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Israël -

Masquer l'identité arabe de Yafa

Par

Al-Awda Review, mai 2005

Visiter la ville des orangeraies abandonnées ne remplace pas la lecture de "Yafa, le parfum d'une ville" ou tout autre écrit sur la mariée de la Palestine, la ville de Yafa.
Toutefois, c'est encore plus émouvant et triste que des milliers de livres, puisque "entendre n'est pas voir" comme le dit un proverbe palestinien.
Le mois dernier , l'Association pour la défense du droit des refugiés dans les régions de 1948 de la ville de Yafa et les régions environnantes a organisé une visite qui présente un bref résumé de la Nakba palestinienne dans son ensemble.

L'histoire de la ville, qui à elle seule peut remplir une encyclopédie, rejette clairement les prétentions sionistes relatives au développement du pays et à la transformation de ses terres arides, ses marécages et ses ruines en jardins idylliques.


Pendant des décades, voire des siècles, Yafa a gardé son titre de "mariée de la mer" malgré la jalousie et la rivalité de Haïfa, Akka, Gaza et autres villes côtières de la Palestine, non à cause de sa position mêlant la mer et les collines, mais grâce à sa grande prospérité économique et culturelle jusqu'à la Nakba qui l'a réduite en ruines.

Face aux plages de la Méditerranée, le jeune guide, Yousef 'Asfour raconte l'histoire de la ville dont la population est tombée de 120.000 à 3500 la moitié ayant été déplacée vers la ville, après avoir été déplacée des villages environnants (la ville aujourd'hui compte 20.000 habitants). La ville a souffert de plusieurs catastrophes, y compris le tremblement de terre de 1056 qui a fait 10.000 morts, comme le rapportent les livres d'histoire.

Toutefois les traces de destruction et de ruines les plus visibles partout sont le résultat du choc de la Nakba, le Tsunami sioniste de 1948 qui a déplacé sa population, sauf quelques milliers, rassemblés dans un ghetto dans le quartier al-'Ajami, entouré de barbelés jusqu'en 1952.

Après la déportation de la majorité et la transformation des propriétaires survivants en réfugiés sans terres, souffrant toujours de la pauvreté, de la privation et de la persécution, même les morts enterrés dans cette terre n'ont pas échappé à la destruction et l'humiliation.

Le cimetière de 'Abd-an-Nabi, dont la majeure partie de la terre a été usurpée dans les années 60 pour construire l'hôtel Hilton, souffre encore aujourd'hui de délabrement et de destruction, et se trouve dans un état alarmant.

Les hôtels ont été construits sur sa terre, les routes le traversent, et un mémorial pour l'armée de l'air israélienne y a été construit. Il nous semblait que la plupart des tombes ne seraient plus là lors de nos prochaines visites, à cause de leur état de délabrement.

Après avoir récité la Fatiha (le premier chapitre du Coran), nous sommes partis, le coeur gros, tenant dans nos mains la clef en métal du cimetière, que n ous avions trouvé par hasard, et que nous avons gardée comme un souvenir rare, tout comme des centaines de milliers de clefs du retour sont conservées et accrochées dans les maisons des réfugiés palestiniens dans le monde.



Après cette visite, la mosquée de Hasan Bek dans le quartier d'al-Manshiyya a été notre étape suivante dans la tournée centrée sur la vieille ville, le port et l'avenue al-Hilwa.

La belle mosquée construite selon le style architectural mamelouke a tellement souffert de plus de 20 attaques et tentatives d'incendies par les extrémistes sionistes qui ne supportent pas la grandeur du minaret qui prouve clairement l'identité du lieu.

La mosquée a été ouverte après une lutte ardue par les habitants palestiniens restants de Yafa, mais ils sont toujours privés de l'appel, l'Adhan (l'appel à la prière). Autour de la mosquée, le quartier al-Masnhiyya a été construit par les familles fortunées de Yafa, avant la Nakba, comme les familles Bamiya et Baydas.

Mais seules quelques maisons subsistent, et prises par les Sionistes, comme l'est la savonnerie qui fut construite autrefois par une famille de Naplouse, mais qui est devenue maintenant un musée pour le mouvement sioniste Itsel.


Près de la côte, les visiteurs poursuivent leur tournée de la vieille Yafa où les Arabes ne sont pas autorisés à vivre, au prétexte qu'elle est réservée au séjour des artistes. D'imposantes maisons en pierre sont toujours là, avec, bien en vue, un bâtiment de deux étages, connu autrefois comme le café Al-Madfa', où Umm Kalthoum, Farid al-Atrash et Mohamed Abdel Wahab ont chanté, avant que le lieu ne soit transformé en night-club.

La ville était connue pour ses activités artistiques et culturelles, et jusqu'en 1948, il y avait 17 cinémas, les plus célèbres étant les cinémas Alhamra, King Farouk et Apollo. Il y avait également des dizaines d'écoles et de clubs, et c'est ici que de nombreux quotidiens de Palestine étaient publiés.


En ce beau jour ensoleillé, les visiteurs de la vieille ville de Yafa ont attiré l'attention des habitants juifs qui viennent marcher et nager pendant le week-end, faisant naître des regards pleins de suspicion et de vigilance.

La route côtière est encombrée par les piétons et les visiteurs qui attendent les bateaux, évoquant l'image de ceux qui attendaient dans des queues similaires 56 ans plus tôt pour commencer le voyage de l'exil qui n'est pas encore fini.

