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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Les pots-de-vin

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Les participants à la conférence des donateurs de Paris qui battait le rappel pour soutenir économiquement le gouvernement du président Mahmoud Abbas (celui-ci demandait 5,6 milliards pour financer un plan de développement sur trois ans pour les territoires) se sont engagés pour un total de 7,4 milliards de dollars d’aides ! La conférence, à laquelle participaient 68 pays et des organisations internationales de premier plan, faisait écho à celle d’Annapolis initiée par les USA le mois dernier et qui relançait les négociations pour la création d'un Etat palestinien dans les 12 mois.

De telles conférences ont bien peu de chose à voir avec la promotion de la prospérité palestinienne ou l’allègement des tourments du peuple.

Alors que les puissances impérialistes sont censées rechercher une sorte de solution au conflit israélo-palestinien, elles ne visent en réalité qu’à maintenir une Autorité palestinienne inconstitutionnelle contre la volonté même du peuple palestinien, ainsi que les forces de sécurité dont cette Autorité se sert pour réprimer toute opposition à Israël ; pour ce faire, ces puissances sont prêtes à payer tous les pots-de-vin.

Effectivement, cet afflux d’aides sera utilisé comme un outil politique pour s’immiscer dans notre combat national tout en prétendant que le monde, soudain, a reconnu l’urgence pour une situation humanitaire qui s’est détériorée en Palestine, d’où ces promesses de milliards pour le gouvernement de Ramallah.

Le président français, Nicolas Sarkozy, a proposé le déploiement d’une force internationale dans les territoires occupés palestiniens dans le but de soutenir l’appareil de sécurité palestinien fidèle à Abbas, « quand le moment sera venu, et quand les conditions seront réunies », pressant les Palestiniens de s’unir derrière Abbas, et prévenant qu’il n’y aurait aucune paix avec un mouvement refusant de reconnaître Israël – c’est-à-dire le Hamas.

La proposition de Sarkozy révèle le véritable projet qui se cache derrière cette aide internationale.

Une force internationale ne viendrait pas protéger la vie des Palestiniens, leurs terres et leurs maisons, des agressions quotidiennes israéliennes, elle viendrait aider la sécurité palestinienne à sévir contre la résistance et protéger les colonies israéliennes. Notre dernier accrochage avec des forces internationales remonte à Jéricho, quand elles se sont entendues avec les Israéliens pour l’enlèvement de nos prisonniers. Il est risible de voir Abbas approuver la proposition de Sarkozy ; est-ce parce que l’argent lui brouille la vue, ou aurait-il besoin d’être protégé de son peuple ?

De telles conférences sont trompeuses sur la volonté palestinienne et accordent une reconnaissance au niveau international à des vieux, des faibles d’esprit et des retraités qui sont prêts à signer tout ce qu’on leur demande comme représentants des Palestiniens, elles écartent dans le même temps ceux qui ont été démocratiquement élus.

Il manque à la délégation palestinienne qui négocie le mandat pour le faire en notre nom. Elle est composée de ceux qui ont été rejetés aux élections parlementaires de janvier 2006 ; pourtant, ils s’approprient le droit de représenter la Palestine, plus préoccupés qu'ils sont à vivre en dehors de la cause et à avoir des contrats de travail, quelques années encore, qu’à faire réellement la paix.

Les membres de la délégation ne se comportent pas comme les chefs d’un combat national ; ils sont arrogants et distants avec leur propre peuple, amicaux avec l’ennemi. Les photos de leurs rencontres cordiales avec les Israéliens, pendant que les troupes d’Israël tuent nos garçons dans la Bande de Gaza, sont une honte pour notre combat.

Depuis Annapolis, Israël s’est attaché à construire des colonies de peuplement et à multiplier les assassinats dans Gaza. Au lieu de discuter des questions cruciales, l’équipe de négociation palestinienne, sans aucun pouvoir, va devoir discuter des atrocités qui se poursuivent, et je ne suis même pas sûre qu’elle soit capable d’y porter un coup d’arrêt, et donc, à plus forte raison, d’instaurer un Etat ou la fin de l’occupation.

Sur 15 ans, les Palestiniens ont reçu 10 milliards de dollars pour construire leur Etat. On nous a promis que la Palestine serait le Singapour du Moyen-Orient. Une part de cet argent est tombée entre les mains de types corrompus, odieux et opportunistes. Quand ils mettaient au point des projets de développement, c’était des projets du style du casino de Jéricho.

Les constructions modestes réalisées ont été démolies, sous les yeux du monde ; les donateurs internationaux regardaient, sans honte, consentants. Pendant ce temps, les territoires palestiniens se transformaient en ghettos où toute vie décente était bannie. Israël ne laisse pratiquement aux Palestiniens aucune liberté pour pouvoir prospérer ou promouvoir leur propre Etat.

Les Israéliens ont fait sauter l’aéroport et la centrale électrique de Gaza, bombardé les infrastructures à Ramallah et à Bethléhem, ils ont fermé le port maritime, de même que la plupart des points de passages pour entrer et sortir. Le gouvernement israélien n’autorisera, en aucune façon, aucun projet qui pourrait profiter aux Palestiniens. La généralisation des fermetures, instaurée après le soulèvement palestinien de septembre 2000, a décimé l’économie palestinienne, liquidant les emplois et plongeant les trois quarts de la population dans la pauvreté. Nous avons vu les produits agricoles pourrir sur les bas-côtés des routes, pendant des jours, dans l’attente des autorisations des forces de sécurité israéliennes ; nous avons vu des moutons, dans Gaza, manger les fleurs prêtes à être exportées, mais Israël ne nous en donnait pas l’autorisation.

