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Maghreb - 29 avril 2010
Par Aboul Kassem Saadallah
Certains chercheurs, dans le cas algérien, font la distinction entre religion et nationalisme et considèrent la résistance, qui dura de 1830 aux années 1920, comme une résistance fondamentalement religieuse. Quant au « nationalisme », d’après eux, il ne serait pas apparu avant les années 1920, et plus précisément avec la création de l’Etoile Nord Africaine. Ils estiment que l’apparition de cette organisation se fonda sur une conception purement politique de la résistance à la domination coloniale. Ainsi, la conception nationaliste aurait remplacé la conception religieuse [1].
Nous postulons que, dans une large mesure, durant la période coloniale, le mouvement national algérien se fondait sur la religion. L’épine dorsale de tous les mouvements de résistance, qu’il s’agisse du mouvement du djihâd, qui dura tout le siècle dernier, ou de la lutte politique depuis la première guerre mondiale, est le facteur religieux. Il en était ainsi même après l’apparition de l’Etoile Nord Africaine. L’importance du facteur religieux s’amplifia durant la guerre de libération (1954-1962), et il ne disparut qu’à partir du Programme de Tripoli en 1962.
Notre objectif n’est pas d’évaluer l’idéologie nationale depuis 1830 ou les interférences intellectuelles qu’il y eut entre les programmes et les objectifs des organisations nationales de 1919 à 1962. Notre objectif est d’essayer de rechercher le facteur ou les facteurs qui étaient à l’origine de l’apparition des organisations nationales durant les années 1920, et plus particulièrement de l’Etoile Nord Africaine. La religion est-elle le facteur unique à l’origine de la création de ces organisations ou cette création est-elle le résultat de plusieurs facteurs ?
Peut-être est-il utile de rappeler quelques éléments qui sont en rapport direct avec le sujet ? Le jésuite Charles X décida d’entreprendre la campagne française contre l’Algérie, avec la bénédiction du Pape et le soutien de l’Eglise en France et ailleurs en Europe. Après la réussite de l’expédition, les missionnaires chrétiens se répandirent dans toute l’Algérie et les autorités militaires commencèrent à détruire les mosquées et à transformer certaines d’entre elles en églises ainsi qu’à confisquer les biens religieux (waqf). Cela donnait à la conquête française le caractère clair d’une croisade qui ne différenciait pas beaucoup de celui qui caractérisa la vieille croisade connue en Orient puis en Andalousie.
Toutes les lois d’exception, qui furent décrétées à l’attention des Algériens par les autorités coloniales, reposaient sur l’esprit de croisade, même si elles n’en n’avaient pas l’apparence. Parmi ces lois, citons l’abolition de la justice islamique, la loi de la citoyenneté publiée en 1865, le fonctionnement de l’enseignement islamique, la liberté absolue donnée aux missionnaires - notamment à l’organisation des Pères Blancs et des Sœurs Blanches - les calomnies des orientalistes français contre l’Islam et son patrimoine, ainsi que l’absence d’application du principe de « séparation du culte et de l’Etat » pour l’islam. Tous les faits et les lois que nous venons de citer, et bien d’autres encore, sont des lois d’exception. Ces lois faisaient de la présence française, qui ne revêtait pas seulement la forme d’une occupation politique et d’une exploitation économique, une force croisée apportant avec elle la haine du passé avec toute sa laideur [2].
Quelle fut la réponse des Algériens face à cette politique ? La résistance, qu’ils menèrent dans les villes et les campagnes possédait, aussi, des fondements religieux. Ils répondirent à la croisade par le djihâd. Si les Français avaient envahi l’Algérie économiquement et stratégiquement comme l’avaient fait, par exemple, leurs amis anglais en Inde, il est probable que la réaction des Algériens n’aurait pas été religieuse. A cette époque, le djihâd, dans le discours algérien, renfermait une notion religieuse pure, c'est-à-dire la guerre pour la cause d’Allah seul et le désir du martyre dans l’espoir de rentrer au paradis. Il renfermait aussi une notion politique qui était la guerre pour la libération du pays des envahisseurs violents, cela dans l’espoir d’une vie décente et de la liberté. Ce concept du djihâd fut la source du nationalisme ou, comme l’ont nommé certains chercheurs, du « nationalisme politique ». Cependant, le djihâd dans son sens islamique véritable n’oppose pas la religion et la politique, et contrairement à ce qu’en ont dit les ennemis de l’Islam, il s’agit de la Guerre Sainte. Le vrai djihâd est, à la fois, le désir du martyre et de la liberté comme il est dit dans le hadith : « Désire la mort et la vie te sera donnée ».
