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Palestine -

Rencontre avec Khalid Mashaal, directeur du bureau politique du Hamas

Par

Propos recueillis par Muhammad Abu Salim [chercheur irakien] in Al-Quds al-Arabiyy (quotidien arabe publié à Londres), 1er mars 2006

Le Hamas est placé devant un certain nombre de défis régionaux et internationaux après sa victoire aux élections législatives palestiniennes, au mois de janvier.
Au cœur des défis auxquels il doit faire face, il y a sa relation avec la société internationale, la forme que prendront ses relations avec Israël et son rôle dirigeant, désormais, dans le mouvement national palestinien, pour la première fois après une longue période passée dans l’opposition.
Autant de questions qu’Al-Quds al-Arabiyy a posées au directeur du bureau politique du Hamas, Khalid Mashaal.

La logique des concessions a échoué. D’aucuns, dans le monde, voudraient décider seuls, pour tous les autres. Nous allons réorganiser l’OLP, en unifiant les Palestiniens de l’intérieur et les Palestiniens de l’extérieur.

Nous nous considérons comme appartenant à un front mondial de libération de l’hégémonie américaine, et nous sommes préoccupés par l’avenir de l’Irak.

Quant à la Syrie, elle a opté pour la résistance.

Le Hamas a une pratique politique fondée sur la libre décision appuyée sur les droits et les intérêts de notre peuple et tirant sa force de notre force sur le terrain… car le poids politique ne saurait s’acquérir que par le poids sur le terrain, et non pas au moyen du simple soutien venu d’ici ou là.

Je n’ai cessé de répéter qu’il existe dans notre région un front du refus actif [mumâna’ah = le fait de se refuser, et non pas le fait de refuser quelque chose, ndt], s’étendant de la Palestine, à l’Irak, à la Syrie et au Liban et jusqu’en Iran et qu’il y a aussi une impasse de la politique américaine en ce qui concerne ce pays.

Dans l’arène palestinienne, certains ne voient pas d’un mauvais œil l’idée de céder aux pressions extérieures… qui s’efforcent de s’immiscer dans nos questions intérieures… et de nous imposer des règlements de comptes sécuritaires et des projets de règlement, telle la “feuille de route”, ce qui l’a précédée et ce qui en découle : c’est là quelque chose qui ne saurait durer…”



Les pressions sur vous se font de plus en plus fortes afin que vous fassiez des concessions et que vous reconnaissiez Israël, après votre victoire électorale aux législatives, qui vous ont vu remporter la majorité des sièges du Conseil Législatif Palestinien. Comment allez-vous faire face à ces pressions ?

La logique des concessions a été expérimentée, et elle a échoué lamentablement. Ceux qui ont reconnu Israël et fait des concessions, qu’ont-ils obtenu en contrepartie, pour le peuple palestinien, si ce n’est encore plus d’occupation, de colonies, de barrages, d’humiliations, la muraille raciste – insupportable ?…

Nous maintiendrons nos positions, de même que nous maintiendrons nos fondamentaux nationaux.

Nous placerons l’intérêt de notre peuple au-dessus de toute autre considération.



Et vos arrières arabes ? Comment allez-vous traiter avec elles ?

Nous avons rencontré un très bon accueil, la compréhension de la situation et une bonne entente mutuelle, dans tous les pays arabes où nous nous sommes rendus en visite officielle. Nous avons trouvé des responsables prêts à nous soutenir, concrètement, politiquement et moralement.

Notre victoire est une victoire pour la Ummah [la “matrie” islamique, ndt].
Un de nos principaux objectifs, c’est de renforcer la position minimale intangible arabe, et nous la renforçons, nous la blindons.
Nous avons dit à nos frères arabes qu’ils ne doivent pas voir dans l’élection du Hamas une quelconque “impasse”, mais bien un levier, pour eux, et un renforcement de leur position, ainsi qu’un allègement des pressions qui pèsent sur eux, une occasion de reconsidérer leur discours ancien, de le moderniser et de lui faire retrouver les principes fondamentaux – les constantes palestiniennes.



Quelles relations entendez-vous entretenir avec les autres composantes palestiniennes, avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord, idéologiquement ?

