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ISM France - Archives 2001-2021

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Naplouse -

Nakba et dynamique des réfugiés

Par

Hussam Khadr, député palestinien (en prison depuis mars 2003)

Beaucoup ont écrit sur la Nakba en tant que concept et événement historique charnière, ayant eu des conséquences directes et sévères sur l'ensemble de la situation palestinienne, économique, sociale et démographique. Nous pouvons dire que la Nakba n'est pas liée à une date précise comme nous nous sommes habitués à en parler, en la liant directement à l'année de 1948, mais c'est un processus historique complexe et important qui a été précédé par des préparatifs et des introductions.

De même, la Nakba a eu des conséquences et des résultats qui sont toujours présents. Les premiers aspects de la nakba palestinienne ont commencé à se constituer dès la fin du XIXème siècle, soit avec la tenue du premier congrès sioniste, ou même un peu avant, en passant par la déclaration Balfour et les vagues d'émigration juive qui ont suivi, vers la Palestine, accompagnées d'une propagande et d'une mystification de la réalité, sur le fait que "la Palestine est une terre sans peuple", sans oublier le fait que le mandat britannique a largement facilité la création de l'Etat sioniste sur la terre palestinienne.

Puis ce furent l'accord de Sykes-Picot, les lois britanniques qui ont visé la propriété de la terre palestinienne, en la transformant d'une propriété collective, qui allait à la large famille ou à la tribu, à une propriété individuelle, et la décision 181 de partage, puis les massacres commis par les groupes sionistes, les cas d'expulsion collective qui ont touché près d'un million de Palestiniens, la destruction des villes et des villages palestiniens, la judaïsation de la terre en enfouissant les aspects historiques qui affirment la présence palestinienne sur cette terre depuis des milliers d'années.


La Nakba s'est poursuivie comme fait historique tout au long des années, avec ses peines, ses souffrances, sa dureté, et cette continuité sans fin s'est matérialisée avec la perte de la terre, la présence du réfugié et de la tente, l'explosion démographique et géographique propre aux réfugiés.

La perte de la terre a représenté la conséquence directe de la Nakba.

La terre porte des significations symboliques et matériels extrêmement complexes et entremêlés et spécifiques, c'est pourquoi les groupes terroristes sionistes ont arraché la plupart des paysans palestiniens à leurs terres, avec toute la dureté possible, mais il ne faut pas oublier une réalité, cet arrachage a été précédé d'une série de mesures mandataires visant à modifier la propriété collective de la terre, et c'est cette perte de la terre qui a conduit à la séparation entre le paysan palestinien et sa terre, ce qui a eu pour conséquences la destruction de l'infrastructure socio-économique axée sur la terre, en tant que moyen de production, et de ce fait, le paysan est devenu chômeur, et dans les meilleurs des cas, il exécute des travaux marginaux, non productif, pour faire vivre sa famille.

La Nakba a conduit à supprimer le paysan en tant que travail et en tant que mode de production chez les réfugiés, et par ailleurs, elle a conduit à la destruction des bases matérielles et économiques sur lesquelles la famille palestinienne élargie ou la tribu s'appuyaient, la destruction des relations, du statut social et de la hiérarchie sociale qu'assuraient la terre et sa propriété.


L'apparition du camp et du réfugié en tant que principaux témoins de la catastrophe historique à laquelle a été confronté le peuple palestinien

A partir de la douleur même issue de la nakba, des groupes de résistants, de militants et de révolutionnaires, issus des quartiers et des ruelles des camps de réfugiés ont formulé et innové des stratégies pour que le peuple demeure, pour qu'il résiste sur tous les plans, le plan de la lutte, de la société, de la culture.

Le camp et le réfugié sont certainement les conséquences permanentes et toujours visibles de la nakba, et leur existence représente la permanence d'un problème non encore résolu.


La géographie et la démographie palestiniennes en explosion

Les actes d'arracher et de déraciner de la terre palestinienne, la perte de cette terre et les conséquences désastreuses qui ont suivi, comme l'expulsion collective exécutée par les groupes sionistes, ont conduit à la dispersion géographique en tant que nouvelle réalité. Les Palestiniens ont été dispersés en tant que réfugiés sur des lieux et des espaces nombreux, les plus importants étant : les terres de 48 (ceux qui sont réfugiés dans leur propre pays), le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Cisjordanie , la bande de Gaza ainsi qu'en des lieux où l'appelation camp n'est pas courant, en Egypte et en Irak.

Au cours de la première période, quand la situation de réfugiés était encore nouvelle, la tente est devenue une adresse très marquée, qui entremêle plusieurs visions, attitudes et conceptions.

Le réfugié est celui qui a été accusé de fuite, mais en même temps, c'est celui qui a été expulsé, il a également été perçu comme celui qui a vendu la terre ou celui qui a été déraciné, il était la conséquence et la cause en même temps, et l'état d'isolement auquel il a été soumis a été renforcé par encore plus d'isolement et de situation d'exil, jusqu'à ce qu'il devienne éloigné de son image normale, celle d'un être attaché à la terre, pour qu'une autre image prenne la place, celle d'un individu lié au camp en tant que lieu, le camp étant devenu une alternative forcée à la terre première.

Cette époque, avec toute la marginalisation, l'isolement et l'exil qu'elle comporte, a été soumise à la logique de la propagande et de l'histoire sionistes concernant ce qui s'est passé en 48. Elle fut aussi celle de la perte du lieu où se trouve leur terre d'origine, sans parler de la situation économique désastreuse, de l'oppression politique et des différences culturelles et sociales avec le milieu dans lequel s'est retrouvé le camp.