Lorsque les colonisateurs prirent le contrôle de l’Algérie, tant des villes que des campagnes, de différentes façons - qu’ils nommèrent « le régime du sabre » [3] : massacres, expulsions, fuites et exils -, ils se mirent à fomenter des complots intellectuels et mobilisèrent une nouvelle arme qui n’était pas matérielle mais conceptuelle. Ils remarquèrent au cours de leurs contacts avec les Algériens l’ampleur de leur cohésion organique aussi bien dans la joie que dans le malheur, tout comme ils observèrent que la base de cette cohésion était la religion. Ainsi, s’appliquèrent-ils à détruire cette base en provoquant des querelles tribales, régionales et familiales. Les conséquences de cette politique apparurent surtout dans les sphères de l’éducation et de la législation. Les Algériens ne recevaient plus une seule et même éducation. On ne leur accordait plus la même attention, et ils ne se soumettaient plus à une seule et même législation islamique. Cette politique était à la fois en accord avec les objectifs religieux des croisades et avec les objectifs politiques de l’Empire romain.
Les spécialistes français ont aussi observé que les leaders du mouvement du djihâd, qui se chargea de les combattre, provenaient des refuges religieux présents dans tout le pays, c'est-à-dire, les confréries (zaouïas) et les centres islamiques, qui depuis des siècles accordaient une grande importance au djihâd, en temps de guerre, et à la science et à la mystique (soufisme) en temps de paix. Cependant, les voies soufies n’étaient pas toutes engagées dans le combat et dans le djihâd tout comme elles n’étaient pas toutes engagées dans la propagation de la science. La plupart l’étaient durant la domination coloniale – des croisades. Parmi les voies les plus éminentes du siècle passé, citons : la Qâdiriyya, la Rahmâniyya, la Chaykhiyya. La première donna naissance à l’Emir Abdelkader, la seconde à Lalla Fatma N’Soumeur et au cheikh al-Haddad, la troisième au cheikh Bouamama.
Les spécialistes de la colonisation remarquèrent le double jeu que jouaient les voies soufies contre les colonisateurs :
1. La défense de l’unité du pays par la conservation des valeurs et des enseignements islamiques.
2. L’appel au djihâd et au martyre aux noms de la religion et de la nation.
Ainsi, les points de vue de ces spécialistes (de la psychologie, de l’anthropologie, des religions, de la lexicographie…) se sont orientés. Ils tentèrent de neutraliser les voies soufies de différentes façons dont : la promesse et les menaces, comme l’achat de leur conscience et leur promotion à des hauts postes… Lorsque la première guerre mondiale éclata, les voies soufies avaient déjà décliné, volontairement pour certaines d’entre elles et involontairement pour d’autres, sous la coupe de la colonisation. Peut-être que la manifestation la plus importante, de cette époque, dans la disparition de l’âme du djihâd dans ces confréries, devenues des instruments pour exécuter les ordres et les désirs de la colonisation, fut l’engourdissement du peuple et le soutien de la politique coloniale.
Cependant, l’Algérie faisait partie du vaste monde islamique et elle était influencée par ce qu’il s’y produisait. Les spécialistes de la colonisation pensaient avoir le contrôle total de l’Algérie, en éliminant le parti du djihâd, en apprivoisant les confréries soufies, en décimant la société. Ils commencèrent à parler de l’Algérie romaine - chrétienne, française à jamais [4]. Au même moment, un mouvement islamique, dont l’objectif était la révolte contre le colonialisme et l’appel à la force de l’Islam par le retour à ses origines premières, apparaissait au Machrek. Nul n’est besoin de citer le nom des partisans de la réforme et de la nahda islamique en Inde, en Egypte, en Turquie, dans la Péninsule arabique et en Tunisie car l’Histoire ne peut pas oublier les noms d’Ahmad Khân, Mohammad Abd al-Wahâb, Jamâl ad-Dîn al-Afghânî, Mohammad Abdouh, Khayr ad-dîn at-Tounsî et d’autres encore. Quelque fut la situation, les portes du XXème siècle ne pouvaient pas s’ouvrir avant que ne soufflent sur l’Algérie les vents de l’Orient apportant avec eux l’appel à la nahda islamique. L’opposition à la conscription obligatoire, en 1912, était largement influencée par cet appel.
