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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Les ombres du passé projettent leur poids sur le présent (A propos de la visite de M. ‘Abbâs à Damas)

Par

in Al-Quds al-Arabiyy, 10.12.2004

Que Dieu accorde Sa miséricorde au Président palestinien, Yasser Arafat !
Ma foi, on dirait bien qu’il était le trouble-fête, le semeur de zizanie, le rabat-joie, le diviseur, l’empêcheur de s’embrasser en rond, l’extincteur à sourires !…
Sinon, comment expliquer toutes ces réjouissances moyen-orientales, qui ne cessent de se succéder et de se coordonner, après sa disparition ?
Quelle lecture pouvons-nous faire des réjouissances de son successeur Mahmûd ‘Abbâs, au Caire, à Amman, à Beyrouth ?

Quelle lecture pouvons-nous faire des réjouissances de son successeur Mahmûd ‘Abbâs, au Caire, à Amman, à Beyrouth ?

En attendant, demain : Jérusalem occupée ? Le point de passage d’Erez ?
Et, après-demain : Washington ? Londres ?

Comment expliquer le rire à gorge déployée d’Ariel Sharon étreignant l’espion israélien Azzam Azzam (tout en critiquant – pourquoi se gêner ? – le rire identique qui a accompagné la rencontre entre le président égyptien Husniyy Mubârak et les "étudiants" égyptiens libérés de leur "captivité" israélienne) ?

Dans quelle rubrique de la bienfaisance devons-nous classer les vingt millions de dollars que la Maison Blanche a promis d’envoyer à l’Autorité nationale palestinienne sans tarder, et les millions encore plus abondants promis par l’Union européenne ?


En particulier, quelle lecture pouvons-nous faire du sourire de Mahmûd ‘Abbâs, d’une oreille à l’autre, en présence du président syrien Bashshâr al-‘Asad, n’était celle consistant à dire que le regretté Arafat représentait l’obstacle, l’empêchement, le problème, entre la Syrie et la Palestine, ou plutôt : entre le parti Ba’th arabe socialiste et le Mouvement de Libération Nationale Palestinienne (Fath) ?

Dieu est Celui qui change les choses les destinées et Celui qui ne change pas : il y a un monde entre l’accueil fait par al-‘Asad à ‘Abbâs, voici quelques jours, et celui qu’il fit à Arafat, dans le même palais présidentiel, lorsque celui-ci était venu lui présenter ses condoléances après le décès de Hâfiz al-‘Asad (père) !

L’hôte syrien s’était départi des plus élémentaires traditions de l’hospitalité arabe : il avait accordé un entretien en tête-à-tête avec tous les chefs d’Etat (y compris à celle qui était alors la Secrétaire d’Etat américaine, Madeleine Albright, et même au révérend Jessie Jackson !). Mais il a laissé poireauter Arafat une bonne heure dans le salon présidentiel ouvert aux plus simples des quidams venus présenter leurs condoléances (certes, le fait qu’il soit venu à Damas en faisant de l’auto-stop et en empruntant l’avion personnel du président Husny Mubârak ne plaidait pas en sa faveur, mais tout de même…)…

Quelle explication y a-t-il à cela, sinon la satisfaction américaine, et sans doute israélienne ? (Parmi les nombreux symptômes, nous relèverons au tout premier chef le soin mis à minimiser les liens entre le « Hamâs » et le « Hizbi-Llâh », qui passent pourtant par Damas…).

Que veut, précisément, ‘Abbâs du régime syrien ? Les régimes arabes, tout particulièrement dans la phase de décadence qu’ils traversent aujourd’hui, ne nous ont pas habitués à une quelconque coordination, bilatérale, trilatérale, ou multilatérale fût-elle, qui soit avant tout au service des peuples, et par ailleurs cela n’est pas particulièrement dans les habitudes de Damas de soutenir l’OLP afin de renforcer l’autonomie de la décision nationale palestinienne, ni de soutenir la position palestinienne dans les négociations, ni même d’aider concrètement et directement le peuple palestinien sans passer par les institutions et les organismes de ladite Autorité palestinienne.


Qu’attend donc Abû Mâzin du régime syrien, en particulier, maintenant ?