Les réfugiés ont montré une capacité prodigieuse à résister, pour sortir de l'état d'isolement dans lequel ils étaient obligés de vivre, dans une situation économique et sociale extrêmement difficile. Leur conscience individuelle et collective a eu le grand mérite de conserver, de formuler et de produire à nouveau l'identité nationale palestinienne. Elle a été développée à l'intérieur des milieux des réfugiés.

La défaite de 1967 a représenté une nouvelle étape pour la représentation qu'ont les réfugiés d'eux-mêmes, elle a rompu leur isolement, grâce à une série de stratégies de conservation qu'ils ont élaborées de manière remarquable - l'éducation étant l'une de ces stratégies - pour pallier au manque de la terre et pour survivre.

L'éducation et le savoir ont été un des aspects de la résistance, ils ont été une réaction à l'ignorance qui fut une des causes de l'exil, et l'éducation est devenue une possession que personne ne peut arracher. Puis ce fut la constitution de l'Organisation de Libération de la Palestine, pour former l'identité de lutte des Palestiniens, et cette identité n'aurait pu être formée sans la révolution déclenchée par Fateh en 1965, qui fut suivie par les autres groupes de la résistance palestinienne, avec une nouvelle stratégie de lutte.

Tout ce processus n'aurait pu se développer sans l'interaction rapide et puissante dans les milieux des réfugiés des camps, et notamment ceux de la seconde génération après la nakba, qui a représenté une dynamique palestinienne d'un genre nouveau, basée sur l'action.

Tout ce qui précède est une longue introduction à cet article, mais il est nécessaire que ces éléments restent présents dans les esprits palestiniens lorsqu'on aborde la question des réfugiés, leur nakba et leurs droits qui ne peuvent être ignorés, rien que parce qu'ils possèdent eux-mêmes cette conscience collective qui tourne autour du droit au retour et à la réappropriation de leurs biens.

Et sans aucun doute, tous les réfugiés, toutes leurs institutions et leurs structures actives aujourd'hui ont un droit sacré et une responsabilité importante pour développer leurs capacités, pour activer la revendication des droits et pour mettre en avant ce qui suit :

- Les solutions proposées pour régler la question palestinienne, quels que soient les scénarios proposés, que ce soit l'idée de deux Etats ou celle d'un Etat démocratique unique, ne doivent pas nous faire oublier que la revendication doit se maintenir, l'établissement d'un Etat Palestinien ne signifie nullement le retour des réfugiés à cette terre, mais les réfugiés doivent retourner à la terre d'origine dont ils ont été chassés. Et c'est là l'importance des aspects juridiques et légaux en ce qui concerne le droit au retour, l'importance de multiplier les recherches autour de ce point précisément.
Quant aux projets proposés et qui sont élaborés entre des individus israéliens qui sont rejetés par les Israéliens et des Palestiniens, politiques ou universitaires, ces projets doivent être refusés, mais en même temps nous pousser à nous accrocher encore plus au droit au retour. Les réfugiés doivent poursuivre leurs revendications et agir de façon rationnelle et organisée, sans accorder trop d'importance à ces marginaux et ces nouveaux arrivés dans la vie politique palestinienne, car ils ne réalisent pas encore que toute la ténacité avec laquelle les réfugiés se sont accrochés n'est qu'un préalable à mener la grande bataille pour défendre le droit au retour.

- Unir les efforts entrepris par les réfugiés : De multiples organisations, organismes et comités de défense des réfugiés, de leurs droits, sont la preuve de l'action, de la force et de justesse qu'il faut couronner en unissant cet effort, en instaurant un réseau qui relie entre les différentes énergies, les comités et les organismes, sans pour autant négliger l'importance des conférences qui ont été tenues à l'intérieur et à l'extérieur, et qui préparent le terrain pour une unité et une union qu'il est nécessaire de construire.
Les efforts doivent converger pour arriver à une situation idéale, et tous doivent prendre au sérieux cette dynamique initiée par les réfugiés, qui est issue de leur crainte du danger pour leur cause et leur avenir, et surtout rencontrer les corps sociaux et représentatifs de leurs droits que sont les comités "A'idoun" (nous retournerons) en Syrie, au Liban, les comités des défense des réfugiés en Cisjordanie et la bande de Gaza, l'association des réfugiés à l'intérieur de la ligne verte, le rassemblement du droit au retour en Jordanie, le congrès du droit au retour, le congrès de liaison des comités de défense du droit au retour dans le monde, le centre al-awda à Londres, les comités des réfugiés en Europe et dans les deux Amériques, le centre Badil et sa campagne internationale, ses recherches scientifiques et ses études comparées qui expriment une conscience, une vitalité et une capacité à profiter des autres expériences pour la réappropriation des biens, les associations des familles des villages d'où ont été expulsés les Palestiniens, les centres sociaux et leur rôle pionnier à développer la conscience et à s'accrocher aux droits, les unions des jeunesses des centres des jeunes, des femmes, et les comités sociaux dans les camps et les bureaux exécutifs, ainsi que d'autres corps et comités répandus dans tous les lieux où se trouve le peuple palestinien.

- Et finalement, il est nécessaire d'affirmer que la position envers le droit au retour est le critère pour mesurer le sérieux de telle organisation, tel comité ou telle personne, car il ne faut pas que ce droit soit soumis à des négociations, à des sondages, à des votes ou soit considéré comme ballon d'essai pour tel ou tel responsable. Toutes les forces vives de notre peuple doivent être conscientes et être à un haut degré de mobilisation pour empêcher quiconque de remettre en cause ou d'ignorer le droit au retour.

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