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Palestine - 6 décembre 2012
Par Ali Abunimah
Ali Abuninah est l’auteur de "One Country, A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse". Il est co-fondateur de The Electronic Intifada et conseiller politique à Al-Shabaka.
Le lendemain du jour où l’ONU a voté en faveur de l’admission de la "Palestine" en tant qu'Etat non-membre, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a publiquement remercié l’Autorité Palestinienne (AP) dirigée par Mahmoud Abbas, pour sa collaboration avec l’armée d’occupation israélienne. Intervenant vendredi 30 novembre, à Washington, dans un groupe de réflexion sioniste, Clinton a défendu l’AP contre les critiques du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. D’après le journal Ha'aretz, Clinton a dit : « Avec peu d’argent et aucune ressource naturelle, ils (l’AP) ont accompli beaucoup, mettant sur pied une force de sécurité qui travaille chaque jour avec les IDF (Forces de Défense israéliennes). Ils ont des succès entrepreneuriaux. Ils sont nationalistes, mais largement laïques. Israël devrait les soutenir. ».
L'Etat palestinien vu par Carlos Latuff
Il s’agit des mêmes « IDF » qui, il y a encore quelques jours, massacraient des familles palestiniennes entières à Gaza et tiraient sur les Palestiniens de Cisjordanie qui osaient protester contre ces crimes.
Et pendant et après ses dernières attaques sur Gaza, la même armée israélienne s’est lancée dans un déchaînement d’arrestations en Cisjordanie , arrêtant et détenant des centaines de personnes pour avoir exprimer leurs opinions. A la lumière des commentaires de Clinton, il est légitime de se demander dans quelle mesure l’AP a participé à ces actes enragés d’Israël se vengeant de son échec à Gaza.
Clinton aurait pu ajouter que la collaboration quotidienne avec l’occupant n’est pas la seule "réussite" notable de l’AP soutenue par les USA et dirigée par Abbas. Depuis des années, l’AP est équipée et entraînée sous la supervision des Etats-Unis pour agir en tant qu’auxiliaire des forces d’occupation israéliennes, pour supprimer toutes formes de résistance palestinienne, pour brutaliser et réprimer les Palestiniens qui expriment leurs points de vue et pour arrêter et harceler les journalistes qui osent la critiquer.
C’est exactement le genre de régime clientéliste répressif que les Etats-Unis ont toujours soutenu dans les pays arabes, et c’est pourquoi Clinton faisait l’éloge de l’AP à son partenaire israélien.
Un dossier honteux
Le dossier des antécédents de collaboration de l’AP de Abbas avec Israël, à l’encontre des intérêts du peuple palestinien, est long, honteux et bien documenté. Il comprend des complots secrets avec Israël, les Etats-Unis et l’ancien régime de Moubarak en Egypte pour renverser l’Autorité palestinienne dirigée par les élus du Hamas après 2006, l’entente complice avec Israël pour enterrer le Rapport Goldstone sur les crimes de guerre perpétrés à Gaza par Israël en 2008-2009, la supplique à Israël de ne pas relâcher les prisonniers palestiniens pour ne pas donner de crédit au Hamas, et plus récemment, la renonciation publique de Abbas au droit au retour des Palestiniens, qui reflète sa position de longue date dans les négociations.
Ces dures réalités devraient faire prendre conscience qu’il n’y a pas lieu de se réjouir de ce vote aux Nations-Unies qui, au mieux, comme je l’ai dit sur Al Jazeera, n’a pas plus d’importance qu’une victoire dans une compétition internationale de football ou, au pire, comme Joseph Massad le démontre dans The Guardian, légitime un statu quo raciste.
Leurre et tactique de diversion
Quelques personnes ont pourtant essayé de vendre le vote onusien comme une grande victoire, répondant au scepticisme par le fait qu’il donnerait aux Palestiniens l’accès à la Cour Internationale de Justice (CIJ), et la possibilité de demander des comptes à Israël pour ses crimes de guerre. Est-ce que quelqu’un peut sérieusement croire que l’AP dirigée par Abbas, avec tout ce qu’elle a fait, et dont Clinton fait l’éloge pour son étroite collaboration avec l’armée d’occupation, fera quoi que ce soit pour attaquer Israël en justice pour ses crimes de guerre ?
Le leurre et la tactique de diversion sont déjà à l’œuvre. A peine le lendemain du vote, les paroles de Abbas ont fait l’effet d’une douche froide : « Nous avons désormais le droit de faire appel à la CIJ, mais nous n’envisageons pas de le faire, et ne le ferons pas, à moins d’une agression israélienne, » a dit Abbas à des journalistes. Alors que les Palestiniens de Gaza pleurent encore leurs morts, et que ceux de Cisjordanie se battent pour conserver leurs terres volées par Israël et ses colons, le prétendu leader palestinien ne voit aucune "agression" israélienne.
Une stratégie creuse
Le vide du vote onusien n’aurait pu être plus clairement illustré que par ce qui s’est passé – ou plutôt ne s’est pas passé – depuis.
Jeudi, l’Assemblée Générale des Nations Unies a voté pour admettre la "Palestine" comme Etat non-membre.
Vendredi, Israël a annoncé son intention de poursuivre la colonisation, avec la construction de milliers de nouveaux logements dans ce supposé Etat. Et maintenant, que sera la réponse de la communauté internationale, au lendemain de ce vote ?
Au lieu des condamnations rituelles, y aura-t-il une véritable action spécifique – incluant des sanctions – des 138 pays qui ont voté en faveur de la "Palestine", pour obliger Israël à stopper et à commencer à inverser sa politique de colonisation illégale des territoires occupés en 1967 ? C’est hélas fort peu probable, et c'est une indication que le vote de l’ONU n’était rien d'autre qu’une gesticulation creuse et un substitut à une action efficace visant à mettre fin aux crimes d’Israël.
C’est aussi un rappel qu’il n’y a pas de "solution à 2 Etats". La Palestine historique est une seule entité géopolitique. Israël ne doit pas être autorisé à poursuivre et à renforcer sa politique coloniale, raciste et d’apartheid à travers ce pays.
Ce qui devrait nous donner de l’espoir, ce ne sont pas les gestes vides à l’ONU mais, porté par la Palestine, la croissance d’un mouvement populaire de solidarité qui pousse à demander des comptes à Israël. Ce mouvement a gagné une étape significative cette semaine avec l’annulation par Stevie Wonder, légende de la musique internationale, de sa participation à un spectacle donné au profit de l’armée israélienne, après une active campagne militante.
Des actions comme celle-ci, impliquant des personnalités reconnues du monde culturel, sont le signe que la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), conduite par les Palestiniens, et copiée sur celle qui avait aidé à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, gagne en force et en légitimité. Il s’agit d’un mouvement, non pas basé sur l’échange de droits palestiniens contre un mini-Etat de Cisjordanie sous régime dictatorial soutenu par les USA, mais sur le rétablissement des droits de tous les Palestiniens dans le monde.
Source : Al Jazeera
Traduction : CR pour ISM
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