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Palestine - 29 avril 2017
Par Mazin Qumsiyeh
27.04.2017 – Aujourd’hui, toute la Palestine est en grève en solidarité avec les prisonniers en grève de la faim et demain est une journée d’indignation, de manifestation et de confrontation avec les occupants. Bethléem est une ville fantôme et tous les magasins et transports publics sont fermés, et les hélicoptères israéliens volent dans les cieux. [Des bénévoles sont venus au musée et nous emmenons un groupe voir le mur et l’impact des colonies sur l’environnement parce que ce n’est pas du travail mais de la résistance]. Demain, journée de manifestations et de confrontations. Dans ce message, je voudrais expliquer en quoi c’est très important.
Solidarité avec les prisonniers à Naplouse, 28 avril 2017 (photo Dounia) (1)
Chaque jour nous rencontrons des gens cupides centrés sur leurs intérêts propres et leurs désirs malsains. Combien nous ont roulés ? Combien sont venus parce qu’ils y avaient un intérêt matériel ? Combien d’hommes politiques corrompus connaissons-nous ? Combien connaissons-nous de gens qui se sont avérés plus aimables et meilleurs, et plus altruistes que nous pensions ? Combien se sont révélés plus mesquins, plus égoïstes, plus sadiques ? Regarder le monde de cette manière (certains diront que c’est regarder la réalité en face) peut être réellement décourageant. Cela peut enlever ce qui reste d’humanité à beaucoup de gens. Mais alors arrive une grève de la faim de prisonniers ! Cela ne semble pas grand-chose, mais cela touche, dans les êtres humains, une corde plus sensible que toute autre et je soutiens que c’est la façon de reconquérir notre humanité.
Aujourd’hui, les Palestiniens et leurs amis, dans le monde entier, expriment leur solidarité avec les plus de 1.800 prisonnier politiques palestiniens qui en sont à leur 11ème jour de grève de la faim. Jusqu’à ce que leurs justes et légitimes revendications soient satisfaites (un traitement décent en prison fondé sur le droit international), ils ne prendront que de l’eau et du sel. Cela semble simple mais c’est un événement profond dans l’histoire palestinienne et humaine. Le prix que l’un paie pour la résistance est la blessure, la mort ou l’emprisonnement. C’est l’antithèse de l’égoïsme et de la cupidité.
800.000 Palestiniens ont goûté à la vie en prison et aujourd’hui, 7.000 sont dans les prisons de l’Etat colonial et d’apartheid d’Israël. La grève de la faim porte le message des prisonniers partout – chez les riches et les pauvres, chez les cupides et les altruistes, chez les honnêtes et les menteurs. Ce message n’est rien de moins que nous, les êtres humains, devons renouer avec notre humanité, et que faire preuve de sollicitude envers autrui est la façon de sauver l’humanité. Dans ce 21ème siècle d’armement et de destruction de masse, de changement climatique, en tant qu’espèce, nous ne pouvons pas nous permettre d’agir autrement. Les prisonniers nous montrent la voie comme tant d’autres êtres humains décents l’ont fait avant (pensez à Jésus et aux prophètes et à des révolutionnaires comme Che Guevara). Mais les sonnettes d’alarme pour nous sont maintenant des sonnettes d’alarmes pour une espèce en voie de disparition à moins que nous n’agissions. C’est plus urgent que jamais dans notre brève histoire sur terre. Nous devons réellement faire un choix et c’est un choix individuel et collectif. Il s’agit soit d’accepter la guerre et l’avidité comme « naturelles » et de suivre les autres lemmings humains au bas de la falaise OU de résister et de donner de nous-mêmes pour sauver l’humanité. Mahatma Gandhi s’est servi de la grève de la faim pour éloigner les gens de l’avidité et de l’égoïsme et les ramener à la bienveillance envers les autres.
La faim est douloureuse et les gens mourront, tôt ou tard, à moins que nous n’agissions tous. Ce qui est en jeu est très élevé : notre propre estime (dignité) en tant qu’êtres humains. Mais alors que le monde a changé, le danger est que nous disparaissions en tant qu’espèce, sauf si nous réussissons, collectivement, à transcender l’énorme bagage de rapacité, de colonialisme et de capitalisme qu’on ne peut maintenir durablement au 21ème siècle.
Les prisonniers palestiniens, par leurs gestes silencieux de sacrifice personnel, nous ont montré le chemin. Comme l’ont fait des martyrs comme Basil al-Araj, qui l’a simplement écrit dans ses derniers mots très brefs : « il n’y a pas de discours plus éloquent que le geste du Martyr ».
Khalil Gibran a écrit dans « Le Prophète » en 1923 : « Vous donnez peu lorsque vous ne donnez que de vos biens. C'est en donnant de vous-mêmes que vous donnez véritablement. En effet, que sont vos biens sinon des choses que vous gardez et défendez par crainte d'en avoir besoin demain ? Et qu’est-ce que craindre de connaître le besoin, sinon vivre dans le besoin ? » Les prisonniers et les martyrs font silencieusement le don d’eux-mêmes. Pour chacun d’entre nous, où nous nous tenons aujourd’hui et demain dira beaucoup de ce que nous sommes.
Ici un article sur le sujet que j’ai écrit il y a sept ans : « The Savior in Each of Us »
(1) Voir les photos et la vidéo de la manifestation de soutien du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) à Naplouse le 29 avril 2017. Merci à Dounia pour son reportage militant.
(Traduction MR pour ISM)
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Mazin Qumsiyeh