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Palestine occupée - 1 février 2020
Par Joseph Massad
Joseph Massad est professeur de politique arabe moderne et d'histoire intellectuelle à l'université Columbia de New York. Il est l'auteur de nombreux livres et articles universitaires et journalistiques. Parmi ses livres figurent “Colonial Effects : The Making of National Identity in Jordan”, “Desiring Arabs”, “The Persistence of the Palestinian Question : Essays on Zionism and the Palestinians”, et plus récemment “Islam in Liberalism”. Ses livres et articles ont été traduits dans une dizaine de langues.
31.01.2020 – La propagande occidentale et israélienne ne se lasse pas de raconter au monde la quête israélienne séculaire de la paix, et combien Israël aspire à être accepté par les Palestiniens et le reste des peuples arabes comme un État juif - une oasis de civilisation européenne logée en plein milieu du monde arabe.
Palestine 48 : Manifestation palestinienne contre le "deal du siècle" le 31 janvier 2020
D’ailleurs, la clairvoyance raciste de l'ancien ministre israélien des affaires étrangères Abba Eban (né en Afrique du Sud sous le nom d'Aubrey Solomon Meir) selon laquelle les Palestiniens "ne manquent jamais une occasion de manquer une occasion" de "paix" a été récemment réitérée par le gendre et conseiller du président américain Donald Trump, Jared Kushner.
Kushner, parlant de "l'accord du siècle" de Trump, a déclaré sur CNN que si les Palestiniens rejettent le plan, "ils vont gâcher une autre occasion, comme ils ont gâché toutes les autres occasions qu'ils ont eues dans leur existence". Il faut pardonner à Kushner, l'un des principaux auteurs du plan, son manque d'originalité, car les sionistes, qui ont épuisé le lexique colonial, sont à court de clichés racistes et sont condamnés à les répéter ad nauseum.
Saisir toutes les occasions
Ce que Eban et Kushner voulaient dire lorsqu'ils parlaient d'opportunités, c'était la possibilité pour les Palestiniens d’abandonner tous leurs droits à la colonisation juive sioniste de leur pays, de mettre fin à leur résistance une fois pour toutes et de légitimer le vol sioniste de leur pays. Le plan Trump qui vient d’être publié ne mâche pas ses mots à ce sujet : "Les dirigeants palestiniens doivent embrasser la paix en reconnaissant Israël comme l'État juif, en rejetant le terrorisme sous toutes ses formes."
En revanche, on nous dit que les sionistes épris de paix n'ont pas manqué une seule occasion de paix, ce qui signifie qu'ils ont accepté toutes les opportunités et propositions qui ont donné une légitimité à leur vol continu des terres palestiniennes.
En fait, non seulement les sionistes n'ont pas manqué ces occasions, mais ils les ont suscitées, proposées, planifiées et exécutées.
La colonisation sioniste de la Palestine a saisi toutes les occasions depuis sa création pour dire au peuple palestinien que les Juifs lui sont supérieurs, que les droits coloniaux juifs sur les terres palestiniennes sont supérieurs à tous les droits que les Palestiniens indigènes pensent avoir, et que la seule option disponible aux Palestiniens que les sionistes accepteraient est la reddition totale à la colonisation juive.
Toute autre approche sera condamnée par Israël et ses alliés européens et nord-américains, parallèlement à une campagne mondiale visant à délégitimer toute condamnation du vol colonial de la terre palestinienne par Israël en tant qu'"antisémitisme" pur et simple.
Légitimer le vol de terres
Les sionistes ont aidé à rédiger, puis ont accepté, la Déclaration Balfour de 1917, dans laquelle le ministre britannique des Affaires étrangères a écarté la population indigène de Palestine comme étant sans rapport avec le plan d'établissement d'un "foyer national" juif dans leur pays. Les sionistes ont également soutenu le mandat colonial britannique sur la Palestine, qui a parrainé l'établissement d’une colonisation de peuplement juive sur les terres palestiniennes.