Nous tendons la main à tous, sans exception. Nous avons reçu des messages de nos frères chrétiens, qui nous ont exprimé leur entier soutien et leur appui. J’indique que mes relations avec le Père Atallah Hannâ sont permanentes.

Le peuple palestinien a des critères d’appréciation nationaux, et il vote en fonction de ces critères. Beaucoup de nos frères chrétiens ont voté pour nous.

Nous allons reconstruire l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP] sur des bases modernes, afin d’unir les Palestiniens de l’intérieur et les Palestiniens de l’extérieur.

Nous relèverons le défi que représente pour nous la manœuvre israélienne consistant à circonscrire strictement les Palestiniens, tous les Palestiniens, et leur cause – la cause de tous les Palestiniens – aux seuls Palestiniens de l’intérieur.



Quel code juridique permettrait-il qu’un ayant droit se voit dénier son droit ?
D’après quelle coutume l’étranger usurpateur jouirait-il des récoltes de citronniers et d’orangers qu’il n’a pas eu la peine de planter ?
Ne pensez-vous pas, comme c’est mon cas, que le droit au retour des réfugiés palestiniens chez eux est la priorité des priorités ?


Votre question exprime bien la souffrance palestinienne, et aussi la contradiction, dans le monde actuel, entre le déni de leurs terres à leurs légitimes propriétaires, et la légitimité accordée à l’intrus spoliateur des terres et des maisons à vivre sur une terre qui ne lui appartient en rien, et même à y établir un Etat fondé sur l’agression, le terrorisme et l’appropriation illégale…

Cette contradiction, encouragée et entretenue par beaucoup de pays étrangers, a pour effet que l’usurpateur se voit récompensé par la légitimation de sa loi de la jungle, tandis qu’on ignore les authentiques ayants droits, qui souffrent depuis plus de cinquante ans dans des camps, dans des conditions infra humaines.
Telle est la réalité vécue : souffrance de ceux qui ont été chassés de chez eux, et qui vivent depuis lors, dans des camps de réfugiés, une relégation dans le temps et l’espace, apparemment sans fin.

Ce sentiment douloureux qui habite les Palestiniens, à la vue de cette énorme contradiction dans l’arène internationale, c’est ce qui les a poussés à emprunter la voie de la révolution et de la résistance. C’est pourquoi le peuple palestinien résiste depuis si longtemps.

Mais aujourd’hui, après avoir expérimenté l’option de la paix – plutôt de ce que d’aucuns ont osé appeler “la paix” – c’est-à-dire le choix de la négociation, du règlement, qui a échoué à arracher les droits des Palestiniens, et afin de mettre un terme à la souffrance palestinienne, le peuple palestinien s’est resserré autour du choix de la résistance.

Le droit au retour est en tête de l’agenda national palestinien. Sa méthode consistera en une lutte accrue, plus de résistance, plus d’action combattante sous toutes ses formes de la part du peuple palestinien tant de l’extérieur que de l’intérieur, afin que les droits et les aspirations nationales du peuple palestinien s’inscrivent enfin dans la réalité.



Jérusalem – les élections à Jérusalem

Les élections législatives à Jérusalem – avec l’exclusion de la participation du Hamas, l’emprisonnement de certains candidats… ; quelle est votre évaluation de cette situation ; quelles en étaient, d’après vous, les causes ?

On constate une position étrange, chez certains partenaires internationaux, au premier rang desquels l’administration américaine et aussi – malheureusement – chez certains porte-parole de l’Union européenne, qui n’hésitent pas à se contredire.

Tantôt ils parlent de démocratie, qui signifie le fait de s’en remettre au verdict des urnes et donc à la volonté populaire ; tantôt ils veulent une démocratie sur mesure – ils veulent s’imposer à la volonté du peuple palestinien.

Ils veulent une démocratie à leur convenance, de leur choix, et de leur propre volonté, et non une démocratie qui soit la volonté librement exprimée du peuple palestinien.

Partant, ils se contredisent eux-mêmes et ils brandissent sous le nez de l’Autorité palestinienne la menace de suspendre le soutien qu’ils lui apportent encore, au cas où le Hamas participerait au pouvoir.

