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Palestine -

La vision palestinienne de la paix

Par

Yasser Arafat a été élu président de l'autorité Palestinienne en 1996; il est aussi Président de l'Organisation de Libération de la Palestine. Cet interview de Yasser Arafat a été publié dans le New-York Times le 3 février 2002

La paix n'est pas un accord signé entre des individus - c'est une réconciliation entre les peuples. Deux peuples ne peuvent se réconcilier quand l'un demande à avoir le contrôle sur l'autre, quand l'un refuse de traiter l'autre comme un partenaire pour la paix, quand l'un use de la logique du pouvoir plutôt que du pouvoir de la logique.

Ces 16 derniers mois, Israéliens et Palestiniens ont été enfermés dans un cycle catastrophique de violence, un cycle qui promet encore plus de bain de sang et de peur. Le cycle a conduit maintes personnes à conclure que la paix est impossible, un mythe né de l'ignorance de la position palestinienne. Le moment est venu maintenant pour les palestiniens de dire clairement, et au monde d'écouter, la vision palestinienne de la paix.

Mais d'abord, laissez moi être très clair. Je condamne les attaques menées par des groupes terroristes contre les civils palestiniens. Ces groupes ne représentent pas le peuple palestinien, ou leurs aspirations justes à la liberté. Ce sont des organisations terroristes et je suis déterminé à mettre un terme à leurs activités.


La vision palestinienne de la paix est celle d'un Etat palestinien indépendant et viable sur les territoires occupés par Israël en 1967, vivant en égal voisin à côté d'Israël, avec la paix et la sécurité pour les deux peuples israélien et palestinien. En 1988, le Conseil National Palestinien a adopté une résolution historique appelant à l'application des résolutions des Nations Unies, particulièrement, les résolutions 242, et 338. Les Palestiniens reconnaissaient le droit d'Israël à exister sur 78% de la Palestine historique, étant entendu que nous pourrions vivre librement sur les 22% restants, qui sont sous occupation israélienne depuis 1967. Notre engagement à l'égard de cette solution de deux Etats est restée le même, malheureusement sans qu'il y ait réciprocité.


Nous recherchons une véritable indépendance, et une souveraineté complète : le droit de contrôler notre espace aérien, nos ressources en eau, et nos frontières; le droit de développer notre propre économie, d'avoir des relations commerciales normales avec nos voisins et de voyager librement. En bref, nous recherchons seulement ce dont le monde libre bénéficie actuellement, et ce qu' Israël insiste pour avoir seulement pour lui : nous demandons le droit de contrôler notre propre destinée et de prendre notre place parmi les nations.


En plus, nous recherchons une solution juste et équitable pour les réfugiés palestiniens en détresse qui depuis 54 ans n'ont pas été autorisés à retourner dans leurs maisons. Nous comprenons les préoccupations démographiques d'Israël, et nous entendons faire en sorte que le droit au retour des réfugiés palestiniens, un droit garanti par le droit international et la résolution 194 des Nations Unies, soit mis en application en tenant compte de ces préoccupations.

Cependant, de même que nous, Palestiniens, devons être réalistes, eu égard aux préoccupations démographiques de l'Etat d'Israël, les Israéliens doivent eux aussi être réalistes, et comprendre qu'il ne peut y avoir de solution au conflit israélo palestinien, si les droits légitimes de ces civils innocents continuent d' être ignorés. Laisser non résolu le problème des réfugiés peut potentiellement saper tout accord de paix permanent entre Palestiniens et Israéliens. Comment un réfugié palestinien peut-il comprendre que son droit au retour ne sera pas honoré, mais que ceux des Albanais du Kosovo, des Afghans et des habitants du Timor occidental l'ont été?


Il y a ceux qui affirment que je ne suis pas un partenaire pour la paix.

En réponse, je dis que le partenaire pour la paix est et a toujours été, le peuple palestinien. La paix n'est pas un accord signé entre des individus - c'est une réconciliation entre les peuples. Deux peuples ne peuvent se réconcilier quand l'un demande à avoir le contrôle sur l'autre, quand l'un refuse de traiter l'autre comme un partenaire pour la paix, quand l'un use de la logique du pouvoir plutôt que du pouvoir de la logique.

