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Bethléem - 10 avril 2007
Par Robert D. Novak
Hani Hayek, comptable et maire chrétien du petit village majoritairement peuplé de chrétiens de Beit Sahour, était en colère, la semaine dernière, tandis qu’il me faisait parcourir en voiture le tracé du mur israélien "de sécurité".
"Ils prennent les terres de notre commune", me disait-il, pointant du doigt la colonie israélienne mastoc de Har Homa. "Ils ne veulent pas de nous ici. Ce qu’ils veulent, c’est que nous partions."
Photo Electronic Intifada : Har Homa (Abu Ghneim) la colonie toujours en expansion proche de Bethléem
Har Homa, qui entoure les faubourgs de Beit Sahour, semblait plus importante que la dernière fois où je l’avais vue, lors de la Semaine sainte de l’année dernière.
Le gouvernement israélien a poursuivi inexorablement l’agrandissement des colonies en Cisjordanie occupée, et j’ai pu voir en même temps les chantiers de construction à Har Homa et celui de la route destinée à un système de transports ségrégué entre Israéliens et Palestiniens.
Jimmy Carter a soulevé un tollé en intitulant son ouvrage consacré à la question palestinienne "La paix, pas l’apartheid !"
Mais les Palestiniens affirment que c’est pire que l’ancienne séparation raciale prévalant il y a encore quelques années en Afrique du Sud.
A l’approche du quarantième anniversaire de l’occupation militaire de la Cisjordanie , ce territoire a été tellement fragmenté qu’un Etat authentiquement palestinien et une "solution à deux Etats" semblent de plus en plus difficilement réalisables.
La muraille de sécurité a eu effectivement pour effet une élimination virtuelle des attentats suicides et une paix de court terme. Mais la vie est très dure, pour les Palestiniens, dont les morts causées par le conflit ont augmenté de 272 % en 2006, tandis que le nombre des victimes israéliennes déclinait.
Au cours d’un incident mineur, la semaine dernière, du type que les médias internationaux ne mentionnent même plus, des soldats de l’armée israélienne ont tué un Palestinien, accusé d’avoir pénétré illégalement dans une zone de tirs afin d’y ramasser des éclats en métal, en vue de leur revente.
L’organisation (humanitaire) internationale (dont le siège est en Angleterre) Save the Children (Sauvez les enfants !) estime que la moitié des enfants habitant les territoires palestiniens occupés souffrent d’un traumatisme psychologique.
Les Palestiniens disent que les choses ont empiré, en raison d’un sentiment envahissant de désespoir. Des étudiants de l’Université de Bethléem (gérée par les Frères catholiques salésiens, 70 % des étudiants étant de confession musulmane) m’ont paru plus pessimistes et radicalisés que l’an dernier.
Ahmad al-Issa, un étudiant en quatrième année de journalisme, a été incarcéré durant un an dans une prison israélienne au motif qu’il aurait lancé des pierres à des soldats israéliens.
Aujourd’hui, il croit fermement à l’accusation diffamatoire selon laquelle les employés juifs du World Trade Center de New York (les deux tours jumelles détruites par les attentats du 11 septembre 2001, ndt) auraient été averti d’avance de l’attentat.
Le boycott soutenu par les Etats-Unis, consécutif à la victoire électorale du groupe extrémiste Hamas, au début de l’année 2006, a rendu l’Autorité palestinienne inopérante, paralysant les services gouvernementaux. Privés de l’aide de cette Autorité, avec une économie en lambeaux, les municipalités sont en état de cessation de paiement.
Le maire de Bethléem, Victor Batarséh, est confronté à un problème spécifique, dû au fait que les touristes et les pèlerins ne passent désormais plus la nuit dans la cité où naquit le Christ. Sans argent, sans possibilités de crédit, il s’apprête à licencier les 165 employés municipaux.
M. Batarséh, qui est citoyen américain, et qui pratiquait la chirurgie thoracique dans la ville américaine de Sacramento, se retrouve coincé à Bethléem.
Chrétien, indépendant politiquement, se qualifiant lui-même d’entrepreneur démocrate, M. Batarséh est sur la liste noire israélienne pour avoir contribué au Front Populaire de Libération de la Palestine [FPLP], que le Département d’Etat américain qualifie d’"organisation terroriste".
N’ayant pas de permis de se rendre à Jérusalem, le maire de Bethléem doit aller en voiture jusqu’à Amman pour y prendre l’avion quand il est invité en Europe.
Il n’est nul besoin d’avoir des contacts avec le FPLP pour être mis au trou par l’armée israélienne. Les étudiants de l’Université de Bethléem ne peuvent aller à Jérusalem, à cinq minutes en voiture, à moins qu’ils ne le fassent illégalement.
Les étudiants de l’enclave palestinienne géographiquement séparée de Gaza doivent suivre les cours donnés à l’université de Bethléem par l’intermédiaire d’Internet…
Le Représentant républicain de l’Etat du New Jersey Chris Smith se trouvait à l’université de Bethléem le jour de ma visite, et des membres de la faculté avaient du mal à croire qu’un membre du Congrès des Etats-Unis en chair et en os se trouvait parmi eux.
M. Smith fut ensuite emmené faire le tour de Jérusalem, pour qu’il puisse constater de visu que la barrière de séparation est, dans la majorité de son tracé, une muraille énorme, laide à faire peur et intimidante, et pas simplement une barrière.
M. Smith, un avocat catholique militant, a été amené ici en raison de l’émigration rapide des membres de la minorité chrétienne de Terre Sainte. Les chrétiens en partent en effet plus rapidement que les musulmans, en raison des contacts nombreux qu’ils ont en-dehors de la Palestine, qui fait d’eux des gens plus mobiles.
Peter Corlano, un membre catholique du corps enseignant de l’Université de Bethléem, nous a dit, à M. Smith et à moi-même : "Nous vivons la même vie que les musulmans. Nous sommes tous des Palestiniens."
Préoccupé par la disparition des chrétiens dans la région qui fut le berceau du christianisme, M. Smith a pu ainsi prendre connaissance (comme ce fut mon cas) du calvaire vécu par les Palestiniens.
Si tel est bien le cas, il aura une compagnie d’autant plus précieuse qu’elle sera peu nombreuse, au Congrès des Etats-Unis…
Source : http://www.washingtonpost.com/
Traduction : Marcel Charbonnier
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