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Cisjordanie occupée -

Les Palestiniens, furieux, en ont assez de la corruption de la ‘mafia’ de l’AP d’Abbas

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15.02.2019 - Ali incrédule, me dit : « Tu les appelles un gouvernement ? Moi j’appelle ça une mafia. » Pour le jeune homme de 22 ans qui habite Hébron, ville située au sud de la Cisjordanie, l'Autorité palestinienne, dirigée par le président Mahmoud Abbas, est une institution corrompue qui ne profite qu'à une élite restreinte.
« Les enfants d'Abou Mazen [le surnom d'Abbas] fréquentent les meilleures écoles, les meilleurs hôpitaux, ils voyagent partout dans le monde. Ils se fichent pas mal des gens en Palestine. »

Les Palestiniens, furieux, en ont assez de la corruption de la ‘mafia’ de l’AP d’Abbas

Manifestation à Ramallah en novembre 2018 contre le projet de loi de l’AP sur la sécurité sociale (AFP)
Ali est loin d'être seul. Selon un récent sondage d'opinion publié par Aman Coalition, un observatoire palestinien sur la corruption, 91% des Palestiniens interrogés déclarent ne pas faire confiance à l'Autorité palestinienne.

Ghassan - un membre du Conseil législatif palestinien (CLP) maintenant dissout et du parti au pouvoir Fatah, qui a demandé à rester anonyme - travaille au sein de l'Autorité palestinienne depuis plus de 20 ans.

Pour lui, les mauvaises pratiques politiques et financières du gouvernement, telles que le transfert de fonds pour la construction de nouvelles ambassades à l'étranger plutôt que la construction de projets en Palestine, ont sérieusement érodé la confiance du public dans l'instance dirigeante.

« Nous négligeons le peuple palestinien » a-t-il poursuivi. « C’est la raison pour laquelle sa confiance s’est effondrée, car au cours des 10 dernières années, nous n’avons vu aucun développement sur le terrain. »

La démission du Premier ministre Rami Hamdallah deux semaines après la dissolution du PLC en décembre n'a fait que confirmer ce point de vue pour de nombreux Palestiniens. Ces dernières mesures sont largement considérées comme un moyen de consolider davantage le pouvoir entre les mains du Fatah et du président.

Compagnies aériennes sans avions et voitures sans TVA

Créée en 1994 à la suite des accords d'Oslo, l'Autorité palestinienne devait servir d'organe gouvernemental de transition pendant cinq ans jusqu'à la création d'un État palestinien à part entière, dans le cadre d'une solution à deux États.

Un quart de siècle plus tard, les Palestiniens ne sont pas près d’obtenir cet État - et l’Autorité palestinienne est devenue un géant bureaucratique que beaucoup considèrent être plus soucieux de conserver son pouvoir que de plaider en faveur d’une solution politique à long terme à l’occupation israélienne.

« La plupart des affaires de corruption sont concentrées au sommet », a déclaré à MEE Isam Haj Hussein, directeur des opérations chez Aman. La priorité du gouvernement, a-t-il déclaré, est « d'investir et de contrôler toutes les ressources du pays au profit du parti » - le Fatah.

Le Fatah, qui domine l'Autorité palestinienne depuis sa création, utilise un outil en particulier pour cimenter la loyauté, a déclaré Haj Hussein : l'emploi dans le secteur public.

La corruption politique se manifeste souvent dans la création de postes à partir de rien et dans la nomination de hauts fonctionnaires sur la base de la loyauté ou du népotisme, plutôt que sur le mérite.

Comme l’indique le rapport 2017 d'Aman, l'un des exemples les plus absurdes d'utilisation abusive de fonds gouvernementaux est celui de la Compagnie aérienne palestinienne appartenant à l'Autorité palestinienne.

Il n’ya plus d’aéroport opérationnel dans le territoire palestinien occupé depuis 2001, année où Israël a détruit l’aéroport international de Gaza, au cours de la deuxième Intifada.

La compagnie aérienne aurait apparemment repris ses activités en 2012 en Égypte, ce que l'autorité égyptienne de l'aviation civile n'a toutefois pas reconnu.

Cependant, la Compagnie est toujours incluse dans le budget du ministère des Transports de Palestine, sans détail ni transparence.

Haj Hussein a déclaré que près de 200 employés de la Compagnie aérienne à l'intérieur du territoire palestinien occupé reçoivent non seulement les salaires versés par le ministère des Finances de l'Autorité palestinienne, mais ont également bénéficié d'augmentations au cours de la même période.

Des postes surestimés ou fictifs semblent également bénéficier de nombreux avantages, dont des salaires supérieurs à 10.000 dollars par mois, selon Aman, ainsi que des exemptions douanières sur l’importation de voitures de luxe.

Selon le rapport Aman, le montant de l’argent perdu par les évasions douanières sur les voitures de luxe rien qu'en 2017 - environ 357.600 dollars - était « suffisant pour couvrir le budget en espèces du programme d’aide du ministère du Développement social, qui distribue 214 dollars par trimestre à 1.670 familles nécessiteuses ».

