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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

Obama en Pharaon des temps modernes

Par

Kevin MacDonald est professeur de psychologie à l’Université d’Etat de Californie de Long Beach.

Ceux qui, parmi nous, dénoncent la puissance du pouvoir sioniste, ont été intrigués par le fait que l’administration Obama semble tenir tête aux Israéliens – et, par implication, au lobby sioniste. Après tout, durant sa campagne électorale, Obama a fait tout ce qu’il fallait faire afin de faire montre de son soutien au lobby sioniste et d’apaiser des craintes, chez certains activistes juifs, qu’il ne serait pas suffisamment pro-israélien. Il a absolument tout fait pour cela ; il a notamment prononcé un discours, devant l’American Israeli Public Affairs Committee (Aipac) que Philip Weiss a qualifié de "lustrage de bottes".

Obama en Pharaon des temps modernes

Obama avait été récompensé de son inféodation manifeste. Près de 80% des juifs américains ont voté pour Obama, et les juifs ont contribué financièrement à plus de la moitié des fonds recueillis par le parti démocrate durant la campagne. Son choix de Rahm Emanuel (qui a servi dans l’aviation israélienne durant la guerre du Golfe de 1991) en tant que chef de cabinet [de la Maison Blanche] et la présence d’activistes pro-israéliens aussi vieillis sous le harnais qu’un Dennis Ross au Département d’Etat ont laissé entendre que la politique d’Obama à l’égard d’Israël ne connaîtrait aucune rupture majeure.

Néanmoins, l’administration Obama a nommé George Mitchell (qui a une réputation de relative impartialité) en tant qu’envoyé spécial au Moyen-Orient, et elle a tenu des propos conciliants en direction du monde musulman. Plus important : l’administration actuelle a prôné une solution à deux Etats, et elle a exhorté Israël à geler de manière substantielle l’expansion de ses colonies – y compris ce que Steven Walt appelle « la feuille de vigne de « la croissance démographique naturelle » ». (Le New York Times indique que si toutes les unités d’habitations d’ores et déjà validées par le gouvernement israélien en Cisjordanie devaient être effectivement construites, cela aurait pour effet de quasiment doubler le nombre des colonies existantes).

Il y a de quoi être sceptique quant à ces évolutions. Walt considère que le comportement de l’administration Obama est entièrement focalisée sur l’impératif de rester en accord avec l’essentiel de l’argumentation mise en avant par le lobby sioniste. Il voit dans la position de l’administration Obama le signe encourageant que les Etats-Unis seraient – enfin ! – en train de mener une politique qui servent à la fois les intérêts des Etats-Unis et ceux d’Israël. Mais il nous met en garde : jusqu’ici, tout cela n’est que rhétorique…

De fait, d’autres présidents – tout particulièrement Jimmy Carter et George W. Bush – ont fait pression sur Israël, mais qu’ils n’ont pas tardé à échouer, en cela, en raison de la puissance du lobby sioniste au Congrès. Il y a même eu, carrément, des rumeurs de dissension au sein du Congrès, à propos des déclarations d’Obama, tant chez les démocrates que chez les républicains – ces derniers y ayant vraisemblablement perçu une volonté d’ouverture politique.

Cela doit manifestement amener les grosses têtes de l’administration Obama à prendre conscience du fait que Carter et Bush furent des présidents à mandat unique, qui furent lourdement critiqués par le lobby sioniste. Jimmy Carter fut très largement considéré hostile à Israël, durant sa campagne de 1980, et sa politique envers Israël fut la principale motivation de la migration de certains néoconservateurs vers le parti républicain. Beaucoup d’observateurs pensent que la défaite électorale de George H. W. Bush, en 1992, avait pour origine sa tentative de réduire la colonisation (George W. Bush a, apparemment, reçu le message 5/5 et il a décidé de ne pas s’aliéner le lobby sioniste sur la question des colonies. Cela a eu pour conséquence, entre autres, le fait que son administration s’est enlisée dans une guerre aussi coûteuse qu’inutile en Irak].

