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Palestine 48 - 9 août 2008
Par Jonathan Cook
Niveen Abu Rahmoun apparaît comme une cible improbable pour la police secrète israélienne, le Shin Bet. La femme de 26 ans qui parle avec calme vit dans le village de Reine, près de Nazareth, et enseigne l’instruction civique dans une école secondaire locale.
Toutefois, les agents du Shin Bet s’intéressent toujours à elle depuis son interrogatoire au commissariat de police de Nazareth en Mars.
Photo : Jonathan Cook/The National : Niveen Abu Rahmoun, chez elle à Reine, a été interrogée en raison de son rôle au Rassemblement National Démocratique (NDA)
Depuis, les officiers lui ont téléphoné 3 fois pour lui demander de revenir pour complément d'enquête. Elle a refusé. "Il est clair qu'ils n'ont aucune preuve contre moi. Ils essayent tout simplement de m'intimider en raison de mes opinions politiques."
Mme Abou Rahmoun est une militante du Rassemblement National Démocratique, l’un des principaux partis représentant les 1,2 millions de citoyens palestiniens d'Israël. Le parti est enregistré et dispose actuellement de trois représentants qui siègent au Parlement israélien, la Knesset.
Mais il est également dirigé par Azmi Bishara, qui était lui-même un membre de la Knesset jusqu'à l'année dernière avant d’être obligé de s’exiler en Jordanie après avoir été accusé par le Shin Bet d'être un "agent étranger" pour le compte du Hezbollah pendant la guerre du Liban en 2006.
Bien qu’aucune preuve n'ait encore été produite pour appuyer les affirmations du Shin Bet, le parti craint que si M. Bishara revient, il soit jugé secrètement pour trahison et l’ait pas la possibilité de se défendre correctement. Plusieurs commentateurs israéliens ont ridiculisé l'idée que M. Bishara ait été en mesure d'aider le Hezbollah.
Au cours des derniers mois, des dizaines d'autres membres du parti ont subi la même expérience que Mme Abu Rahmoun, même si elle est la seule femme à avoir été appelée pour un interrogatoire. Les dirigeants de la branche des étudiants du parti, dont un jeune de 17 ans, ont également fait l'objet d'enquêtes.
Le principal groupe des droits de l'homme en Israël, l'Association des Droits Civiques en Israël (ACRI), a déclaré que le Shin Bet menait une campagne de harcèlement « à la Big Brother) à l’égard des dirigeants du parti, "en convoquant pour interrogatoire des personnes dont il n’aime pas l’activité politique ou publique". Les interrogatoires, dit l'ACRI, sont conçus pour envoyer un message aux militants du parti "qu’ils sont soumis à une surveillance constante».
La plupart de ceux qui sont appelés pour interrogatoire, comme Makhdud Aghbaria, 24 ans, vivant dans la ville de Umm al-Fahm et dirigeant syndical étudiant à l'université de Haïfa, ont été interrogés sur leurs liens avec M. Bishara.
"Au cours de l'enquête, ils ont tenu à préciser qu'ils savaient tout sur moi, y compris des choses personnelles, et qu'il n'y avait rien que je puisse faire sans qu’ils le sachent. Ils ont suggéré je pouvais finir en prison, oublié, s’ils le voulaient."
Comme d’autres membres du parti, M. Aghbaria a été invité à signer un document indiquant que M. Bishara était soupçonné d'être un agent étranger et que «des éléments en Israël étaient susceptibles d'être exploités à des fins hostiles, y compris le recrutement pour le Hezbollah ou d'autres activités illégales". Il a refusé de signer.
Le Shin Bet a tenté une approche différente avec Mme Abu Rahmoun, qui s'emploie à recruter des jeunes pour le parti. Elle a été avertie par un officier connu sous le nom de "Karmi" qu’elle devait cesser ses réunions de jeunes. "Karmi m'a dit qu'il avait une liste de personnes qui étaient autrefois «tranquilles», mais qui sont désormais actives politiquement par ma faute», dit-elle. "Puis il a dit qu’il était préoccupé par mon bien-être et que je risquais de perdre ma réputation si je continuais à travailler avec le parti."
Awad Abdel Fattah, le secrétaire général du NDA, a déclaré: «Ces enquêtes ont pour but d’intimider nos membres et de détruire notre parti, non pas parce que nous sommes une menace sécuritaire quelconque mais parce que le Shin Bet craint le succès de notre programme politique.
"Ils veulent que les électeurs palestiniens du pays pensent que nous sommes des extrémistes et des militants pour qu’ils aient peur d'être associés avec nous, et ils veulent que les Juifs israéliens pensent que nous sommes une menace pour la démocratie afin qu'ils soient d'accord avec un traitement plus sévère à notre égard."