Le peuple palestinien aurait-il apuré ses règlements de comptes politiques urgents (les élections présidentielles), et aurait-il reçu de l’administration Sharon ou de l’administration George Bush, ou même de l’administration Husniyy Mubârak quoi que ce soit qui lui permette de penser que les solutions sont à portée de la main, et qu’il faut absolument une coordination syro-libano-palestinienne, afin de faire face à la tempête américaine, unis telle une maçonnerie plombée ?

Mis à part le décès d’Arafat – c’est-à-dire la disparition du paysage de l’homme « persona non grata » à Damas, qu’y a-t-il de changé dans la position syrienne vis-à-vis de la cause palestinienne ?

Le regretté Arafat n’a-t-il pas rencontré, des fois, Bashshâr al-‘Asad au sommet d’Amman, avant que les autorités palestiniennes ne l’enferment dans la « Muqâta’a » ?

‘Abbâs Zakiyy, membre du Conseil exécutif du Fatah, n’est-il pas allé, en tant qu’envoyé personnel d’Arafat, à Damas, au début janvier 2002 ?

A-t-il entendu grand-chose de nouveau de la bouche du vice-président Abd-al-Halîm Khaddâm, et n’est-il pas revenu quasiment bredouille ?


Et la «stratégie de paix», suivie par le régime syrien dans son dialogue – direct et indirect - -secret ou ouvert – avec l’Etat hébreu et l’administration américaine, a-t-elle changé en quoi que ce soit ?

Les fondations de cette stratégie n’ont-elles pas été élevées sur la domestication des « cartes extérieures » où et de quelque façon qu’elles aient été chassées et réunies dans la poigne du régime au pouvoir, au profit de sa position dans les négociations ?

Le régime syrien a-t-il cessé de mettre l’intérêt national libanais (variante : « le processus libanais », selon l’expression ô combien plus subtile !) dans la tranchée de la défense, avant toute chose, des intérêts du régime syrien (variante : « le processus syrien » - expression qui, si tu trouves plus subtil : tu meurs !), alors que le « processus palestinien » ne vient qu’en deuxième position ?

Ou, plus exactement, tel aurait dû être la position de ce « processus » si Yasser Arafat s’était prosterné devant Hâfiz al-‘Asad, et s’il avait dit le « na’am » (oui) requis. Non pas avant, ni pendant, ni après la conférence de Madrid, comme d’aucuns le pensent. Ni en 1994, lorsque Arafat s’est rendu à Damas afin d’y présenter ses condoléances après le décès de son père au fils aîné du président syrien, Bâsil al-‘Asad.
Ni au cours de l’unique visite qu’effectua Arafat dans le village d’Al-Qurdâha (fief et pépinière des ‘Asad), à la fin juillet 1996, au cours de laquelle il avait apporté dans sa besace des propositions israéliennes de reprise des négociations, tout en mettant un soin remarqué à ce que la délégation palestinienne comporte des têtes susceptibles d’agréer à Damas (Fârûq al-Qaddûmî, Hanân ‘Ashrâwî et Zuhdî al-Nashâshîbî…).
Il s’agissait rien moins que du « na’am ! » (oui !) dont on attendait d’Arafat qu’il le prononce, depuis quarante ans, exactement !


L’histoire lui est témoin qu’à peu près à cette période, mais de l’année 1964, une escadre appartenant aux services des renseignements militaires syriens arrêta et emprisonna Yasser Arafat, qu’elle accusa de « préparer des attentats terroristes », après avoir inspecté le coffre de sa voiture et y avoir trouvé des bâtons de dynamite. Quelques heures après, il fut libéré, mais l’incident parut suspect, car Arafat transportait de la dynamite au vu et au su des dirigeants syriens, et il avait même reçu l’autorisation officielle de transporter des armes de divers modèles jusqu’aux camps d’entraînement du « Fatah » en Syrie.

Et le colonel Ahmad Suwaïdânî, chef d’état major syrien à l’époque, avait transmis personnellement cette autorisation à Arafat, après des négociations entre les deux hommes, entamées au printemps de la même année.


Que s’est-il passé ?
Il est vrai que l’ordre direct d’arrestation avait été émis par le chef de la section « Palestine » des services de renseignement militaire, mais le véritable commandant était l’homme fort dans l’armée syrienne, jouissant d’une influence incontestée dans tous les services de renseignement, le chef de l’armée de l’air, le général… Hâfiz Sulaymân al-‘Asad !

