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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Pas de lot de consolation pour ceux qui attendaient de Bush une position un tant soit peu équilibrée

Par

Ecrivain-chercheur syrien, Subhi Hadidi vit à Paris. Article paru in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres)

George W. Bush : une “vision” aveugle et un “plan de paix” ressemblant comme son jumeau à une déclaration de guerre

Sans doute les Arabes modérés, comptant au nombre des “gens de raison” - autrement dit de ces “rationalistes raisonnables” qui s’étaient empressés de rejoindre la cohorte de la “rationalité” dès son émergence/transformation en obédience idéo-cognitive consécutive à la seconde guerre du Golfe, et dont l’un des fruits avait été rien moins que le “nouvel ordre mondial” (qui ne tarda pas à exhaler son dernier souffle, sans dommage ni regrets) - sans doute, disais-je, ces Arabes modérés ont-ils été frappés d’une terrible déception en entendant le discours du président George W. Bush sur sa vision de la paix palestino-israélienne.

Certainement, ils ont été atterrés et ils se sont frappés les mains l’une contre l’autre d’impuissance en découvrant jusqu’à quelles profondeurs abyssales le chef des Etats-Unis était capable de s’enfoncer. Lui, le dirigeant de ces Etats-Unis qui sont, comme on sait, la “Nation indispensable”, le Phare du Monde Libre, le Havre du Libéralisme - archéo comme néo -, la Mecque de la Raison et des Gens “Raisonnables”...


On pourra dire tout ce qu’on voudra au sujet de l’alignement du discours bushien - avec un parti-pris total, éhonté et scandaleux - sur le programme du Likoud. On me pardonnera, j’espère, d’emprunter à autrui, puisqu’aussi bien je restitue la citation - excellente - à son auteur et légitime propriétaire. Ainsi, le journaliste britannique Robert Fisk a déclaré, après avoir entendu ce discours : “Je me demande bien pourquoi Bush ne laisse-t-il pas Sharon diriger son service de presse ?”

Tout un chacun aura pu observer, et même à plusieurs reprises, une kyrielle de remises en cause de points acquis fondamentaux, qui finissaient par constituer une énorme régression par rapport au discours prononcé par Bush, pas plus de deux mois auparavant, à la Maison Blanche, dans la Roseraie, déjà... Il est loisible à tout un chacun de procéder à cette comparaison instructive, autant de fois que nécessaire, ad libitum, jusqu’à satiété, ad nauseam... Sauf mon respect pour la personne de ce cher George, je pense qu’on ne peut que s’étonner de la tournure d’esprit et du comportement pour le moins étranges de l’homme qui préside aux destinées de l’Amérique... et du monde !


En effet, ceux qui espéraient de Bush qu’il adoptât une position équilibrée - ou quasi-équitable, à demi-neutre, équitable à 25%, allez, ne chipotons pas - entre les Palestiniens et les Israéliens sont les seuls fondés aujourd’hui à s’étonner, à se poser des questions, à être surpris, déçus, ou attristés.

Parmi ceux-ci, nous citerons au tout premier chef le président égyptien Hosni Moubarak, lui qui croyait que d’avoir effectué un séjour à la résidence campagnarde de Camp David - avec tout ce qui y bruit et s’y susurre en matière de révélations, de confessions, de tuyaux et de supputations autour des dangers qui guettent les régimes arabes modérés avant même de menacer Yasser Arafat - aurait suffi à convaincre le président américain de condescendre à une concession - au moins celle-là... : fixer un délai tangible et crédible à la création de l’Etat palestinien.

Notre deuxième exemple, parmi nos grands déçus inconsolables, sera celui du souverain saoudien, qui croyait (plutôt : que ses conseillers politiques amateurs post-modernes avaient convaincu du fait) que l’initiative de paix qu’il avait lancée - et que les Arabes avaient avalisée lors du sommet arabe de Beyrouth - constituerait le joyau dans l’écrin des “visions” de George W. Bush en matière de paix arabo-israélienne (et non pas seulement palestino-israélienne)...