Ils se contredisent eux-mêmes, par cette attaque impitoyable contre le mouvement Hamas, par leur tentative de tenir ce mouvement à l’écart des élections et leur tentative de lui mettre des bâtons dans les roues, au cas où il entrerait au gouvernement. Bien entendu, l’ennemi sioniste suit la même ligne.

Au cours des dernières semaines, il y a eu des menaces d’emprisonnement (et même de mort) contre des candidats du Hamas et un appel à leur interdire tout déplacement.

Cela montre bien la fausseté des slogans de l’administration américaine et de certains partenaires internationaux, ainsi que de l’ennemi sioniste, en matière de démocratie. Ceci révèle aussi que la résistance palestinienne, grâce à Dieu – qu’Il soit loué et exalté – a mis ces partenaires dans l’impasse.

Elle a créé cette impasse dans le domaine militaire, sur le champ de bataille, si bien que toute leur puissance militaire et sécuritaire diabolique n’a pas réussi à écraser la volonté du peuple palestinien, ni à mettre fin à la résistance.

Au contraire, c’est la résistance qui l’a emporté, et qui les a contraints à partir de Gaza la queue entre les jambes.
La résistance les a placés aussi dans une impasse politique, quand elle a choisi de participer à la vie démocratique palestinienne, en cherchant à créer un régime politique palestinien fondé sur la participation de toutes les forces, en s’en remettant à l’arbitrage de la démocratie, des élections, des urnes.

Cette participation, de la part du Hamas et de la résistance palestinienne dans son ensemble, a approfondi aussi cette impasse – l’impasse dans laquelle se trouvent tous les autres – c’est pourquoi ils s’efforcent de s’opposer au Hamas par tous les moyens à leur disposition.

Malheureusement, il est des partenaires, dans l’arène politique palestinienne, à qui cela convient, qui ont espéré faire ajourner les élections, saisir l’opportunité de ce qui était en train de se passer sur le terrain pour les ajourner.

Mais nous, nous disons, très simplement, que seul le peuple est à même d’imposer sa volonté et qu’il l’imposera dans la résistance et dans l’arène politique. Et que personne, ni sur le terrain, ni à l’extérieur, ne pourra jamais vaincre la volonté du peuple palestinien.



L’Amérique est le pays de la majorité silencieuse et de la minorité tonitruante. Comment allez-vous composer avec elle, désormais, après avoir obtenu la majorité au Conseil législatif palestinien ?

Notre but n’était pas d’obtenir, ou non, la majorité. Notre but était l’instauration d’un ordre politique palestinien et d’une vie politique fondée sur la démocratie, sur le choix populaire.

Notre but était de rendre possible une participation des Palestiniens appartenant à toutes les forces qui participent à l’édification de cette vie politique palestinienne et, ceci, afin de pouvoir procéder ultérieurement aux réformes nécessaires dans l’arène politique palestinienne, en livrant une guerre à outrance contre la corruption qui y a nidifié au cours des années passées, afin aussi d’agir dans l’intérêt, et au service, du peuple palestinien, d’alléger ses souffrances, de l’aider, de lui procurer une existence digne, afin que, de ce fait, il soit mieux à même de supporter les coûts de la résistance et des programmes de luttes contre l’occupant.

C’est à ceci que nous nous attelons aujourd’hui. Bien sûr, quiconque s’attaque à ces domaines fondamentaux et non sans risque peut être considéré comme ayant peut-être frappé une corde dangereuse.

Car, ce faisant, il se rapproche du domaine réservé de pays qui voient dans l’aire palestinienne et arabe leur pré carré, un condominium où leur influence est censée s’exercer sans partage.

Nous ne nous en préoccupons aucunement. Nous, nous ne jouons pas sur le terrain des autres. Nous ne sommes pas allés déranger les petits Américains, ni les petits Européens. Nous n’allons pas les embêter chez eux.
Nous ne nous sommes jamais immiscés dans leur politique. Non. Tout simplement, nous jouons sur le terrain palestinien – sur notre terrain.

C’est notre droit. C’est notre terrain. A eux de mettre un terme à leur ingérence. Au cas où ils s’imagineraient que leur immixtion est susceptible de réussir, en excipant de leurs expériences passées, au fil des années, qu’ils sachent que ce qui s’est produit dans l’arène politique palestinienne et arabe est rien moins qu’un authentique changement.

