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Gaza - 27 mai 2007
Par Hasan Abu Nimah
Hasan Abu Nimah est ancien représentant permanent de la Jordanie aux Nations Unies. Première parution de cet article dans The Jordan Times.
Ceux qui décrivent le carnage actuel comme une seconde catastrophe palestinienne, ou Nakba, selon son nom arabe habituel, ont absolument le droit d'exprimer leur profonde douleur, mais la véritable seconde Catastrophe fut l'Accord d'Oslo de 1993.
Les mauvaises politiques ont de mauvaises conséquences, mais parce que relier l'effet à la cause implique les initiateurs, on a souvent tendance à attribuer les désastres causés par les hommes à des circonstances sans aucun rapport.
Il est plus facile d'imputer les affrontements tragiques entre Palestiniens à Gaza à une lutte stupide et égoïste de positions plutôt qu'aux politiques pourries d'Oslo, mijotées il y a quinze ans. Bien sûr que c'est, dans un sens, une lutte féroce pour le pouvoir, mais les racines même de cette lutte remontent à bien avant le résultat des élections qui ont porté le Hamas aux affaires, à un coût très élevé pour le parti qui jusque là s'était assuré un monopole incontesté du pouvoir depuis Oslo, sous la protection de l'occupation israélienne ininterrompue.
Ceux qui décrivent le carnage actuel comme une seconde Catastrophe palestinienne, ou Nakba, selon son nom arabe habituel, ont absolument le droit d'exprimer leur profonde douleur, mais la vraie seconde Catastrophe fut l'Accord d'Oslo de 1993.
En 1947, la tragédie qui a frappé les Palestiniens était le résultat de la combinaison de facteurs internationaux et régionaux que ni le peuple arabe de Palestine ni les Etats arabes n'avaient les moyens d'affronter ; ce fut une injustice inévitable imposée avec férocité, par la force.
L'Accord d'Oslo, lui, fut un désastre auto-infligé par les chefs qui s'étaient placés eux-mêmes depuis longtemps au sommet de l'Organisation de Libération de la Palestine, dirigeants qui avaient, jusque là, voué aux gémonies et accusé de trahison quiconque osait envisager, avec "l'ennemi sioniste", un quelconque arrangement qui ne renvoyait pas le cours de l'histoire à l'ère pré-1947.
Sous l'épouvantable arrangement d'Oslo, Israël réussissait, pour la première fois de son histoire, à obtenir l'assentiment volontaire, sinon enthousiaste, de la légitimation de son occupation et de la consolidation de tous ses gains, à pratiquement aucun coût, par le "seul représentant légitime du peuple palestinien" largement reconnu.
Israël s'était toujours fortement opposé à toute tendance à reconnaître ou à traiter avec l'OLP "terroriste". En résultat, l'OLP a été exclue du processus de paix de Madrid lancé en 1991.
Il n'est évidemment pas venu à l'idée des Israéliens à l'époque que toutes les concessions en masse, comme celles que les représentants de l'OLP allaient facilement faire à Oslo, auraient eu plus de poids politique venant d'une OLP reconnue, plutôt que d'une OLP rejetée. Israël n'avait probablement jamais imaginé que l'OLP serait aussi conciliante et généreuse en vendant la cause toute entière.
C'est Oslo, en fait, qui a divisé les Palestiniens. Cela a pris évidemment du temps avant que la profondeur de la scission prenne une forme aussi violente, mais les problèmes se sont développés et il y a toujours un point d'allumage.
Oslo fut l'occasion pour Israël, si ce ne fut pas carrément un stratagème israélien, de résoudre le conflit israélo-palestinien sans beaucoup – sans aucun, bien sûr – changements sur le terrain. Plutôt que de se débarrasser de l'occupation et de libérer ceux qui souffraient sous son joug depuis des décennies, les "libérateurs" proclamés ont choisi de se glisser sous elle, et de rejoindre ceux qu'ils clamaient haut et fort être déterminés à libérer. Selon Oslo, l'Autorité palestinienne et ses forces de sécurité furent censées agir comme une extension de l'occupation et soulager les occupants de leurs fardeaux.
Les soldats palestiniens, plutôt que les israéliens, s'occuperont des troubles à l'ordre public ou de l'agitation des Palestiniens. L'argent se déversera, venant de la soi-disant communauté internationale, de l'Union Européenne en particulier, pour financer l'occupation par procuration, et via l'Autorité Palestinienne. Et ceci impliquera de fermer les yeux sur la corruption, l'affairisme ou l'opacité avec le résultat garanti de centaines de millions de dollars de l'argent de l'aide partant dans les poches privées des "libérateurs". Il s'agissait en fait de permettre aux opérateurs de l'Autorité Palestinienne de nager dans des océans de privilèges individuels et toutes sortes de tentations matérielles, et d'oublier la "cause", et c'est ce qu'ils firent.