L’on est fondé à se demander si beaucoup de juifs américains ont le sentiment qu’ils auraient été mieux avec John McCain et ses conseillers néocons ès politique étrangère – en particulier du fait que les attitudes traîtresses dudit McCain en matière d’immigration et d’ailleurs de son agenda de politique intérieure dans son ensemble étaient parfaitement compatibles avec les positions juives.

La réaction des fanatiques juifs d’Israël à la rhétorique de l’administration Obama a dépassé toutes les bornes, comme prévu. Le chef du Parti National Religieux, qui est aussi le ministre des Sciences, Daniel Herschkowitz, a comparé Obama à l’antisémite archétypal du passé : « L’exigence américaine que la croissance démographique naturelle soit contrée est irraisonnable, et elle rappelle le Pharaon, qui avait dit : "Tous les enfants mâles doivent être jetés dans le Nil ! "».

Les activistes juifs sont en train d’organiser des manifestations de protestation, et des posters (photo ci-dessus) représentant « Barack Hussein Obama » (sans oublier – surtout pas - son second prénom) portant le keffyéh palestinien, avec la légende : « Haïsseur de juifs antisémite » sont distribués aujourd’hui dans tout Israël.

Philip Weiss relève que l’une de ces manifestations de protestation a été organisée par « nulle autre que Nadia Matar, qui, la dernière fois que nous eûmes l’honneur de la voir, récoltait des fonds [déductibles des impôts] dans une synagogue new-yorkaise et en appelait à l’assassinat de Mahmoud Abbas » [cette femme est peut-être une crypto-pro-palestinienne, finalement ? ndt] ».

La déclaration ci-après, d’un activiste, montre bien la profondeur de l’émotion soulevée par les déclarations d’Obama :

« Je veux rappeler ici à Obama qu’Eretz Yisrael appartient au peuple juif. Quel droit peut bien avoir quiconque à nous dire d’arrêter de construire sur la terre que Dieu nous a donnée ? Je ne suis pas prêt à laisser Obama, ou n’importe qui d’autre, d’ailleurs, me dire où je peux vivre et où je n’ai pas le droit de vivre ».

J. Street et la gauche israélienne (ainsi que des commentateurs tels que Steven Walt) pensent que le gel des colonies et l’acceptation d’un Etat palestinien viable seraient bons pour Israël. J’ai exprimé de sérieux doutes sur ce point dans ma recension du rapport sur le Lobby israélien – mon argument principal étant qu’Israël a la capacité, en particulier grâce à la coopération des Etats-Unis, d’atteindre son objectif : la prise de contrôle quasi-totale de la Cisjordanie et la relégation des Palestiniens à un statut totalement dégradé, à un point tel que la plupart décideraient d’émigrer.

Bien sûr, cette politique expansionniste agressive fait d’Israël un paria international. Mais le lobby sioniste a une longue tradition de justification du comportement israélien, tout au moins aux Etats-Unis.

Mais surtout, le fait que cela soit bon, ou non, pour Israël n’a strictement aucune importance. Le gouvernement israélien actuel est le plus à droite de toute l’histoire d’Israël, et beaucoup de ses partisans sont ces fanatiques qui collent des affiches affirmant qu’Obama est « un haïsseur de juifs antisémite ».

Les extrémistes ont la parole, en Israël, au minimum depuis 1967. Ils sont aujourd’hui plus incrustés que jamais par le passé. Il est tout simplement impensable que ces gens-là fassent des concessions territoriales majeures en faisant l’impasse sur l’étape guerrière.

Toute tentative de réduire la colonisation ou de procéder à un retrait conséquent de la Cisjordanie et de Jérusalem Est, ou encore d’autoriser la création d’un Etat palestinien viable, ne pourrait que provoquer une guerre civile entre Israéliens. Mais il est parfaitement évident qu’il n’y a aucune volonté politique, en Israël, de soutenir de telles politiques. La fonction essentielle du parti travailliste consiste à gouverner avec la droite, afin de lui donner une feuille de vigne de respectabilité. (Sans surprise, le chef du parti travailliste Ehud Barak a été envoyé aux Etats-Unis pour y présenter la position officielle d’Israël en matière de colonies). Selon mes calculs, la droite ethno-religieuse nationaliste et pro-colonisation détient 92 sièges de la Knesset (qui en comporte 120).