Le colonel Suwaïdânî incarnait l’ambition du parti Ba’ath au pouvoir de monopoliser la cause palestinienne, politiquement et idéologiquement.

A cette fin, il avait convaincu la haute hiérarchie de donner au « Fatah » carte blanche pour s’entraîner sur le territoire syrien. A contrario, Al-‘Asad incarnait ses ambitions personnelles de prendre le contrôle des rênes du pouvoir et de préparer la prise en main de l’Etat, c’est pourquoi il avait rappelé à Arafat que c’était lui, ‘Asad, qui était le plus fort, et qui décidait en dernière analyse.
Qu’il incarnait l’instance suprême à laquelle le « Fatah » devait se référer, en tous les cas.



Cet incident marquera le début d’une longue histoire de haine entre Arafat et son adversaire arabe le plus impitoyable : Hâfiz al-‘Asad. Celui-ci ne cessera jamais de chercher à transformer toutes les formations de la résistance palestinienne, et en particulier le « Fatah », en carte à jouer dans sa poche, au service de ses propres plans, tant tactiques que stratégiques.

Quant à Arafat, il ne cessera jamais d’insister sur la nécessité que le fusil palestinien, et par conséquent la décision palestinienne, restent dans une indépendance totale des différents régimes arabes, et à l’écart de leurs tiraillements internes ou régionaux.



L’histoire de l’animosité, à dire le moins, entre les deux hommes, comporte plus d’un incident stupéfiant. Ainsi, en mai 1966, rapportent plusieurs sources, les renseignements militaires syriens ont tenté d’assassiner Arafat, lors de sa rencontre avec l’homme de la Syrie au sein de la résistance palestinienne, le chef du « FPLP [« Front Populaire de Libération de la Palestine »]– Commandement Général », Ahmad Jubraïl, dans un des QG secrets de Damas.
La tentative échoua, parce qu’Arafat s’était absenté, après que l’un des sicaires chargés d’organiser son assassinat ait « fait sécession », rejoignant Arafat et lui racontant tout…


Début juillet, dès le début de l’offensive militaire jordanienne généralisée contre les formations palestiniennes se trouvant en Jordanie, al-‘Asad donna l’ordre (il était depuis peu président de la Syrie) de fermer les frontières jordano-syriennes, ce qui fit des « fidâ’iyyîn » des proies faciles pour les forces du Roi Hussein.

L’objectif suivant d’al-‘Asad fut la liquidation de la présence tant politique que militaire des Palestiniens, et d’Arafat au tout premier chef, de l’ensemble du territoire libanais. Cela fut une partie du prix à payer pour le silence d’Israël et des Etats-Unis sur la vaste présence syrienne, tant militaire que politique, au Liban.



Peut-être al-‘Asad n’a-t-il pas pardonné à Arafat d’avoir tenu, des semaines durant, face au blitz israélien au Liban, en juin 1982, révélant, ce faisant, l’incapacité du régime syrien non seulement à affronter Israël militairement, mais aussi ne serait-ce qu’à assurer les munitions et le ravitaillement aux troupes syriennes prises au piège. Par contraste, les soldats syriens n’oublieront jamais que c’est Arafat qui leur distribuait des boîtes de conserve, de ses propres mains !

Dans le même ordre d’idée, al-‘Asad n’a jamais pardonné à Arafat d’être parti pour la Tunisie, et non pas pour la Syrie, comme l’avaient fait la majorité des dirigeants palestiniens, après le cessez-le-feu et la sortie des Palestiniens du Liban.



En février 1983, au cours de la réunion du Conseil National Palestinien [CNP] à Alger, al-‘Asad déployé (aidé directement en cela par le colonel Mu’ammar al-Qadhdhâfî, qui avait approché à son tour Ahmad Jubraïl) tous les efforts dont il était capable afin de diviser l’OLP, sur fond de « bradage » par Arafat de la cause palestinienne, s’il acceptait ce qu’on appelait à l’époque le « plan (de paix) Reagan ». Bien que le Conseil ait rejeté ce plan, la formulation du refus laissait à la direction de l’OLP une marge de manœuvre qui angoissait al-‘Asad, et qui l’amena à redouter – ô paradoxe ! – un renforcement de la coopération entre Arafat et le roi Husseïn (de Jordanie) !