Notre troisième exemple d’amoureux éconduits sera celui de ces Arabes “rationnels” qui n’avaient de cesse de houspiller, d’inciter à l’arrêt de l’Intifada (excusez-moi : “de mettre un terme aux violences”) et d’accepter le premier projet de paix venu, en partant du principe qu’”un bon compromis historique aujourd’hui, aussi injuste et éphémère soit-il, vaut mieux que tout perdre demain en s’obstinant de dire “la’” (“non”) à tout...” Non que la tribu des “sages” arabes protestassent, entre autres, contre l’immixtion du président américain dans les affaires intérieures du peuple palestinien en exigeant de lui qu’il élise une direction nouvelle, différente...

Non qu’ils s’insurgeassent contre le reniement par notre homme de ses engagements passés - qu’il s’agît de l’Etat palestinien ou du retrait de l’armée israélienne d’occupation des territoires placés sous la souveraineté de l’Autorité palestinienne.

Non. C’est tout simplement qu’ils ne trouvent aucune explication susceptible d’établir la “rationalité” de ce discours qui défie toute logique - tout du moins, apparemment, si l’on reste à l’intérieur des limites d’un esprit arabe standard...


Ainsi, pour eux, ce qui domine dans le discours de Bush (et ce qui les gêne), c’est cette irrationalité. Ce n’est absolument pas son alignement sur Sharon et sur la vision politique du Likoud. Ce sont là des “visions”, mais elles sont aveugles. Au plus loin qu’elles atteignent, elles ne dépassent pas la pointe du nez du visionnaire. On nous présente ce discours comme “annonciateur de paix”.

En réalité, c’est une déclaration de guerre en bonne et due forme. On nous dit que c’est un “plan d’action”. Mais ce plan ne comporte rien qui soit réalisable, mis à part, peut-être, le fait de donner à Sharon toute latitude de pousser encore plus loin ses plans militaires et sa politique fasciste, et/ou d’intimer aux Palestiniens l’ordre de procéder à des réformes démocratiques drastiques - démocratiques, mais imposées par des ukases totalement antidémocratiques...


Que déciderait George Bush si des élections présidentielles avaient lieu, en Palestine, en présence et sous la supervision d’instances internationales neutres (comme l’équipe d’observateurs de Jimmy Carter, l’Union européenne, les organisations de défense des droits de l’homme...) et si Yasser Arafat était réélu président ?
La Maison Blanche dirait-elle, dans ce cas de figure, que ces élections n’étaient ni libres ni honnêtes ?
Ou bien en refuserait-elle l’issue, au motif qu’elle ne répond pas tout-à-fait aux désirs de Washington et de Tel-Aviv ?
Ou bien peut-être Bush a-t-il d’ores et déjà dans sa manche un projet alternatif, opposé à l’éventualité, tout-à-fait probable, de cette réélection : une recette de présidence cuisinée “à l’Afghane”, modèle Hamid Karzaï ?
Quel crétin des alpages a persuadé le président des Etats-Unis que la Palestine a quelque chose à voir avec l’Afghanistan et les Palestiniens, avec les Afghans ?!?
Est-ce cette même andouille de l’Himalaya, qui avait déjà convaincu Bush que l’Irak et l’Afghanistan, c’est la même chose, et que les Kurdes qui vivent dans le nord de l’Irak sont les clones, en quelque sorte, de l’”Alliance du Nord” afghane et qu’ils sont aussi doués que ceux-ci pour ce qui est de se vendre à l’étranger et se soumettre servilement à l’envahisseur ?


