sur cette question.
En même temps, la chaîne satellitaire syrienne ne jouit pas d’une grande crédibilité dans la rue arabe, car elle continue à suivre les méthodes de la guerre froide, ou plutôt de sa partie soviétique. Alors que l’autre front possède un empire médiatique gigantesque tentaculaire et complètement dominant dans le public arabe.
L’évolution la plus dangereuse qui peut avoir une grande influence, si la direction syrienne y a recours, c’est de descendre dans le domaine de la violence, ou du terrorisme, pour déstabiliser ses adversaires.
Dans ce domaine, il n’y pas plus doué que les services secrets syriens s’ils décident d’opter pour le choix de Samson, c.-à-d. sur moi et sur mes ennemis. Il suffit de rappeler que Fatah Al-Islam et bien que ce n’est pas une créature des services secrets syriens, comme le reconnaît le général Michel Sleiman le commandant en chef de l’armée libanaise, et il a raison car les fondamentalistes islamiques, notamment les saoudiens, considèrent le régime syrien comme un régime laïc athée, donc ce groupe a pu profiter des facilité syriennes pour s’opposer pendant trois mois, malgré sa petite taille, à une armée officielle et lui faire subir des grandes pertes physiques et morales.
La Syrie a pu régner sur toute la région arabe par la violence palestinienne durant les deux décennies des 70 et 80 et elle peut recommencer, car il y a des millions de personnes désespérées à cause des opérations d’humiliation et de rabaissement que subissent les Arabes aux mains des étatsuniens et de leurs alliés arabes, mais la question qui se pose est de savoir si la Syrie a assez de temps pour suivre cette voie encore une fois ?
Les jours à venir sont chargés de surprises, et elles ne seront certainement pas agréables pour les Etats-Unis, Israël et l’axe des modérés arabes, nous sommes donc devant un proche combat d’éléphants et une période de non paix et de non guerre, ou disons plutôt que cette période actuelle d’indécision ne va pas traîner de toute façon, et que la surprise de M. Nasrallah n’en sera qu’une parmi d’autres.
Source : http://www.alquds.co.uk/
Traduction : YA
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