Qu’ils sachent que le peuple arabe et les peuples musulmans ont trouvé leur voie et qu’ils n’acceptent plus rien, sinon de pouvoir se comporter comme ils l’entendent, en toute liberté, conformément à leur volonté de ne plus être soumis à des diktats venus de l’étranger.

La communauté internationale doit respecter la libre volonté de notre peuple. Si, comme elle le prétend, elle respecte effectivement les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme de la justice et de l’égalité.



Un front uni

Ne pensez-vous pas nécessaire de former un front patriotique démocratique unifié, composé de toutes les tendances palestiniennes, et qui dirigerait et coordonnerait les modes de combat en fonction d’un programme civilisateur concerté qui écarte toute prise de décision personnelle et qui mette un terme à la dégradation de l’ordre public, en présentant au monde, ce faisant, le visage lumineux de la lutte du peuple palestinien ?

C’est ce à quoi nous croyons. C’est ce à quoi nous aspirons. Malheureusement, des obstacles nous empêchent de réaliser cet objectif ou de franchir ce pas aussi rapidement que nous le devrions.

Le premier de ces obstacles, ce sont certains partenaires, sur l’arène politique palestinienne, qui se complaisent dans les prises de décision sans consultation, qui y tiennent… et qui refusent de partager cette prise de décision avec qui que ce soit.

Depuis des années, nous nous efforçons de créer cette participation, ce partage. Nous voulons qu’il existe une référence nationale palestinienne (à laquelle nous référer, et à laquelle demander des comptes, ndt). Cette instance suprême trancherait, en matière de stratégie et de tactique.

Malheureusement, certains partenaires de l’arène politique palestinienne, très influents dans l’exécutif, dans l’Autorité palestinienne, veulent conserver totale leur maîtrise en matière de décision politique et, par conséquent, tous les autres devraient se contenter d’obtempérer. Non pas sur la base d’une concertation, mais bien sur celle d’un splendide isolement, les autres n’étant que des béni-oui-oui.

Le deuxième obstacle tient au fait que cette même minorité influente a choisi la voie de la négociation et du règlement, depuis des années, et qu’elle a donc renoncé à la résistance. Elle voudrait imposer ce choix [calamiteux, ndt] au peuple palestinien.

Et peu importe que son programme ait échoué… Cela, le peuple palestinien ne le supporte plus. Il le supporte d’autant moins qu’il a connu l’amère expérience d’Oslo, l’expérience amère de la négociation – règlement, qui n’a abouti strictement à rien.

A la lumière de la sauvagerie de l’agression sioniste permanente contre notre peuple, la résistance est de plus en plus enracinée dans l’arène politique palestinienne, ainsi que dans les convictions des forces vives palestiniennes.

Même le Fatah a retrouvé, récemment, sous l’effet de l’Intifada, son programme de résistance [c’est dire… ndt].
Par conséquent, cette unité, cette direction palestinienne centrale, ne pourront se concrétiser tant que d’aucuns s’entêteront à laisser tomber l’option de la résistance, le choix de l’Intifada, l’option du fusil et l’abandon total du processus de négociation, qui finit par devenir, dans la pratique, un processus de mendicité et de flagornerie. C’est là un obstacle que nous vaincrons, et il faut que nos choix demeurent ouverts.

Le troisième obstacle, car il y en an un troisième, c’est qu’il existe, ici, chez nous, dans l’arène palestinienne, des gens qui sont enclins à se soumettre aux pressions extérieures, qui tentent de s’immiscer dans nos questions intérieures et de nous imposer des règlements de comptes sécuritaires et des projets de règlement telle la feuille de route, ce qui l’a précédée et ce qui en découle.

C’est là une situation qui ne saurait durer. C’est pourquoi, le principal problème auquel nous soyons confrontés, ce sont précisément ces obstacles.

