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Palestine - 17 juin 2013
Par Diaa Hadid
Le journaliste d'Associated Press Mohammed Daraghmeh a contribué à cet article, qui a été publié sur Huffington Post le 12 juin 2013.
Lorsque les Arabes israéliens cherchent une épouse, ils ne se préoccupent pas seulement de l'apparence, des perspectives d’emploi ou de la future belle-famille. Ils doivent aussi se demander si leur conjointe sera autorisée à vivre avec eux. Le problème est que de nombreux Arabes israéliens, qui sont Palestiniens du point de vue ethnique, veulent se marier avec des Palestiniennes de Cisjordanie ou de Gaza. Or, les relations entre les territoires palestiniens et Israël sont au mieux fragiles, et au pire violentes, aboutissant à des limites que même l’amour ne peut surmonter.
Panneau routier sioniste destinée à la population coloniale quelque part en Palestine occupée : "Cette route mène à la Zone A sous autorité palestinienne. L'entrée est interdite aux citoyens israéliens, elle est dangereuse pour vos vies et elle contrevient à la loi israélienne".
Ces dix dernières années, Israël a considérablement restreint la possibilité pour les Palestiniens d’être rejoints par leurs épouses dans l’Etat juif, invoquant des raisons de sécurité telles que voir des militants palestiniens utiliser des permis d’entrée obtenus par le mariage en vue de perpétrer des attaques en Israël. Les critiques dénoncent le fait que ces restrictions sont discriminatoires et leur réelle visée est d’essayer de protéger la majorité juive en Israël.
Pour les simples citoyens, les restrictions ont défait nombre de romances, créé des aménagements de vie stressants et effiloché les liens familiaux.
Environ 1,6 million d’Arabes sont des citoyens israéliens. Environ 4,4 millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie et à Gaza. Ils sont liés par des liens ethniques et familiaux, mais les frontières entre Israël et les zones palestiniennes les divisent. Il n’existe pas de statistiques officielles, mais on pense que des milliers de Palestiniens vivent illégalement avec leurs épouses arabes israéliennes en Israël, sous la menace d’une expulsion.
Le ministère de l’Intérieur israélien n’a pas communiqué le nombre d’entre eux effectivement expulsés, s’il y en a, et personne n’a rapporté spontanément d’histoires de proches ou de connaissances qui auraient été arrêtés ou expulsés pour cette raison. Pour autant, la menace de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus d’eux oblige les Palestiniens en Israël à ne pas s’éloigner de leurs domiciles.
« Je vis dans un stress permanent, » raconte Sahar Kabaha, une Palestinienne de 33 ans. Suite à la mort de son mari arabe israélien l’an dernier, l’autorisation de demeurer dans le pays lui a été refusée, bien que ses quatre enfants soient des citoyens israéliens. Elle vit maintenant sans papiers légaux dans la ville arabe israélienne de Bartaa. Elle n’emmène pas ses enfants chez le docteur, par peur d’être arrêtée si elle était percée à jour. « Tout ce que je veux, c'est de pouvoir vivre avec mes enfants. Ils n’ont personne d’autre pour veiller sur eux, » a dit Kabaha.
Les critiques dénoncent le fait que ces restrictions sont discriminatoires pour les citoyens arabes israéliens. Les juifs israéliens qui se marient avec d’autres juifs vivant dans les colonies situées en Cisjordanie ne sont pas soumis à de telles restrictions. Les critiques avancent aussi le fait que c’est discriminatoire pour les Palestiniens, dans la mesure où les épouses étrangères des Israéliens peuvent accéder à la citoyenneté.
La différence est l’aspect sécuritaire.
Israël « voit les Palestiniens et les Arabes comme une menace pour la sécurité d’Israël, sans qu’il y ait un contrôle individuel ni une quelconque possibilité de prouver son innocence, » a indiqué l’avocat Sawsan Zaher de Adalah, une organisation légale luttant contre ces restrictions. Selon des chiffres officiels israéliens, environ 130.000 Palestiniens ont acquis la citoyenneté israélienne dans les dix ans précédant la mise en place de ces restrictions. Parmi eux, cinq ont été emprisonnés pour des activités criminelles relatives à une question de sécurité.
En 2002, l’épouse palestinienne d’un Israélien a tué 15 personnes dans un attentat-suicide dans la ville israélienne de Haifa. Dans un autre cas, une épouse palestinienne a aidé un kamikaze qui a tué sept personnes dans un attentat-suicide commis dans un bus à Jérusalem. Le ministère de l’Intérieur israélien a introduit ces restrictions en 2003, indiquant qu’elles étaient une mesure temporaire destinée à lutter contre le soulèvement palestinien violent contre Israël qui prenait alors de l’ampleur [la 2ème Intifada, ndt)]. Le parlement d’Israël a depuis lors renouvelé chaque année ces restrictions. La Cour Suprême a confirmé la décision en 2006 et 2012.