L’aide internationale ne mettra pas fin au siège qui nous est imposé, ni aux tirs ni aux meurtres d’Israël contre nos hommes. L’aide est une ingérence flagrante dans nos affaires financières internes, elle vise à remettre en cause le choix démocratique du peuple palestinien. Que signifient ces milliards pour les bébés, les personnes âgées et les femmes qui meurent chaque jour, aux frontières de Gaza, cela parce qu’Israël leur refuse l’accès aux soins ou aux médicaments dont ils ont besoin ? Que signifie cet argent pour tous ceux qui sont humiliés à chaque fois qu’ils passent un check-point ? Uniquement des pots-de-vin, des pots-de-vin pour acheter le silence de ceux qui se sont octroyés le monopole de nous représenter.

Les incursions militaires routinières d'Israël dans la bande de Gaza n'arrivent pas à faire cesser les tirs de roquettes artisanales Qassem sur les colonies. Les Israéliens ne savent pas comment régler la situation face à ces roquettes lancées depuis la bande de Gaza, ils sont dans une véritable impasse. Ils se servent des pressions de la communauté internationale pour que celle-ci pousse l’Autorité palestinienne inconstitutionnelle à un conflit direct avec le Hamas à Gaza, tout en poursuivant leurs propres efforts pour s’emparer des meilleures terres palestiniennes et assurer leur contrôle sur Jérusalem ; c’est tout le sens des conférences d’Annapolis et de Paris. Tout ce que nous entendons n’est que rhétorique sur un soutien à un Etat palestinien. Il n’y a aucun signe qu’une politique internationale s’en prendrait à l’occupation elle-même, ni aucune pression sérieuse exercée sur Israël pour qu’il lève les restrictions de mouvements des personnes et des marchandises.

Les requins de la politique et de l’économie qui sont liés à Israël commencent à parler de projets privés d’envergure qui nous rendraient encore plus dépendants d’Israël, alors que nous devons au contraire nous en libérer et nous rapprocher du monde arabe.

Tout projet important de développement, sans unité politique et géographique, n’est qu’illusoire ; à l’inverse, un projet, le plus modeste soit-il, peut nous écarter d’Israël. La micro-économie et les mini projets qui emploient les ressources locales et visent à répondre aux besoins du marché local méritent de survivre. Tout développement doit impliquer le secteur public, lequel est composé d’une majorité pauvre qui élève notre combat national ; c’est cela qui nous conduira à la libération nationale, pas le commerce avec Israël.

Les « nécessités sécuritaires » d’Israël exigent toujours des restrictions physiques et administratives considérables contre le développement palestinien. Il y a 7 ans, Yasser Arafat nous annonçait avec enthousiasme que la découverte de gaz naturel dans la bande de Gaza allait nous apporter la prospérité économique. Pour un seul site, des experts avaient estimé la réserve de gaz à 4 milliards de dollars, laquelle génèrerait 100 millions de dollars par an pendant 15 ans et fournirait la base d’une croissance économique durable pour les Palestiniens. Il y a eu un projet pour la vente de ce gaz à l’Egypte, mais l’ex-Premier ministre Ariel Sharon a déclaré qu’en aucun cas, il n’autoriserait un projet qui augmenterait les rentrées d’argent de Yasser Arafat. Alors, un fonds en fidéicommis a soudain été créé et il s’est assuré que l’argent international n’irait qu’au gouvernement palestinien désigné par Mahmoud Abbas ; Israël s'est porté acquéreur et propose de payer le gaz en marchandises et en services. Suite aux négociations avec British Gas, la société qui a acheté, pour un prix très bas, les droits de développer Gaza Marine, la Haute Cour a décidé de bloquer l’exploitation du site.

Ainsi vont les projets de développement palestinien sous occupation.

Les Palestiniens se sentent concernés par le progrès, mais Israël garde les recettes fiscales, gèle et surveille les comptes bancaires, bloque les mouvements de capitaux, de matériel et de main-d’œuvre, il est donc très difficile pour quelqu’un d’investir dans cette région, et de construire un Etat et une société qui fonctionnent. Les atrocités israéliennes sont systématiques et tolérées par la communauté internationale ; l’expansion de l’économie palestinienne, si l’occupation se poursuit, est un processus vain. Etant donné qu’aucune pression ne sera exercée sur Israël pour décoloniser, à l’instar des conférences antérieures, la conférence de Paris tombe, remarquablement, à côté de la question.

Je ne sous-estime pas la nécessité de sauver l’économie palestinienne, mais il est vain de s’y engager tant que dure l’occupation, et c’est exactement ce qui va se passer si le projet de faire cesser la résistance palestinienne est mené à bien. Il faut que la communauté internationale exerce des pressions sur Israël pour qu’il enlève ses barrages routiers en Cisjordanie et permette à Gaza d’ouvrir ses frontières, il faut qu’il se retire complètement de la proximité de nos frontières, qu’il cesse de bâtir des colonies de peuplement et, à l’inverse, qu’il les retire, ainsi que le mur qui transforme notre espoir pour un Etat en un rêve palestinien qui s'effondre. Sans cela, l’argent ne sera qu’une sucette lancée à l’opinion publique internationale, il créera chez nous une atmosphère de méfiance, montant les Palestiniens les uns contre les autres et retardant, par conséquent, le combat contre les Israéliens. Ainsi, les Palestiniens resteront toujours une nation ravagée, vivant de dons, et dirigée par des gens touchant des pots-de-vin et qui mendient.

Source : les Amis de Jayyous

Traduction : JPP

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