M. Fattah, soutenu par l'ACRI et d'autres groupes des droits de l'homme, a déclaré que le parti subissait la colère de la police secrète israélienne en raison de sa plate-forme, qui est devenue de plus en plus influente parmi la minorité palestinienne, un cinquième de la population israélienne.
Le NDA a demandé que le système politique d’Israël soit revu, en mettant fin au statut privilégié des Juifs dans l'Etat et de le transformer en ce que le parti appelle «un Etat de tous ses citoyens", qui traiterait également tous les citoyens.
"Nous demandons qu’Israël devienne vraiment la démocratie qu'il prétend être et qu’une grande partie du monde suppose qu'il est à tort», a déclaré M. Fattah.
Les affirmations du parti à l'encontre de la police secrète sont apparemment confirmées par une étrange correspondance entre Yuval Diskin, le chef du Shin Bet, et des groupes des droits de l'homme au cours des 18 derniers mois.
Dans une série de lettres, M. Diskin a averti que la police secrète considérait comme étant son travail de "contrecarrer les activités subversives d'entités qui cherchent à nuire à la nature de l'État d'Israël en tant que pays juif et démocratique, même si son activité est menée par des moyens démocratiques ".
Interrogé pour savoir ce qu’il entendait par "subversion", M. Diskin a dit cela comprenait toute action "ayant l’objectif de changer les valeurs fondamentales de l'État en le détournant de son caractère démocratique ou juif".
Mais, l'ACRI a déclaré: «La préservation du caractère juif de l'État n'est pas l’un des objectifs et fonctions du Shin Bet".
Les commentaires de M. Diskin sont survenus suite à la publication de quatre documents produits par les plus grands groupes de la société civile palestinienne en Israël appelant à une réforme du pays, soit dans une démocratie consensuelle ou un "Etat pour tous ses citoyens".
Lors d'une réunion avec le Premier ministre Ehud Olmert, en Mars 2007, afin d'examiner les documents, M. Diskin a mis en garde contre "une dangereuse radicalisation" de la minorité palestinienne du pays.
Après qu’un groupe de droits de l’homme, Adalah, ait demandé des éclaircissements sur les commentaires de M. M. Diskin, il est apparu que sa lettre avait été approuvée par Menachem Mazuz, le procureur général, qui a déclaré qu'il était d'accord avec le Shin Bet sa position.
Hassan Jabareen, le directeur de Adalah, a accusé M. Mazuz de «donner un feu vert" à la police secrète pour intimider et harceler les citoyens palestiniens du pays", même si ce qu'ils font n’est pas du tout lié à la «sécurité de l'État" .
Le Shin Bet a refusé de répondre aux questions posées par les députés palestiniens d’Israël demandant s’ils étaient sur écoute.
Le Shin Bet s’en prend depuis très longtemps à M. Bishara, qui a commencé à populariser l'idée d'un "Etat pour tous ses citoyens" il y a plus d'une décennie. Il a été poursuivi en justice deux fois par les procureurs d’Etat, et même si les deux affaires se sont terminées en sa faveur, il a été mis en garde par une commission d'enquête d’Etat et il a été interdit de participer aux élections de 2006, bien que la décision ait été annulée en appel devant les tribunaux.
Lors des élections de 2003, quand le Shin Bet a également demandé sa récusation, mais sans succès, ses agents ont affirmé que sa campagne «Un Etat pour tous ses citoyens» avait avancé "au centre de la scène" parmi la minorité palestinienne et avait «un effet discernable sur le contenu du discours politique et publique du secteur arabe ».
M. Fattah a déclaré: "Le Shin Bet s’en prend à Azmi depuis des années, avec peu de succès parce qu'ils n'ont aucune preuve contre lui. Ils ne pouvaient pas discréditer ses idées politiques, alors ils ont décidé de le menacer avec «une affaire de sécurité» où ils n’ont pas besoin de présenter des preuves en public. "
M. Fattah a également expliqué que les menaces à l’égard des membres de son parti sont la preuve d'une plus vaste campagne organisée par le Shin Bet et une partie de la Knesset pour faire taire la dissidence des citoyens palestiniens du pays et de leurs représentants élus.
Le mois dernier, la Knesset a adopté une loi donnant aux tribunaux de vastes pouvoirs pour révoquer la citoyenneté à toute personne suspectée d'"abus de confiance" envers l'État, y compris en vivant dans un ou plusieurs Etats arabes. M. Bishara devrait être l’une des premières victimes de cette loi.
Source : http://www.thenational.ae/
Traduction : MG pour ISM
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