En effet, les dirigeants sionistes ont accepté tous les actes commis par les Britanniques qui ont dénationalisé des dizaines de milliers de Palestiniens (par le biais de la loi sur la citoyenneté palestinienne de 1925) et transféré des terres "d'État" à des colons juifs.
Lorsque la Commission britannique Peel a proposé de prendre plus d'un tiers de la Palestine et de le donner aux sionistes, appelant à l'expulsion de centaines de milliers de Palestiniens de la partie "juive" inventée de la Palestine, le leader sioniste David Ben-Gurion s’est réjoui.
Lorsque les Nations unies, sous la pression et la manipulation des États-Unis, ont publié leur plan de partage en 1947, accordant 55 % des terres des Palestiniens aux colons juifs, les sionistes l'ont immédiatement accepté et ont procédé à l'expulsion des habitants palestiniens.
Cette empressement à inciter, proposer, accepter et créer des occasions de voler plus de terres, de légitimer ce vol et d'expulser plus de Palestiniens s'est poursuivie sans relâche après 1948. Après la conquête finale des dernières parties de la Palestine en 1967 et l'expulsion d'un plus grand nombre de Palestiniens, Israël a cherché à créer de nouvelles opportunités pour conserver ses terres volées - et pour tenir les Palestiniens à l'écart de celles-ci.
Source infographie : Collectif Palestine Vaincra
En effet, lorsque l'ancien président égyptien Anouar El-Sadate a cédé les droits des Palestiniens à l'indépendance et à la création d'un État à Camp David, les Israéliens qui ont imposé ces conditions ont accepté facilement l'accord. Lorsqu'une Organisation de libération de la Palestine, vaincue, a proposé sa reddition à Oslo en 1993, renonçant aux droits des Palestiniens sur leurs terres et leur pays, les Israéliens qui ont rédigé l'accord l'ont également accepté sans hésiter.
Sceller tous les accords précédents
Quant à l'accord Trump - dont les Israéliens sont les coauteurs et qui espère sceller tous les accords précédents, appelant à la dénationalisation des citoyens palestiniens d'Israël qui vivent dans ce que l'on appelle la zone du Triangle à l'intérieur d'Israël (*)- les Israéliens ont immédiatement sauté sur cette occasion de se débarrasser de davantage de Palestiniens.
Ce que les Israéliens n'ont jamais accepté, et ne peuvent accepter, c'est le droit des Palestiniens à leurs terres, à un État et à l'indépendance - sans parler des droits de ceux qu'Israël a expulsés à revenir et à réclamer les terres et les biens qu'Israël a confisqués, ou du droit des Palestiniens à l'égalité, actuellement dénié par une batterie de lois israéliennes qui accordent des privilèges coloniaux et raciaux aux Juifs.
Le fait qu'Israël n'a jamais manqué une occasion de nier ses droits au peuple palestinien et a accepté toutes les occasions de voler sa terre est un fait que les Israéliens ne nient jamais. Qu'Israël exige des Palestiniens qu'ils reconnaissent son droit à les opprimer en lui accordant une légitimité est également un fait que les Palestiniens comprennent bien, mais qu'ils ont toujours refusé.
Alors que les Palestiniens ont "raté toutes les occasions" de reconnaître le droit de leurs oppresseurs à les opprimer, Israël n'a jamais raté une seule occasion de leur demander de le faire. La "Vision pour améliorer la vie des peuples palestinien et israélien" de Trump n'est que la dernière version de cette revendication coloniale et raciste.
(*) Le Triangle (arabe : المـُثـَلـَّث, al-Muthalath) est une concentration de villes et villages palestiniens proches de la Ligne verte, dans la plaine orientale de la région de Sharon. Le nom vient du triangle formé par les localités et visible depuis les airs. (Wikipédia)
Source : Middle East Eye
Traduction : MR pour ISM
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