Comment les conseillers et les aides de camp du président américain (du vice-président Dick Cheney à la femme de confiance et puits de science Condoleezza Rice, en passant par le pôle de la “fermeté”, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le pôle “modéré” du secrétaire d’Etat Colin Powell) ont-ils pu, tous ensemble, convaincre le président américain que les conditions d’une paix pouvaient comporter des réformes en Palestine telles qu’elles requièrent des “institutions politiques et économiques entièrement nouvelles, basées sur la démocratie, l’économie de marché et la lutte contre le terrorisme” ; l’”établissement d’une démocratie authentique fondée sur la tolérance et la liberté” ; l’élection d’”une nouvelle direction palestinienne, totalement différente” ; de “nouveaux dirigeants, non compromis avec le terrorisme” ; l’”arrêt de l’afflux de fonds et de matériel, ainsi que des opérations de mobilisation et d’enrôlement dans les rangs de mouvances terroristes s’efforçant de détruire Israël, dont le Hamas, le Djihad islamique et le Hizbollah” ; l’exigence que “tout Etat sincèrement engagé dans la paix interdise l’acheminement des fournitures iraniennes destinées à ces groupes terroristes et s’oppose aux menées des régimes qui soutiennent le terrorisme, comme l’Irak” ; l’exigence que “la Syrie choisisse le bon camp dans la guerre contre le terrorisme, en fermant les camps d’entraînement des terroristes et en chassant les organisations terroristes de son territoire...”

Ouf ! Excusez du peu...


Plus que l’habituelle simplification abusive dont on accuse généralement (à juste titre) le discours bushien, il y a cette fois-ci un délayage pernicieux et délibéré : délayage dans l’expression concrète, dans les idées formulées et dans les réalités tangibles. En ce sens, le discours de Bush lui permet de se laver les mains de toute responsabilité morale, juridique et politique dans ce que Sharon est en train de commettre - et commettra, à l’avenir. Par ailleurs, le discours de Bush donne au premier ministre de l’Etat hébreu le feu vert lui permettant de poursuivre ce qu’il est en train de faire, et même de faire, à l’avenir, exactement tout ce qui lui plaira.

Mais, par ailleurs, ce laxisme intentionnel envoie aux Arabes - plus précisément, aux dirigeants arabes, sans égard pour la “modération” d’un tel ou l’”extrémisme” de tel autre - un message américain nouveau, affiché sans fioritures : la Maison Blanche se moque bien de vos inquiétudes au sujet de ce qui risquerait fort de se produire dans la rue, en réaction à l’alignement américain sur le programme politique du Likoud ; débrouillez-vous tout seuls, et les vaches seront bien gardées !


Une seule raison valable nous semble expliquer ce traitement à la légère, par l’Amérique, des hantises des gouvernants arabes. Ne parlons pas, par charité, de la “dignité”, de la “pudeur” ou de l’”honneur” des dits gouvernants. Cette raison, c’est que tous les oeufs du Moyen-Orient sont dans le même panier - américain - depuis l’inauguration des tentatives de règlement pacifique du conflit arabo-israélien - ce qui remonte à relativement loin dans le passé : à la décision prise par feu le président égyptien Anwar Sadate de renvoyer d’Egypte les experts soviétiques et d’effectuer le voyage de Jérusalem occupée.

A la décision, aussi, de feu le président syrien Hafez al-Assad, de procéder à une ouverture politique quasi-totale vis-à-vis des Etats-Unis (à travers le président américain de l’époque, Richard Nixon, et surtout son célèbre secrétaire d’Etat Henry Kissinger), non seulement sur fond de négociations, mais pour prix partiel du silence américain devant l’”imposition par la Syrie de son hégémonie sur le Liban” ; pour aboutir naturellement à la “Tempête du désert”, à la conférence de Madrid, aux accords d’Oslo et de Wadi Araba, à la série de conversations - secrètes comme publiques - entre la Syrie et Israël.


Les autres raisons ont nom : démission du monde (Union européenne, Russie, Chine...) - voulue ou imposée - de toute responsabilité en matière de participation à la formulation des solutions possibles ou d’exerce de pressions sur l’Etat hébreu et les Etats-Unis. Le fait que Bush ait ignoré impérialement l’idée de conférence mondiale, formulée par la commission quadripartite (composée de l’Union européenne, de la Russie, de l’ONU et des Etats-Unis) ne vient que confirmer cette démission... pour qui, naturellement, aurait encore besoin qu’on lui mette les points sur les “i” !