Ainsi naquit la rébellion d’Abû Mûsâ contre Arafat. Avec des armes syriennes et en collusion avec les « Fathawiyyîn » dissidents, les positions de l’OLP furent bombardées dans les camps de réfugiés de Shâtîlâ et de Burj al-Barâjinéh, afin d’en faire sortir Arafat et de préparer la grande bataille de Tripoli (Tarâbulus), durant l’été 1983. Rien d’étonnant à ce qu’al-‘Asad ait été frappé de stupeur, et entra dans une colère noire, lorsqu’il vit qu’Arafat lui tenait tête et venait même inopinément en Syrie, négocier avec les scissionnistes.

Poussant à l’extrême le défi, après une rencontre ouverte avec le frère du président syrien, Rif’at al-‘Asad, qui était alors à l’apogée de son influence, Arafat disparut de la circulation, et s’enterra, littéralement. Le 23 juin, il y eut la caravane d’Arafat, qui se déplaça, par voie de terre, jusqu’à Tripoli, et comportant même la voiture personnelle du chef de l’OLP.

Elle essuya une offensive militaire, à l’arme lourde. Mais la grosse surprise, ce fut… l’absence d’Arafat de ce convoi, et son apparition, pétant la forme, et prononçant un discours enthousiaste et enflammé ailleurs, dans la capitale syrienne même, et dans un lieu des plus inattendus qui soient. Je vous le donne en mille : Arafat a fait son apparition au beau milieu d’un congrès des écrivains arabes !



Ainsi, il ne restait plus à al-‘Asad qu’à prendre la seule résolution qui restait à sa disposition : chasser Arafat de la capitale syrienne en le déclarant persona non grata. Et effectivement, le 24 juin 1983, on retarda l’avion de la Tunisair. Dans son livre « Arafat », Alan Hert raconte que George Habash, ce grand dirigeant palestinien, chef du « Front Populaire de Libération de la Palestine » [FPLP] à l’époque, fur le dernier des Palestiniens à saluer Arafat à l’aéroport de Damas, et Hert rapporte qu’il lui a dit, après l’avoir étreint : « Par Dieu, Abû ‘Ammâr, si toi tu quittes la Syrie de cette manière, alors comment la quitterai-je, moi ? Sans doute, dans un cercueil ! »
[« Bi-Llâhi, yâ ‘Abû ‘Ammâr, idhâ kunta ‘anta tughâdiru-sh-Shâm hâkadhâ, fa-kayfa sa-‘ughâdiru-hâ ‘anâ ? Rubbamâ fî kafan ! »]



Mais Arafat lancera une dernière fois le gant du défi, avant même que trois mois ne se soient écoulés ! Ainsi, en septembre, d’une manière qui stupéfia le monde entier, et surpris jusqu’à ses plus proches collaborateurs, Arafat arriva à Tripoli à bord d’un petit bateau, semblant déterminé à se jeter dans la gueule du loup. Les Israéliens le cernèrent, par la mer, tandis que les Syriens le tenaient sous le feu de leurs canons depuis la terre.

C’est alors qu’à la BBC, un journaliste britannique spécialiste de la politique syrienne, Patrick Seale, considéra que le sort d’Arafat serait scellé dans quelques heures, au maximum. Peter Mansfeld, un autre spécialiste, acquiesça.

De son côté, al-‘Asad fut plus réaliste que Seale et Mansfeld. Il donna à Arafat huit jours de survie : quatre jours pour liquider les camps de réfugiés + quatre jours pour régler leur sort à Arafat et à ses partisans assiégés dans Tripoli !



Si ces événements sont palpitants, ce n’est ni parce qu’elles s’assimilent au pur film policier, ou de guerre, ou d’aventure, mais parce qu’ils comportent une grande signification qui n’a pas cessé d’avoir des conséquences, y compris aujourd’hui.

Et il ne faut pas qu’ils s’effacent de la mémoire de Mahmûd ‘Abbâs, lorsqu’il distribue ses sourires de jeune premier à la cantonade, en présence de Bashshâr al-‘Asad. Non seulement parce que l’histoire risque de se répéter sous la forme d’une comédie de boulevard, en lieu et place du drame absolu, mais aussi parce qu’il est extrêmement rare que l’élève surpasse le maître !

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