Israël doit pourtant comprendre qu'il ne peut pas y avoir de paix tout en déniant la justice. Tant que l'occupation de la terre palestinienne continuera, tant que les Palestiniens seront privés de liberté, le chemin de "la paix des braves" sur lequel je me suis engagé avec mon défunt partenaire Ytzhak Rabin, sera jonché d'obstacles.


Le peuple palestinien a été privé de liberté depuis trop longtemps, et c'est le seul peuple au monde qui vit encore actuellement sous occupation.

Comment se fait-il que le monde entier puisse tolérer cette oppression, discrimination, humiliation ?

Les accords d'Oslo de 1993, signés sur la pelouse de la Maison Blanche, promettaient au peuple palestinien la liberté pour 1999. Au lieu de cela, depuis 1993, le peuple palestinien a subi le doublement du nombre des colons israéliens, l'expansion des colonies illégales israéliennes sur la terre palestinienne et une augmentation des restrictions de mouvement.

Comment puis je convaincre mon peuple qu'Israël est sérieux en matière de paix, alors qu'au cours de la dernière décennie, Israël a intensifié la colonisation de la terre palestinienne de laquelle, apparemment, il négociait un retrait ?


Mais, quelque soit le degré d'oppression et de désespoir, rien ne peut justifier le massacre de civils innocents. Je condamne le terrorisme. Je condamne les massacres de civils innocents, qu'ils soient Israéliens, Américains ou Palestiniens; qu'ils soient tués par des extrémistes palestiniens, des colons israéliens, ou par le gouvernement israélien.

Mais les condamnations n'arrêtent pas le terrorisme. Nous devons comprendre que le terrorisme est simplement un symptôme, pas la maladie.


Les attaques personnelles contre moi qui sont actuellement à la mode, peuvent être très efficaces en donnant à Israël une excuse pour ignorer leur propre rôle dans la création de la situation actuelle.

Mais ces attaques aident peu à faire avancer le processus de paix, et, en fait, ne sont pas destinées à cela. Beaucoup pense qu'Ariel Sharon , le Premier Ministre d'Israël, étant donné son opposition à tous les traités qu'Israël a déjà signé, entretient les flammes de l'agitation dans un effort pour retarder, indéfiniment, un retour à la table des négociations. Malheureusement, il n'a pas fait grand chose pour prouver qu'ils avaient tort.

Les pratiques du gouvernement israélien de construction de colonies, de démolitions de maisons, d'assassinats politiques, de bouclages, et le silence honteux devant la violence des colons israéliens et autres humiliations quotidiennes, ne sont pas vraiment faites pour calmer la situation.

Les Palestiniens ont une vision de paix : c'est une paix basée sur la fin totale de l'occupation et le retour pour Israël à ses frontières de 1967, le partage de la totalité de Jérusalem comme ville ouverte et la capitale des deux Etats, La Palestine et Israël. C'est une paix chaleureuse entre deux égaux, bénéficiant mutuellement d'une coopération économique et sociale. Malgré la brutalité de la répression envers les palestiniens ces 4 dernières décénnies, je crois que, lorsqu'Israël perçevra les Palestiniens comme des égaux et non comme un peuple soumis à qui il peut imposer sa volonté, une telle vision peut devenir une réalité. En fait elle doit le devenir.


Les Palestiniens sont prêts à mettre fin au conflit.

Nous sommes prêts à nous asseoir maintenant avec n'importe quel dirigeant israélien, quelque soit son passé, pour négocier la liberté pour les Palestiniens, la fin complète de l'occupation, la sécurité pour Israël, et des solutions créatives pour mettre fin à la détresse des réfugiés palestiniens, en considération des préoccupations démographiques israéliennes.

Mais, nous nous asseoierons seulement en tant qu'égaux, et non en tant que supplétifs, en tant que partenaires et non en tant que sujets, à la recherche d'une solution juste et pacifique, non pas en tant que nation vaincue reconnaissante pour les quelques restes qui lui sont jetées. Car, malgré la supériorité militaire israélienne écrasante, nous possédons quelque chose de plus grand : le pouvoir de la justice.

Yasser Arafat

Source : www.nytimes.com

Traduction : MDB

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