Entre temps, et pendant la période intérimaire prévue de cinq ans, Israël est passé à la vitesse supérieure dans sa campagne d'installation d'un maximum de "faits accomplis" : davantage de colonies, davantage de routes exclusivement pour les Juifs reliant les colonies à Israël, davantage de confiscation de terres et davantage de dispositifs pour cantonner les Palestiniens dans des enclaves isolées, morcelées qui ne formeraient jamais la moindre base raisonnable à la création d'un Etat, ou même pour une existence continue sur place.
Beaucoup de Palestiniens étaient opposés au "bradage d'Oslo", mais ils ont choisi soit d'attendre patiemment, dans l'espoir que les choses s'améliorent et que la promesse de paix se matérialise un jour, soit ont protesté à haute voix et furent durement réprimés par les forces de sécurité palestiniennes aux multiples facettes, accusés d'être "les ennemis de la paix" et des saboteurs.
Les mesures contre l'opposition furent sévères, et il y a eu des violations flagrantes des droits de l'homme. Les atrocités de l'occupation furent en fait aggravées par les souffrances causées à la fois par les mesures oppressives israéliennes et celles de l'Autorité Palestinienne. Le niveau de frustration n'a cessé d'augmenter, avec d'un côté Israël continuant à nier les droits palestiniens, et de l'autre l'Autorité Palestinienne sombrant dans la corruption et l'incompétence.
Le vote pour le Hamas aux dernières élections générales fut un pas majeur vers la radicalisation de la politique palestinienne, et le fossé est apparu clairement, large et profond, entre ceux qui voulaient tenir le rythme d'Oslo et continuer à profiter de leurs privilèges jusqu'au bout et les autres qui sont arrivés avec des termes redéfinis de référence pour un règlement pacifique possible. La division est devenue d'autant plus grave que les partisans d'Oslo ont bénéficié du soutien extérieur de la soi-disant "communauté internationale" (un terme mal approprié pour ceux qui soit soutiennent Israël, soit le craignent), alors que l'autre bord, mené par le Hamas, instantanément mis sous sanctions économiques et diplomatiques hermétiques, avait généralement joui d'un soutien moral faible qu'il pouvait peu traduire en aide pratique.
Les affrontements actuels à Gaza, qui ne sont ni les premiers ni les derniers, une fois placés dans leur contexte propre, révèlent un conflit plus profond entre deux tendances contradictoires, et pas seulement entre de factions en compétition. Il n'est pas facile de mettre fin à ce conflit sans accord sur une approche palestinienne sur la question de la paix et du règlement. L'accord de La Mecque a été peu efficace, dans ce sens, en se centrant seulement sur la nécessité d'éviter les tirs entre frères dans l'intérêt de la "cause sacrée". Le but s'est réduit à un simple maquillage, mais le vernis ne dure jamais longtemps.
Au lieu de poursuivre les réalisations modestes de La Mecque en faisant des efforts sérieux pour bâtir une politique palestinienne de consensus et de réconciliation au lieu de distribuer des sièges et de parts de gouvernement, les tentatives inquiétantes pour permettre à la présidence de l'Autorité Palestinienne et au Fatah de balayer le Hamas ont continué ouvertement, avec les armes et l'argent déversés dans cette direction. Le seul fruit de l'accord de La Mecque, à savoir le gouvernement d'unité nationale, a été rejeté par la communauté internationale et le boycott financier a continué. On n'a donné aucune chance à ce gouvernement de fonctionner, comme si c'était, de même que les résultats des élections auparavant, le résultat non désiré qu'il fallait précisément annuler.
Pourquoi celui qui tient le bidon et verse de l'huile sur le feu crie-t-il, tout surpris, qu'il y a le feu, et que le feu fait rage ? Le feu qui fait rage à Gaza est le résultat inévitable de l'occupation, du siège et de la famine, d'années d'humiliations et de souffrances, de frustrations et de désespoir, d'injustice et d'oppression, de l'anarchie et du chaos qui en résultent, de l'absence de gouvernement, et de l'intervention vicieuse et de l'incitation absurde étrangères. Avec de tels ingrédients, tous planifiés et prémédités, les Gazans méritent tout le respect du monde pour ne pas se comporter plus mal.
Sans arrêt des efforts ont été exercés pour créer à Gaza les conditions de l'affrontement des uns contre les autres. La stupidité et l'égoïsme palestiniens ne sont pas en cause. C'est plutôt mission accomplie pour ceux qui ont planifié l'état actuel des choses pour affaiblir Gaza.
Source : Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM
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