Les restrictions ont été allégées par étapes, autorisant les Palestiniens de plus de 35 ans et les Palestiniennes de plus de 25 ans originaires de Cisjordanie , à pouvoir déposer des demandes de permis temporaires pour vivre et travailler en Israël. Sachant que quand bien même, ils ne pourront ni conduire, ni accéder aux services de santé ou à la propriété, ni demander la citoyenneté.
Les Palestiniens de Gaza, sous le pouvoir du parti islamique militant Hamas, ont interdiction de vivre en Israël.
Le ministère de l’Intérieur indique que 8.000 épouses palestiniennes sont détentrices de permis de séjour temporaires. Mais il ne dit pas combien d’autres en ont fait la demande ni ne fait d'estimation sur le nombre d’épouses palestiniennes vivant illégalement en Israël.
Ceux qui contestent les restrictions disent que cela fait des années que la violence est enrayée et que le nombre d'épouses palestiniennes impliquées dans des attaques de militants est faible. Ils affirment que le but réel est d'empêcher les Palestiniens d'obtenir la citoyenneté dans un pays obsédé par le maintien de sa majorité juive.
"L'argument sécuritaire et le terme de 'mesure temporaire' sont une tromperie qui vise à 'kachériser' une législation discriminatoire pour des raisons démographiques," a écrit Amos Shocken, éditeur du quotidien israélien libéral Ha'aretz, dans un éditorial d'avril dernier.
Le porte-parole du gouvernement Mark Regev prétend que la sécurité est l'unique raison. "C'est trop dangereux," dit-il. "L'idée d'avoir des ressortissants ennemis utilisant la résidence comme couverture va trop loin."
Peu d'Arabes israéliens veulent rejoindre leurs épouses dans les zones palestiniennes, où le chômage est endémique. Les lois israéliennes interdisent aux citoyens, y compris arabes, à y vivre.
Les Arabes israéliens continuent d'emmener leurs épouses chez eux, parce que beaucoup d'entre eux ont des liens familiaux avec des Palestiniens qui sont antérieurs à l'Etat juif, en particulier dans des villes comme Bartaa qui est située sur la ligne frontalière avec la Cisjordanie . Néanmoins, de tels mariages sont de moins en moins nombreux à cause des difficultés qu'ils impliquent, ont dit des résidents.
Un chauffeur de taxi de Jérusalem rencontre son épouse palestinienne de Gaza en Egypte voisine toutes les quelques semaines. Le couple, tous deux précédemment divorcés, s'est rencontré lorsque la femme est venue à Jérusalem avec un permis israélien pour des soins médicaux pour sa fille en 2010. Ils se sont mariés avant qu'elle ne rentre à Gaza. Des sessions nocturnes sur Skype relient leur mariage à longue distance.
Une Arabe israélienne vit illégalement à Ramallah, en Cisjordanie , avec son mari de 32 ans et leur fille. Son époux est trop jeune pour faire une demande de permis de séjour en Israël, et elle risque de perdre ses prestations sociales si Israël découvre qu'elle vit dans une ville palestinienne. Ils ont demandé l'anonymat, craignant qu'une identification porte préjudice à une future obtention de permis.
La Palestinienne Nujoud Kabaha, 32 ans, mère de trois enfants, s'est mariée avec un cousin arabe israélien il y a une dizaine d'années, mais elle n'a obtenu le permis de vivre dans la ville natale de son époux, Bartaa, qu'en 2011. Elle a rapporté qu'en 2009, alors qu'elle allait accoucher de leur troisième enfant, un gardien de l'hôpital a tenté de l'expulser de la maternité parce qu'elle n'avait pas de permis.
Il y a dix ans, l'Arabe israélienne Rim Badran, 32 ans, du village de Beir el-Sikkeh, s'est mariée à un Palestinien qui travaillait dans le restaurant de son oncle. Pendant les 8 premières années de leur mariage, son mari a vécu sans papiers en Israël. Il quittait rarement leur domicile, de peur d'être arrêté. Il a commencé à obtenir des permis il y a 4 ans, après ses 35 ans.
"L'expérience l'a marqué," dit Badran. "Il continue de vivre dans la peur."
(*) Pour respecter l'article original, nous avons laissé le terme, utilisé par l'auteur, d'Arabes israéliens, terme que nous récusons. Il faut donc lire, à sa place : Arabes en "Israël", ou Palestiniens de 48, au choix (ndlr)
Source : Huffington Post
Traduction : CR pour ISM
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