Si nous réussissons à nous en débarrasser et à les surmonter, nous pourrons, j’en suis persuadé, parvenir à une compréhension inter-palestinienne à même d’organiser la vie politique, à définir une référence pour la palestinité de la décision, à définir un programme et une stratégie, en fonction de laquelle nous définissions d’un commun accord notre tactique, après quoi, nous livrerons le combat ensemble, en mobilisant toutes nos forces au moyen d’une administration stratégique consensuelle.

C’est ce à quoi nous oeuvrons ; c’est à quoi le Hamas est attaché et ce sur quoi il met en permanence l’accent.



Le splendide isolement de l’administration américaine dans ses décisions a gravement porté atteinte à la situation mondiale

La réalité actuelle indique qu’un unique pôle décide du sort du monde. Qu’en pensez-vous ?

Nous considérons que l’accaparement par l’administration américaine de l’ensemble de la politique internationale a mis le monde entier en danger.

Il met en danger les intérêts de tous les peuples, de toutes les nations, car la vie ne saurait être équilibrée en l’absence d’un équilibre international, et d’un équilibre régional.

A cause de la mégalomanie d’un des partenaires, par rapport à la société internationale, il y a la corruption. La concurrence entre les puissances mondiales est une des caractéristiques de la création divine.

En effet, en créant une concurrence entre les hommes, Dieu instaure un équilibre entre eux et empêche un des partenaires de s’ériger en géant malfaisant ou de se comporter sans garde-fous et sans freins. C’est la raison pour laquelle nous ne supportons pas cette situation.

Tout homme sensé, dans n’importe quelle région du monde, espère qu’il y ait un certain équilibre international, ou à défaut, qu’on retrouve cet équilibre international.

C’est pourquoi nous exhortons tous les pays du monde à reprendre en mains les rênes de l’initiative et de ne plus permettre à l’administration américaine d’imposer son hégémonie au dépens des intérêts des peuples et des nations.

Mais grâce à Dieu – qu’Il soit exalté ! – la période de l’arrogance américaine et celle de l’unipolarité dans la société internationale ont entamé leur déclin. Elles sont sur le déclin car elles contredisaient la grande loi universelle, et elles avaient commencé à susciter la réaction courroucée du monde entier, et de toutes ses populations.

De là, le refrain du refus de l’hégémonie américaine a commencé à se diffuser en Amérique latine, en Asie, et même en Europe et en Afrique, ainsi que dans les pays arabes.
Et je pense que la politique américaine traverse actuellement une phase d’échec, de culs de sac, d’impuissance à aller de l’avant, parce que les peuples n’acceptent plus la logique hégémonique.

J’en veux pour preuve la situation en Palestine : tous les projets qui lui ont été imposés ont échoué. Seul demeure le choix de la résistance, dont le Hamas est le plus beau fleuron.

En Irak, l’Amérique n’a eu aucune difficulté à faire chuter le régime, il lui a suffi de trois semaines.
Mais trois ans et demi après, l’Amérique est toujours incapable d’imposer ses projets à l’Irak, et le peuple irakien s’est révolté d’une manière majestueuse, et résiste à l’occupation.

Le même phénomène existe ailleurs dans le monde. J’ai dit à plusieurs reprises qu’il existe dans notre région un front : le front du refus actif [mumâna’ah]. Ce front s’étend de la Palestine à l’Irak, à la Syrie, au Liban et jusqu’en Iran, pays où la politique américaine est dans l’impasse.

Ceci donne l’indication que nous avons un choix. Bien entendu, nous ne sommes pas renfermés sur nous-mêmes ; nous sommes ouverts à tous les mouvements de libération, dans lemonde entier. Nous nous concevons nous-mêmes comme membres d’un front mondial qui veut la libération et qui refuse l’hégémonie américaine, qui veut renforcer les valeurs de liberté, de justice et les droits de l’homme.

Et aussi le retour à l’équilibre international. Je pense que les douleurs de l’enfantement que nous connaissons aujourd’hui annoncent notre sortie de la situation d’unipolarité, et notre entrée dans une ère d’équilibre international qui ne ressemble en rien à l’état ancien, mais entièrement nouveau.

Mais un équilibre international dans lequel les peuples trouveront l’occasion de recouvrer leur terre, leurs droits et leur liberté, si Dieu le veut.