Le guide, 'Asfour, indique d'une voix triste, que la vieille Yafa, dont les traces de prospérité sont toujours apparentes, est devenu un centre pour la drogue et la prostitution, et que le port est devenu un port pour les riches Juifs, alors que les pêcheurs arabes et leurs bâteaux sont rélégués dans un coin pauvre et petit.

A l'intérieur des rues de la vieille ville de Yafa, où les artistes Juifs se sont installés dans les maisons desquelles les Arabes ont été expulsés, les visiteurs se sont promenés, le visage sombre, trahissant leur incapacité à absorber l'énormité de la catastrophe.

"Par Dieu, ces pierres vont parler, en arabe, cherchant leurs propriétaires qui ont été si longtemps absents", dit Jamil Arafat, un des guides des visites régulières organisées par l'association des réfugiés.

Au centre de la place de l'église de Mar Boutros, à l'intérieur de la vieille ville, le bâtiment de Omar el-Khayyam est devenu un musée de photos et dessins de la ville, qui excluent la période arabe de l'histoire de la ville.


Dans l'angle nord de la ville, la mosquée de Ala'iddin est devenue un restaurant et nightclub, en face de la savonnerie Domyani, désertée, dont la partie ouest est devenue un refuge pour les corneilles alors que sa partie Est est devenue un "théâtre arabe hébreu".

Sur le chemin de la rue al-Hilwa, dont le nom a été changé en hébreu, Yevet, comme le reste des rues et institutions de la ville, se tient la Grande mosquée de Yafa, avec son minaret élevé, dont l'une des parties a été transformée en centres commerciaux.

Devant se trouve le Sabeel Abou Nabout, qui procure de l'eau aux passants, et sur le sommet, on peut clairement voir l'emblème ottoman gravé sur le marbre qui indique qu'il a été bâti à l'époque turque.

Le guide indique la bibliothèque Tawfiqiyya, dont le propriétaire Tawfiq Al-Samhouri a écrit le premier dictionnaire arabe-hébreu, et qui a été aussi transformée en nightclub.

Tout le long de la rue al-Hilwa, le gui de indique les noms des marchés et les rues adjacentes comme la rue Al-Nuzha, où les voitures n'étaient pas autorisées, ayant été réservées pour les promenades (deux jours étaient réservés aux femmes), et était donc connue comme al-Nuzha.

Des deux côtés de cette rue principale, des dizaines de maisons et de palais se tiennent, déserts: ils étaient autrefois des résidences, ou des institutions culturelles ou municipales, comme l'imprimerie de Palestine, dont le propriétaire était la famille Al-Sisi, l'hôpital français, le club musulman-chrétien, les écoles des prêtres et des soeurs, l'école orthodoxe, la Terrasanta, où plusieurs figures de la révolution et de la culture palestiniennes ont reçu leur éducation, comme Hisham Sharabi, Georges Habache, Salah Khalaf, Salim Tamari, Ibrahim Abu Lughud et d'autres.

Après un arrêt à la célèbre horloge de Yafa qui a été bâtie en l'honneur du sultan Abdel Hamid II, la visite s'est terminée par une vue sur la couverture en métal des restes du système d'assainissement antérieur à la Nakba sur lequel est écrit en arabe et en anglais :
"Compagnie de l'eau, Municipalité de Yafa", une couverture modeste mais qui révèle une partie de la vérité et de l'identité de Yafa qui ne cessent d'endurer des tentatives d'éradication.


Après cette courte visite de Yafa, le groupe a visité les villages d'al-Khayriyya, Al-Safarriya, Al-Sagiya, Al-Yazour et al-Abbasiyya à l'est du grand Yafa où l'aéroport international de Ben Gourion a été construit.

Ici également, l'histoire n'est pas différente de celle de la ville-mère. Les maisons ont été prises, les cimetières négligés, les mosquées et les églises sont devenues des synaguogues dans le meilleur des cas.

Tout le long de la route de ou vers Yafa, Farid Hajj Yahia, l'un des guides, nous indiquait les changements des noms de toutes les zones entourant Yafa, interrogeant par exemple, "savez-vous que Kfar Saba a été construit sur les ruines d'un village palestinien connu sous le même nom, le cimetière et l'école des garçons sont toujours présents aujourd'hui ?" De même, Biar Adas est devenu Majduil, Al-Mahmudiyya est devenu Lib Hesharon, Nahr al-Awja est
devenu Al-Yarkoun, le village d'Ibn Abraq e st devenu Beni Brak, Ajlil est devenu Be Jelilot, Sheikh Mo'nis est devenu Remat Tel Aviv, etc..

A Al-'Abbasiyya, dont les belles maisons n'ont pas été détruites, et qui est devenu aujourd'hui le village de Yehud, les Juifs d'origine yéménite vivent, et ont transformé la mosquée principale, bâtie en 1362, en synagogue.

Lorsque les visiteurs essaient d'y entrer, le rabbin yéménite Hayiim les en empêche, disant : "vous n'avez pas la permission d'entrer dans une synagogue sans kippa" acceptant seulement d'ouvrir la porte pour regarder.

"Mais c'est une mosquée, comment vous pouvez l'usurper pour adorer Dieu ?" s'exclama Hajj Abu Khairallah, à qui le rabbin Hayiim a répondu : "Ce sont toutes les maisons de Dieu".

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