Les autres raisons ne sont pas sans lien avec le dérèglement de l’équilibre des forces en présence, en faveur de l’Etat hébreu, et au désavantage de régimes arabes totalitaires, impuissants et liges ; dérèglement venant confirmer le principe de l’unipolarité mondiale et de l’extension de l’influence américaine à l’ensemble des relations internationales, rendant obsolètes les quelques principes rescapés de la “légalité internationale”, à l’ONU, par un recours américain - abusif, arbitraire et discriminatoire - au droit de veto.


On dit habituellement - à juste titre, semble-t-il - que l’ensemble de la politique américaine - intérieure et étrangère - peut changer du tout au tout avec la relève de la garde à la Maison Blanche, sauf - bien entendu - en ce qui concerne les politiques, décidées en très haut-lieu, poursuivies par les Etats-Unis au Moyen-Orient.
La fermeté de cette conviction ne résulte pas de la supposition que les données du Moyen-Orient seraient immuables, constantes et éternelles.

En effet, cette région du monde, à l’instar des autres, en réalité, est soumise au principe du changement et de l’évolution - ne fût-ce en vertu des lois d’une Histoire supposée aller toujours de l’avant - tout au moins, du fait que cette région est située au coeur de l’Histoire et ne saurait, en conséquence, s’abstraire du mouvement du monde contemporain.


La force de cette conviction tient, par ailleurs, à la solidité de l’énorme édifice de la diplomatie américaine au Moyen-Orient. Dans un passé pas très éloigné, cet édifice reposait encore sur trois piliers principaux et quelques étais secondaires : tenir en respect le danger communiste et empêcher la Russie d’accéder aux mers chaudes (comme le voulait la légende) ; assurer un calme total sur le front du pétrole, en matière tant de sécurité de l’approvisionnement que de stabilité du prix du baril ; enfin, garantir la sécurité de l’Etat hébreu. Indépendamment du fait que la fin de la guerre froide a permis d’assurer la tenue en respect - “containment” (eng.) - de l’Union soviétique - bien plus : d’en effacer jusqu’au souvenir dans les atlas -, l’opération “Tempête du désert” a permis d’atteindre les deux autres objectifs d’une manière magistrale, digne de faire pâlir le Panthéon imaginaire des présidents des Etats-Unis de jalousie pour Georges Bush-père.


Il fut un temps où un diplomate aussi rusé que pouvait l’être un certain Henry Kissinger était contraint de recourir aux “navettes diplomatiques”, à la “diplomatie des petits pas” entre Le Caire et Tel-Aviv, entre Damas et Riyadh ou Amman, pour aboutir à un grand accord quasi miraculeux sur quelque point de détail, minuscule et nullement hors d’atteinte. En dépit du fait que l’Union soviétique possédât alors son propre panier à oeufs, dans la région du Moyen-Orient, la suite des événements allait démontrer que tous les oeufs finiraient par se retrouver dans le seul panier américain...


Aujourd’hui, les choses ont drôlement changé. Les Etats-Unis n’ont plus besoin que d’un simple texte, que se refilent entre eux, pour le corriger aux marges, le vice-président, la conseillère ès-sécurité nationale Condoleezza Rice, le secrétaire d’Etat à la Défense et le secrétaire d’Etat tout court ; puis que réécrit en lui donnant sa tournure définitive le plumitif en chef de la présidence américaine Michael Gerson ; avant que le relise une énième et pénultième fois la confidente du président, Karen Hughes (potins rapportés par The New York Times), pour que ce topo devienne une “vision”, une “politique”, un “plan de paix”...

Un plan de paix ? Défectueux ? Outrancièrement simplificateur ? Partial ? Dilatoire ? Immoral ?

Les Arabes, de nos jours, ne sont pas si regardants !


Article paru dans le Point d'information Palestine
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