Irak : l’identité arabe et musulmane de ce pays est menacée

Comment envisagez-vous l’avenir de l’Irak ? Quelle est la différence, de votre point de vue, entre la résistance et les attentats à la voiture piégée qui fauchent les civils ?

Ce qui frappe aujourd’hui l’Irak est douloureux pour ce pays. Mais c’est aussi douloureux pour nous et pour l’ensemble de l’oummah, en particulier le sang versé, dans le contexte de l’agression contre le territoire et l’histoire de l’Irak, du pillage de ses richesses naturelles, de ses richesses archéologiques et de tous les hauts lieux de sa civilisation.

On va jusqu’à priver le peuple irakien des aspects les plus fondamentaux d’une existence digne, en dépit de tous les slogans des Américains qui prétendent les avoir apportés avec eux après avoir abattu le régime en place.

Nous avons mal, aussi, à cause de ce à quoi les Irakiens sont exposés, en fait de mutilation de l’identité arabe et islamique de l’Irak, et d’éclatement sur une base fédéraliste ou autre.

En effet, l’Irak est aujourd’hui menacé, son identité arabe est menacée.
On dirait qu’on veut le considérer comme un ensemble de régions et non pas comme un Etat uni, à la civilisation pluri-millénaire.

Tout ceci nous fait mal, d’autant plus mal que l’Irak est dans le cœur de chaque Arabe, et il occupe une place à part, aussi, dans le cœur de chaque musulman.

Ceci, en raison du fait que l’Irak fut, à travers les siècles, le siège du califat et le berceau de la civilisation arabo-musulmane dans ses phases les plus prestigieuses. Et, à l’époque moderne encore, l’Irak a toujours été un appui pour les causes de la oummah, et en particulier pour la cause palestinienne.

Mais grâce à Dieu, qu’Il soit exalté, la courageuse résistance irakienne a pu s’opposer au projet américain, et elle a gâché à l’administration américaine ses projets par lesquels elle entendait rester en Irak, dépecer ce pays et en piller les richesses. Je suis persuadé que l’administration américaine, tôt ou tard, n’aura pas d’autre solution que de quitter l’Irak, en particulier au vu des pertes croissantes et continues qu’elle enregistre, et de l’écho que suscite cette hémorragie au cœur même de Washington, chez les décideurs américains.

Nous sommes optimistes. La conscience et l’authenticité du peuple irakien, son patriotisme et son insistance à choisir à opter pour la résistance, le soutien que lui apporte la oummah… tout cela aboutira à la libération de l’Irak et au départ de l’envahisseur américain et de tous les envahisseurs étrangers.

Mais il faut affirmer, à ce propos, que la résistance dont nous sommes fiers et que nous soutenons est celle qui vise l’étranger occupant. Et non pas les poitrines des Irakiens, quelle que puisse être la gravité du différend entre eux. Quant à nous, dans l’arène palestinienne, nous avons décidé de manière très claire de limiter notre résistance à l’occupant.

Quant aux différends, eh bien ils se règlent par le dialogue, par les moyens pacifiques. Nous espérons que nos frères en Irak pourront régler leurs différends par le dialogue et par les moyens pacifiques, loin de la violence et du sang versé, et nous espérons que la résistance restera dirigée contre l’occupant étranger.

C’est en l’occurrence la meilleure garantie pour la continuation de la résistance, c’est beaucoup plus efficace pour elle, c’est plus sûr pour la cohésion de la société irakienne et son unité dans un large front contre l’occupant étranger.



La Syrie : le choix de la résistance (muqâwamah) et de la résistance (çumûd)
[muqâwamah : le fait de résister à un ennemi, en se dressant devant lui / çumûd : le fait de résister en étant ancré sur ses positions, et en ne reculant pas. ndt]

Qu’en est-il de la Syrie ?

Il convient de réaffirmer ici que l’administration américaine, en particulier, et les grandes puissances oppressives, d’une manière générale, se moquent totalement de nos différentes causes.
Elles ne se servent que de prétextes, comme l’assassinat de Harîrî – que Dieu le reçoive en Sa miséricorde !

Leur but réel, c’est d’imposer les intérêts et l’hégémonie américaine sur la région du Moyen-Orient. Et de punir les pays qui s’échappent de l’orbite américaine.