La première guerre mondiale modifia aussi de nombreuses notions et conceptions religieuses. Les Musulmans indiens, turcs, algériens et autres, furent contraints de se battre les uns contre les autres. Ce fut le début d’une longue réflexion pour la révision du rôle des dirigeants du monde musulman, y compris les dirigeants de l’Algérie, et de leurs relations avec les puissances qui les colonisaient. De même, la guerre sécréta de nouvelles dispositions et idées, telles que la Révolution russe et la chute de nombreux empires (russe, allemand, ottoman, autrichien), le principe du droit aux peuples de disposer d’eux-mêmes, l’indépendance de certains peuples qui faisaient auparavant partie des empires cités, l’apparition du Parti Communiste…
Ce qui nous importe à nous, les Algériens musulmans, c’est que les années 1920 ont inauguré des transformations dont le moteur était, la plupart du temps, l’Islam. Sur le front intérieur, il y avait le mouvement de l’Emir Khâled qui réclamait l’égalité entre les Français et les Algériens en protégeant la spécificité islamique de ces derniers. Les analystes contemporains ont considéré ce mouvement comme une expression islamique forte, se manifestant par des élections, tout comme ils le considéraient comme une partie de l’évolution du monde islamique entier en direction de la nahda et de l’émancipation. Le mouvement de l’Emir Khâled n’était pas le seul en Algérie, et il s’intensifia avec le parti d’Ibn Bâdîs qui se développa dans trois domaines dont l’objectif était la connaissance religieuse et sociale: l’enseignement libre ; la prédication et l’instruction ; et l’information journalistique. Nous disons « réforme religieuse et sociale » car le parti d’Ibn Bâdîs concentra son attention à faire sortir le peuple algérien du retard intellectuel dans lequel il était ; peuple attaché à l’ignorance et aux superstitions des confréries soufies après qu’elles devinrent un instrument dans les mains de l’administration coloniale.
Dans ce domaine, il est important de ne pas négliger le rôle des bienfaiteurs algériens qui étaient poussés par un sentiment religieux fort lorsqu’ils créèrent avec leur propre argent, dans les années 1920, des écoles privées pour l’enseignement des enfants musulmans afin qu’ils y apprennent leur religion. Ils créèrent aussi des refuges pour les pauvres. Ils achevèrent leurs efforts par la création du « nâdî taraqi » (cercle du progrès) en 1927 qui coïncidait avec le centenaire du blocus de l’Algérie par la France en 1827.
Sur le plan international, les années 1920 furent le témoin d’événements islamiques qui eurent des conséquences sur l’histoire du mouvement national algérien. Nous ne pouvons pas citer tous les événements que connut le monde islamique à cette époque. Cependant, l’abolition du califat, en 1924, troubla les Algériens musulmans et poussa certains d’entre eux à réfléchir aux remplaçants du calife ; parmi eux l’Emir Khâled, qui participa au congrès du Caire ayant pour sujet le califat ; ou encore le cheikh Abû Ya’lî al-Zawâwî qui proposa la création d’une association des musulmans à la place du califat. Quant au second événement, citons la victoire des Saoud sur leurs ennemis et la création de l’état saoudien en 1925. Cela signifiait aussi la victoire de l’école wahhabite ou du tawhîd, comme l’appellent ses adhérents, dont les échos arrivaient jusqu’en Algérie. Longtemps, les journaux français accusèrent nombre de dirigeants de la réforme en Algérie, surtout les cheikhs al-Oqbi et al-Ibrahimi, d’être influencés et dépendants du mouvement wahhabite. Enfin, signalons la tenue de nombreux congrès islamiques dont le but était d’examiner certaines questions relatives au monde islamique, dont la question du califat. Outre le congrès du Caire, citons le congrès en Inde, et le congrès d’al-Qods en 1930. Ce dernier eut des échos particuliers en Algérie, car il fut un facteur, comme le dirent certains, de l’appel au Congrès Musulman en 1936 [5].
Le plus important dans tout cela est que le mouvement national en Algérie était alimenté d’influences négatives à l’intérieur du pays et d’autres positives à l’extérieur de celui-ci. A cette époque, la religion musulmane était persécutée au niveau de ses droits, des institutions et des pratiques cultuelles… Cependant, les signes précurseurs de la nahda pointaient à l’horizon. L’indépendance de certains peuples islamiques, la victoire de l’école réformatrice wahhabite et la tenue de congrès et de rassemblements islamiques, encourageaient les Algériens à réclamer leurs droits en tant que musulmans libres.