Comme cela a toujours été le cas, tout au long de l’histoire juive, ce sont les membres les plus extrémistes de la communauté qui déterminent la direction de l’ensemble du groupe. Cela vaut sans doute pour la plupart des peuples, mais c’est tout particulièrement le cas avec les juifs, chez qui existe une histoire de fanatisme immémoriale. Dans le cas présent, les membres les plus fanatiques de la communauté juive soutiennent mordicus l’expansion territoriale israélienne en Cisjordanie . Ils constituent une majorité très solide, au sein du monde politique israélien.

Cela me rappelle la description qu’a donnée Christiane Amanpour de fanatiques juifs dans son excellent documentaire télévisé God’s Jewish Warriors [Les guerriers juifs de Dieu]. Une des premières scènes montre une importante force composée de soldats israéliens en train de déménager manu militari des colons d’un quartier d’Hébron. Imaginez, dès lors, à quoi ressemblerait le déménagement forcé des près de 500.000 colons (en 2006) qui vivent en Cisjordanie , à Jérusalem Est et sur les hauts plateaux du Golan…

Ces colons installés en Cisjordanie et des activistes juifs sont massivement ethnocentristes, et ils n’acceptent pas les valeurs occidentales, telles que la démocratie et la liberté d’expression. Ils vivent dans un monde entièrement juif, où toutes leurs moindres pensées et perceptions sont colorées par leur identité juive. Leur monde est un monde d’apartheid, séparé par de hautes murailles de leurs voisins palestiniens, où même des colonies minuscules doivent être protégées par l’armée israélienne.

En des temps où les Américains sont constamment incités, par des organisations juives telles que l’Anti-Defamation League, à être de plus en plus tolérants envers toutes sortes de diversités, ces gens sont tout ce que l’on voudra, sauf tolérants. Chez eux, des appels à l’expropriation et à l’expulsion des Palestiniens sont monnaie courante. Beaucoup d’entre eux sont persuadés que Dieu a donné aux juifs la totalité de la Cisjordanie . Idem, en ce qui concerne Jérusalem.

Des gens tels ceux-là ne sont peut-être pas représentatifs de la communauté juive, en tous les cas, aux Etats-Unis. Mais ils sont très nombreux, et ils ont créé des « faits accomplis » sur le terrain qui rendent impossible tout règlement raisonnable du conflit.

Pour le futur prévisible, il est tout à fait clair qu’aucun gouvernement israélien ne manquera à promouvoir leurs intérêts. Et le problème ne fera que s’exacerber, avec le temps, parce que les juifs fanatiques sont ceux qui ont des enfants. D’ores et déjà, les appels à la « croissance naturelle » des colonies sont « justifiés » au nom de la fertilité élevée des colons.

Comme le fait observer Walt, des signes existent, effectivement, en Amérique, selon lesquels les juifs les moins fanatiques, tels ceux de J Street, peuvent avoir une certaine influence en émoussant la force du lobby sioniste, voire même en le retournant contre les partisans de la colonisation. Toutefois, conformément au constat général que ce sont les juifs les plus extrémistes qui ont tendance à l’emporter, au sein de la communauté juive, je prédis qu’à la fin des fins, les juifs seront contraints de choisir entre soutenir leurs frères extrémistes, ou à être marginalisés, voire ostracisés, par la communauté juive. La grande majorité des activistes juifs des Etats-Unis soutiendront Israël, même si ce pays continue à soutenir fermement les partisans de la colonisation.

Et quand les pressions commenceront à faire leur effet, les juifs se rangeront aux côtés des extrémistes qui dirigent la communauté juive. On peut parler d’intérêts des Etats-Unis ou d’intérêts israéliens tant qu’on voudra, le combat à mort sera toujours celui-là.

Je ne suis pas certain du tout qu’Obama ait bien conscience d’où il met les pieds…

Source : The Occidental Observer

Traduction : Marcel Charbonnier

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