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Tunisie -

Mohamed Bouaziz, Ian Palach‏

Par

Quand un jeune Tunisien de 26 ans, Mohamed Bouaziz, tente de s’immoler par le feu ce 17 décembre devant le gouvernorat de Sidi Bouzid, il n’exprime pas son désespoir mais il indique là l’impossibilité de dire autrement l’impasse dans laquelle maintient l’actuel gouvernement la jeunesse tunisienne. Ce jeune diplômé n’a pas trouvé d’emploi correspondant à son niveau de qualification. Une quelconque autorité locale venait de lui confisquer les quelques fruits et légumes qu’il revend pour survivre et essayer d’apporter quelques deniers à sa petite famille.

Mohamed Bouaziz dit avec son geste que la jeunesse en Tunisie n’en peut plus de n’avoir d’autre alternative que la patera pourvoyeuse de noyés pour la Mare Nostrum ou au mieux de résidents dans des camps de rétention d’une Europe forteresse d’une part, ou que le chômage et de toutes les façons une vie dans l’indignité sans travail ni liberté d’expression.

Cet ‘incident’ ne survient pas dans un climat social serein.

Le peuple de Tunisie subit une répression à la mesure de l’intransigeance d’une des pires dictatures policières que les ex-pays colonisés arabes aient connues. La proportion d’hommes de la police, secrète ou non, par nombre d’habitants n’a rien à envier à l’Égypte de Moubarak ni au régime de Hassan II du Maroc. Ces autocraties n’ont aucune aptitude à intégrer économiquement et encore moins politiquement leurs citoyens. Au contraire, elles encouragent cyniquement leur exportation vers des contrées où ils sont méprisés, exploités pourvu qu’ils assurent des revenus en devise forte au pays où ils ont vu le jour tout en assurant aux pays destinataires de leurs émigrés une coopération militaire rétribuée de chasse au migrant illégal.

La révolte fait plus que gronder dans ce pays possédé par une poignée de proches du Président Benali qui se succède ‘démocratiquement’ à lui-même depuis 23 ans. Durant toute l’année 2008, les mouvements de protestation sociale partis du bassin de mines phosphatières à Gafsa ont mis le pays en ébullition, et la seule réponse du régime fut la répression dans le sang des manifestations (tirs à balles réelles sur les manifestants et mort d’hommes) puis la condamnation à des peines très lourdes et dissuasives de quelques-uns. Il était dénoncé le népotisme transformé comme mode de gouvernement et d’enrichissement pour une petite clique des proches du palais présidentiel, la corruption comme nouvelle norme sociale, le chômage et le coût de la vie.

Toutes ces caractéristiques pathologiques se retrouvent dans une expression à peine différenciée dans tous les pays d’Afrique du Nord et au-delà, depuis le Maroc jusqu’à la Libye, l’Égypte, la Jordanie, la Syrie… Sous nos latitudes, nous avons des monarchies, sinon de droit divin du moins s’appuyant sur une filiation plus ou moins authentique au Prophète, mais surtout, nous avons inventé la République héréditaire. Nos dirigeants font tellement confiance dans leurs propres régimes qu’ils prennent soin d’empiler leurs richesses indûment pillées dans des coffres-forts sur des comptes numérotés dans de solides banques bien helvétiques (pour le cas où).

Au Maroc depuis septembre 2009, une action des ouvriers de la mine de phosphate de Khourigba vise à protester contre le licenciement sec de 850 d’entre eux au seul motif qu’ils ont contesté la remise en cause de leurs droits, salaires, sécurité sociale, durement acquis par la grève la plus longue du mouvement syndical marocain en 1971. Dans ce cas aussi, les mesures d’intimidation, la répression sauvage des rassemblements et manifestations pacifistes par des forces auxiliaires de l’armée, l’emprisonnement, les amendes ont été la seule réponse des autorités.

Quasiment toutes les semaines, des sit-in sont organisés par des diplômés chômeurs devant le Parlement à Rabat, rituel ‘toléré’ mais qui se termine tout aussi rituellement par une dispersion musclée. Dans un pays connu pour le record de son analphabétisme (le chiffre officiel est de 32%), où toute notion de service public, y compris éducation nationale, a été abandonnée sur injonctions du FMI, une semaine de festival est offerte chaque année depuis dix ans au menu peuple. Pour cette distribution de jeux sans le pain, plus d’une dizaine de scènes sont ouvertes à Rabat à la fin des mois de mai. Incapable d’offrir une instruction publique à ses enfants, le pays lui octroie une orgie de musiques occidentales, dont le sioniste Elton John qui a été un des rares artistes à se produire à Tel Aviv malgré les demandes de la campagne BDS.

Mohamed Bouaziz a inauguré en Tunisie une nouvelle ère au cours de laquelle les Tunisiens se sont secoués de nouveau de leur peur de la répression. Il est temps que les usurpateurs préoccupés uniquement de l’accroissement de leurs fortunes personnelles s’en aillent. Il y a pléthore de personnel politique dévoué et compétent pour réinstaller le peuple dans sa dignité.

À cette occasion du 17 décembre, tous les mouvements politiques d’opposition se sont unis pour exprimer leur refus de ce régime de l’arbitraire.

Gageons que le sacrifice de sa personne offert par Bouaziz sera couronné plus rapidement d’effets que celui de Jan Palach, ce tchèque étudiant en philosophie de 21 ans qui s’est immolé par le feu à Prague le 16 janvier 1969. Il protestait contre l’invasion de son pays par l’armée rouge en mai 1968 qui était venue mettre fin au printemps de Prague, libéralisation du régime autoritaire par le réformateur Dubcek. Les Tchécoslovaques ont dû attendre 20 ans la fin de leur de leur position de satellite pour l’Union Soviétique.

Un tel régime discrédité a tout à craindre d’une colère marquée par l’unité de toutes les voix qui lui sont opposées. Ben Ali n’a pas les moyens ni d’exterminer tout son peuple, ni de le mettre dans son intégralité dans ses geôles. Il a peu à espérer des régimes occidentaux, toujours prêts à soutenir les dictateurs qu’ils agréent et parfois mettent eux-mêmes en place. Certes, la Tunisie est importante stratégiquement car un pôle de véritable démocratie enfoncé comme un coin dans le corps de la nation arabe mettrait en danger tout l’édifice de contrôle de ses peuples sous le joug de leur Empire. Mais moins important aujourd’hui que la Côte d’Ivoire et ses richesses pétrolières en off shore.

La France et la communauté internationale, en réalité quelques entités transnationales qui défendent leur territoire de jeu (d’enrichissement), s’apprêtent à intervenir militairement en Côte d’Ivoire pour imposer de l’extérieur leur démocratie. Un ancien fonctionnaire du FMI traiterait avec plus d’égard Total et Exxon pour le partage des bénéfices des ressources pétrolières. Les servants de Wall Street et du CAC 40 ont déjà les mains occupées à régler le sort de ce pays déjà programmé à connaître une partition Nord-Sud mise sur le compte de conflits ethniques voire religieux (quelle nouveauté !) pour masquer le problème des ressources économiques.

Il devient impérieux pour les mouvements démocratiques d’opposition à la dictature benalienne qu’ils tirent profit de cette étroite fenêtre de tir.

Toute notre solidarité leur est acquise.

Badia Benjelloun
29 décembre 2010



Pour savoir ce qui se passe vraiment en Tunisie, visitez le blog collectif Nawaat.org.

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