Si l’histoire de l’Algérie attestait de la profondeur religieuse par laquelle se caractérisa la résistance populaire contre l’ennemi, et si toutes les actions réalisées par cet ennemi revêtaient un caractère religieux (croisé), pourquoi la religion n’est-elle pas apparue comme un facteur politique fort dans le programme des partis et des organisations qui surgirent au cours des années 1920 ?
Avant de répondre à cette question, présentons brièvement les organisations les plus importantes qui apparurent durant cette période. L’Emir Khâled s’engagea dans les élections en se basant sur la religion, et il fonda une association qui était celle de « la fraternité islamique ». Le parti de l’Emir Khâled aurait pu conduire l’Algérie vers une orientation nationale islamique si les autorités coloniales ne l’avaient pas combattu et contraint à l’exil de peur des conséquences de son orientation. Cela entraîna le recul du nationalisme islamique en Algérie. Le groupe connu sous le nom de l’élite des assimilés, dont faisait partie le Docteur Bentami [Ibn al-Tahâmî], à qui il manquait une orientation nationale et islamique, ne pouvait pas remplacer le parti de l’Emir Khaled, si ce n’est pour les autorités coloniales.
Lorsque la Fédération des Elus se forma en 1927, elle n’obéissait pas à l’aspiration nationale islamique présente dans le coeur des masses algériennes. Le fait est qu’elle se composa d’éléments de l’élite assimilée et d’éléments dirigeants chrétiens qui évoluaient uniquement dans le cadre de la légalité coloniale. Les hommes de religion, notamment ceux des confréries soufies, n’avaient pas de conscience nationale (politique) reflétant la religion musulmane consciente des dangers du processus en cours. La plupart des hommes des confréries soufies avaient été domestiqués : ils étaient influencés mais n’agissaient pas, tout comme ils obéissaient mais ne commandaient pas. Parmi les confréries les plus éminentes, au cours des années 1920, citons la Tidjaniyya, la ‘Alawiyya et certaines branches de la Rahmâniyya.
De part leur philosophie matérialiste, les organisations communiste et socialiste, en Algérie, n’avaient foi ni en l’orientation nationale ni en l’orientation islamique. De plus, la vision de la relation entre le colonisateur et le colonisé, de certains membres de ces organisations, n’était pas claire. Ils n’avaient pas de réponse précise à la question suivante : l’Algérie était-elle colonisée ou faisait-elle partie de la France ? De même, les éléments qui accueillirent les doctrines communistes et socialistes, étaient pour la plupart, surtout leurs dirigeants, des Européens qui n’avaient aucun lien avec le nationalisme algérien ou l’islam. Il n’était donc pas étrange que le facteur religieux fût absent des programmes de leurs organisations. Cependant, ils utilisèrent la religion et le nationalisme dans leurs tracts, leurs discours et leurs journaux dans le but d’attirer le public et non pas dans son but premier.
La vie politique, dans les années 1920, était ainsi : une vie sans organisation politique nationale islamique bien définie. Devant ce vide dangereux les colonisateurs se préparaient à fêter le centenaire de la domination française et la consécration du bien-fondé de la colonisation par le biais de parades des forces militaires, d’écrits « scientifiques » et de fêtes populaires [6]. Ce fut une provocation claire pour l’histoire, pour le monde islamique renaissant et pour la conscience nationale que les principes du président Wilson et de l’insurrection bolchevique, avaient fait raisonner au sein des peuples.
Qui peut donc accepter ce défi au nom de l’Algérie ? Celui dont l’appel se métamorphose en un mouvement historique reposant à la fois sur la religion et le nationalisme. Deux organisations ont assumé cette responsabilité historique. La première était présente en Algérie alors que la deuxième était en France. Au début, aucune des deux organisations n’avait accepté le défit mais elles ont attendu un moment jusqu’à ce que les conditions définies soient présentes. Ces deux organisations évoluèrent au fil du temps.
L’Etoile Nord Africaine est née dans les conditions de 1926 suite à la situation au Maghreb (l’exil de l’Emir Khâled, la révolte de l’Emir Abdelkrim al-Khattabi…), l’évolution de l’idéologie mondiale (la lutte entre le communisme et le capitalisme…), ainsi que la situation sociale et humaine des immigrés et des musulmans dans le monde entier. Notre but n’est pas de détailler les conditions dans lesquelles se forma l’Etoile Nord Africaine, mais nous voulons montrer qu’elle ne s’est pas formée en tant qu’organisation nationaliste islamique dans un premier temps, et ce n’était pas le but que se fixèrent ses fondateurs en créant cette organisation. Cependant, les dirigeants de l’Etoile Nord Africaine ont progressivement réajusté leur ligne de conduite jusqu’à qu’ils y aient inclus la sphère religieuse. Ce changement dans la ligne de conduite a été long, difficile et lent.
