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USA - 26 juin 2002
Par Marwan Bishara
Marwan Bishara enseigne les relations internationales à l’Université américaine de Paris. Il est l’auteur de “Palestine/Israël : Paix ou Apartheid ?” - Article paru in International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris)
En entendant le discours sur le Moyen-Orient du président George W. Bush, lundi dernier, je ne pouvais m’empêcher de secouer la tête, d’incrédulité. Cette administration répète pour la énième fois les erreurs du passé, bien loin de tracer une perspective véritablement novatrice pour l’avenir.
Se pliant aux consignes israéliennes, Bush a choisi d’ignorer deux documents préparatoires fondamentaux, pourtant déposés sur son bureau. L’un déclinait une initiative arabe très complète traçant les grandes lignes d’un futur pacifique et débarrassé de l’occupation. L’autre, émanant de Yasser Arafat, unique dirigeant palestinien démocratiquement élu, acceptait les propositions formulées par le président Bill Clinton, en décembre 2000, comme base pour des négociations à venir.
Comme de nombreux prédécesseurs avant lui, Bush se sent enclin à imaginer une manière “créative” de sortir d’un problème facile à résoudre. Il en résulte finalement une formule permettant plus de gérer la crise que de la résoudre.
Or il se trouve, malheureusement pour lui, que la solution à ce conflit - le retrait total d’Israël des territoires occupés en 1967 en échange de la paix avec ses voisins arabes, soit “la terre contre la paix” - est connue depuis des décennies. On s’est ingénié à l’éluder, depuis des décennies aussi.
Article paru dans le Point d'information Palestine
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Bush veut que nous faire retourner à un processus provisoire, mais avec une nouvelle direction palestinienne. Une politique américaine intelligente, ai-je appris durant une visite effectuée la semaine dernière à Washington, est une politique qui s’éloigne d’Israël tout en s’en prenant aux Palestiniens ! Bush, qui a bien intégré l’expérience de son père, sait tout ce qu’il y a à savoir sur les conséquences fâcheuses d’une pression éventuelle sur Israël.
Bush exige un changement à la direction palestinienne afin de paver la voie conduisant à un Etat palestinien, à un horizon non fixé. Mais, dans toute démocratie, la direction d’un pays émane du choix du peuple. Aussi longtemps qu’un nouveau président n’aura pas été désigné par des élections libres et ouvertes, personne n’a le droit d’imposer un dirigeant aux Palestiniens. Avec les tanks israéliens partout dans les territoires palestiniens, on voit mal comment des élections libres et ouvertes pourraient être tenues...
Le meilleur scénario alternatif verrait Arafat nommer le leader le plus populaire en Palestine aujourd’hui, comme adjoint et successeur possible, et le charger de négocier avec Israël. Marwan Barghuthi, député élu et homme politique compétent, connaît bien la politique israélienne et parle l’hébreu couramment. Bien qu’il soit actuellement emprisonné en Israël - ce n’est pas pour lui une première - il pourrait parvenir à un accord de paix avec ceux qui sont pour le moment ses geôliers, aussi bien qu’avait su le faire Nelson Mandela.
Bush nous dit que l’intérim nécessitera trois ans. L’approche par étapes était conçue afin d’établir une certaine confiance entre les deux parties. La paix, c’est un processus, nous disait-on. Et pourtant, bien loin de régler le problème - c’est-à-dire l’occupation brutale, par Israël, depuis trente-cinq ans, de territoires palestiniens - un processus par étapes ne pourra que conduire à plus de domination israélienne et encore plus d’implantations illégales.
Pourquoi Bush s’ingénie-t-il ainsi à creuser un nouveau tunnel pour avoir le plaisir d’apercevoir la lumière, au bout ? Parce qu’en définitive ce nouveau plan exonérera son administration de tout engagement et de toute décision sérieuses qui pourrait le placer dans un rapport conflictuel avec Israël. Quand viendra le temps du règlement “permanent”, sur l’agenda de la prochaine administration américaine, la situation aura été changée, vraisemblablement en pire, [mais cela ne sera plus le problème de Bush].
En attendant, ajouter trois années d’incertitude aux sept années d’ambiguïté du processus d’Oslo, voilà qui signifie encore plus de processus et encore moins de paix ! Cela permettra, une fois de plus, aux dirigeants israéliens d’éluder le choix crucial qu’Israël devra bien finir par trancher : veut-il les territoires, ou bien veut-il la paix ? Comme l’eau et l’huile, la paix et l’occupation ne sont pas susceptibles d’être mélangées.
Au lieu de s’attaquer à la résolution de cette quadrature du cercle, l’autruche américaine semble se contenter de s’enterrer la tête dans le sable dans l’attente vaine qu’en entendant le mot “Etat”, les Palestiniens vont faire volte-face et que le conflit sera réglé. Mais un Etat ne saurait en aucun cas servir d’ersatz de solution équitable : l’Etat doit être, au contraire, le point d’arrivée d’une politique sensées conduisant à la fin de l’occupation.
Si Washington s’entête à faire obstacle à l’application du droit international qui proscrit la main-mise sur un territoire étranger par la force, cela ne fera qu’alimenter la culture d’impunité prévalant en Israël, en nourrissant, par voie de conséquence, la culture de l’attentat-suicide du côté palestinien.
En attendant, les sorciers-guérisseurs moyen-orientaux prolifèrent tant en Israël qu’en Palestine, produisant toujours plus de fondamentalisme et d’irrationnel. Si les seules lois terrestres à s’appliquer sur leur territoire sont celles de la jungle - gouverner par la force brute - alors les deux côtés seront de plus en plus enclins à mettre en application les interprétations et les prescriptions religieuses. Un conflit religieux et ethnique aurait de terribles conséquences pour les deux peuples, pour très longtemps.
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Marwan Bishara
26 juin 2002