« Ces dépenses sont inutiles sous occupation, » a souligné Ghassan. « Nous n'avons que 14 milliards de dollars [de PIB], nous devons le dépenser avec précaution - pour la Palestine elle-même. »

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Carte postale ancienne faisant la promotion de la compagnie aérienne appartenant à l'AP (Twitter / @ zaidiesulaiman) et ce qui reste de l’aéroport après sa destruction par l’armée d’occupation


Fiscalité sans représentation

À la lumière de la corruption endémique, la récente poussée en faveur d'un nouveau gouvernement ne semble être qu’une « impression de changement politique », a déclaré Marwa Fatafta, directrice de Transparency International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord - donnant l'impression qu'il se passe quelque chose parce que le mécontentement du peuple palestinien est très élevé.

« Cependant, en son noyau même, » poursuit-elle, le système est à peu près le même. Il a été capturé par le Fatah et le Fatah continuera à dominer la scène politique. »

« Le gouvernement profite du parlement dissous, » a déclaré Ghassan, ajoutant que par "gouvernement", il désigne le parti au pouvoir, le Fatah. « Le pouvoir exécutif supprime les lois et les libertés et crée les siennes. »

Les récentes manifestations dans toute la Cisjordanie contre un projet de loi sur la sécurité sociale prévoyant une taxe sur le revenu de 7 à 9% pour les employés du secteur privé et les employeurs illustrent bien la méfiance du peuple palestinien à l'égard de son gouvernement.

Abbas a depuis suspendu le projet.

« Le gouvernement n'a rien fait pour construire de nouvelles zones industrielles et créer de nouveaux emplois, » a déclaré à MEE Ammar, un résident de Ramallah, âgé de 28 ans. « En même temps, ils augmentent nos impôts et je ne vois pas le retour d’un seul shekel au profit de notre communauté. »

« Vous vous attendez à ce que je donne mon argent au gouvernement alors qu'il n’arrive même pas à maintenir les soldats [israéliens] en dehors Ramallah ? », dit-il en riant.

Haj Hussein est d'accord avec Ammar, notant que « même si vous changez la loi ou les articles contestés, le problème resterait un problème de confiance. »

Le projet de loi est apparu juste après la dissolution du CLP, a déclaré Fatafta, « sortant de nulle part par décret présidentiel avec un manque total de transparence, sans consultation. »

Pour Fatafta, les citoyens palestiniens ordinaires sont légitimement soucieux de donner leur argent au gouvernement alors que personne ne sait à quoi ressemblera l'avenir.

« Nous ne vivons pas dans une démocratie qui fonctionne, et encore moins dans un État, » a-t-elle déclaré. « Comment pouvez-vous assurer que l'argent qu’on vous prend maintenant vous sera rendu à un moment donné lorsque vous prendrez votre retraite ? »

Gouverner sous occupation

Le tollé entourant le projet de loi sur la sécurité sociale a eu lieu en même temps que l'intensification des tensions en Cisjordanie résultant de nombreux raids militaires à Ramallah, le centre administratif de facto de l'Autorité palestinienne.

« Il faut garder à l'esprit que l'Autorité palestinienne (...) est captive du gouvernement israélien et de l'armée israélienne, » a déclaré George Giacaman, professeur à l'Université Birzeit et membre du conseil d'administration d'Aman. « Elle fonctionne à l’intérieur des limites qui lui sont imposées. »

« Ils [l'armée israélienne] entrent, arrêtent, instaurent des couvre-feux, etc., », a poursuivi Giacaman. « D'une certaine manière, l'Autorité palestinienne n'a même pas le contrôle total de la zone appelée Zone A. »

Selon les accords d'Oslo, la Cisjordanie occupée a été divisée en trois zones. La zone A, qui représente environ 18% de la Cisjordanie , est officiellement sous contrôle total de l'Autorité palestinienne. Dans la zone B, l'Autorité palestinienne et Israël exercent respectivement un contrôle administratif et militaire, tandis que la zone C, qui représente environ 60% du territoire, est exclusivement sous l'autorité militaire israélienne.

Cependant, dans la pratique, les forces israéliennes effectuent des incursions régulières dans la zone A et la coordination sécuritaire bien documentée de l'AP avec Israël dans toutes les parties de la Cisjordanie est vivement critiquée par le public palestinien.

« C’est démoralisant, pas seulement pour l'Autorité palestinienne - cela a miné sa réputation et sa légitimité auprès du public, » a déclaré Giacaman, soulignant le contexte de l'occupation israélienne pour comprendre la méfiance du peuple palestinien envers son gouvernement.

La poursuite de la confiscation de terres palestiniennes en Cisjordanie et l'emprisonnement de membres du CLP par les autorités israéliennes ont également porté atteinte à la crédibilité et à l'efficacité de l'Autorité palestinienne.

« C’est dans ce contexte que l’Autorité palestinienne gouverne, » déclare Giacaman. « C'est une situation impossible. »

« L'occupation ne justifie pas la corruption, mais elle explique pourquoi ou comment la corruption se produit, » explique Ghassan, ancien membre du CLP.

« Quand vous êtes ‘accaparé » par l'occupation, vous fermez les yeux sur la corruption. »


Source : Middle East Eye

Traduction : MR pour ISM

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