D’un autre côté, le mouvement de réforme religieuse et sociale s’est développé jusqu’à arriver à la création de l’Association des Ouléma en 1931. Le mouvement de réforme, durant les années 1920, n’avait pas d’activité, ni d’objectif défini ou de programme précis. Il se manifestait par des efforts individuels, par des convictions personnelles avec l’impératif de la réforme. La plupart du temps les efforts et les convictions se croisaient dans les moyens et les objectifs mais ils n’apparaissaient pas sous la forme d’une organisation ou d’un commandement. Cependant, d’autres conditions (autres que celles qui favorisèrent la création de l’Etoile Nord Africaine) participèrent à la création de l’Association des Ouléma. Devant l’absence d’orientation nationale islamique - surtout après l’exil de l’Emir Khâled - la provocation claire par les festivités du centenaire, l’appel de l’élite des assimilés et la passivité des confréries soufies, il était inévitable que ces efforts individuels et ces convictions personnelles aient formé une association religieuse nationale qui allait jeter les bases de la résistance contre la colonisation. C’est pour cette raison que nous avons dit que l’Association des Ouléma était « inévitable » devant ce vide national - islamique, cependant elle aboutit aussi à une forme nationale, politique, et islamique. De même, l’Etoile Nord Africaine, qui à ses débuts avait une forme maghrébine, sociale, et mondiale, prit une forme nationale, révolutionnaire et islamique.
Nous avons présenté quelques informations au sujet du développement de l’Algérie au cours des années 1920, et comment le facteur religieux a réagi durant cette période. Une partie de ce que nous avons dit au sujet de l’Etoile Nord Africaine et de l’Association des Oulémas n’a été confirmé qu’après leur formation, c'est-à-dire après les années 1920. Toute organisation évolue sauf exceptions à cause de conditions et de facteurs humains, objectifs et historiques qui n’acceptent pas les changements et les évolutions. L’Etoile Nord Africaine se déplaça de la France à l’Algérie et changea de nom à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’elle optât pour « le Parti du Peuple Algérien ». Ses dirigeants comprirent que la pratique politique en Algérie était différente de celle en France. De même, l’Association des Ouléma connut des changements dans le commandement et dans la participation aux événements politiques. Les deux organisations se rejoignaient sur de nombreux points tout comme elles étaient en désaccord sur d’autres. Cependant, d’après nous, elles se complétaient l’une et l’autre. Ainsi, c’est une faute d’attribuer le rôle du « héros » à l’une d’entre elles seulement.
Si nous revenons à notre point de départ, nous pouvons dire que le mouvement national commença par l’homogénéité de la religion et de la politique. De 1920 à 1954 la politique prenait le dessus sur la religion sauf chez les réformateurs. Puis de 1954 à 1962 l’homogénéité était à nouveau présente entre la religion et la politique. Cependant le Programme de Tripoli donna le dessus à la politique sur la religion. Il est clair que nous continuons à vivre sur les principes de ce programme malgré le changement des significations et les nombreuses modifications. Cela signifie t’il l’absence, dans nos vies, de la religion comme facteur politique ?
Aboul-Kassem Saadallah
Ben Aknoun, Algérie, 11 février 1987.
Texte extrait de : L’Etoile Nord – Africaine et le mouvement national algérien, acte du colloque du 27 février au 1er mars 1987, Paris, Ed. Centre Culturel Algérien, 1988, pages 283-291.
Notes de lecture :
[1] SIVAN Emmanuel, « Genesis of Algerian Nationalism », in. The Maghrib Review, avril 1978, t. 3, n° 5-6, pages 17-32.
[2] Cf. Aboul-Kassem SAADALLAH, Le mouvement national algérien, Algérie, 1982, 2ème partie, t. 3 ; « Ecoles pour la culture arabe au Maghreb. Etude centrée sur l’Algérie, 1830-1954 », ath-thaqâfa, n° 79.
[3] AGERON Charles-Robert, Les Algériens musulmans et la France (1871-1919), Paris, P.U.F., 1968, vol. 2, page 1229.
[4] Cf., entre autres, les articles de Louis BERTRAND dans la revue L’Afrique Romaine.
[5] Point de vue partagé par Arnold Toynbee. Cf. A. TOYNBEE, Survey of International Affairs, 1937, I, 1938.
[6] Les festivités durèrent au moins trois ans, de 1927 à 1930. cf. Collection du centenaire de l’Algérie.
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