Aujourd’hui, la Syrie est visée parce qu’elle évolue en-dehors de l’orbite américaine, et parce qu’elle s’oppose à la politique inique de l’Amérique, en particulier en Palestine, en Irak, au Liban et ailleurs.

L’Amérique veut couper les ailes de la Syrie et supprimer son rôle régional, en particulier parce qu’elle s’oppose à la politique américaine. Voilà quel est l’objectif réel de l’Amérique.

Comme ils l’ont fait en Irak, les Américains font peut-être le pari de refaire la même chose en Syrie ?

Mais je pense qu’aujourd’hui l’administration américaine n’est pas dans une situation qui lui permette de faire en Syrie ce qu’elle a fait en Irak.

L’administration américaine, voici trois ans de cela, était peut-être dans une situation qui lui a permis de livrer sa guerre en vue d'abattre le régime de Saddam Hussein en Irak, et s’asseyant sur les décisions du Conseil de sécurité de l’Onu.

Mais aujourd’hui, l’échec continu des Américains et leur amère expérience irakienne ne leur permettent plus de nouvelle aventure visant à la chute du régime syrien. Ils parient peut-être sur d’autres moyens, comme un embargo ou un isolement total de la Syrie, en provoquant artificiellement des crises incessantes impliquant la Syrie ?
Mais quant à répéter l’expérience de l’Irak, c’est pratiquement exclu.

Quant à la Syrie, elle a opté pour la résistance (muqâwamah) et la résistance (çumûd) et la résistance (mumâna’ah, voir plus haut, ndt). Aucun doute que ce soit là le choix qui s’imposait, le choix sain.

Mais ce choix implique un soutien populaire, un renforcement du front interne en Syrie, car la force de tout régime est fondée sur l’adhésion du peuple et son unité derrière lui.

L’Amérique ni aucune autre puissance ne peuvent vaincre un pays ou un régime qui jouissent d’une large adhésion populaire et qui soient unis avec leur peuple sur le champ de bataille. Partant, nous affirmons que la Syrie peut tenir bon face aux pressions américaines. Nous espérons que l’Amérique n’arrivera pas à prendre pour cible un quelconque pays arabe ou musulman.

Le temps est venu pour nous, les Arabes et les musulmans, de former un seul front contre cette hégémonie et cet interventionnisme américains, car composer avec cette politique américaine et avec ses ambitions n’apporterait à tous nos pays que le malheur.

En tant que nations, nous sommes reconnaissants envers l’Irak qui a mis en échec la politique américaine, faisant subir aux Américains une expérience très amère qui les incitera à y réfléchir à deux fois avant de répéter cette expérience. Tout cela, c’est à l’Irak que la ‘oummah le doit.

Je pense que l’Amérique sait très bien que l’élimination de tout régime politique dans la région, comme le régime syrien, par exemple, transformera immédiatement le pays concerné en champ de bataille et de résistance et qu’ainsi, la crise ne pourra que faire tache d’huile, entraînant un surcroît d’impasses pour la politique américaine.



Le Hamas est comparable au parti travailliste britannique…

J’ai entendu une information selon laquelle le quotidien Daily Telegraph a comparé le Hamas au parti travailliste britannique – parti se caractérisant par son dynamisme dans son action pollitique. Ne voyez-vous pas en cela un sérieux rapprochement avec le Hamas, et une volonté nouvelle de traiter avec lui comme il est dans la réalité, et non pas comme le représentent Israël et les puissances occidentales ?

Depuis des années, nous constatons que certains partenaires internationaux européens ne se cantonnent pas à ce qui est exigé d’eux ou à ce que l’Amérique essaie d’imposer aux pays du monde entier, à savoir : accuser le Hamas et les forces de résistance de “terrorisme”.

Même après que l’Union européenne eut décrété la classification du Hamas dans les mouvements terroristes, le dialogue des pays européens avec le Hamas n’a jamais cessé. Le rôle du Hamas dans la réalité palestinienne ne saurait être ignoré. Et plus le temps passera, plus cette réalité se trouvera confirmée.

Ces pays ne pourront pas ne pas travailler avec le Hamas. Si vous voulez être en interaction avec la cause palestinienne et avec le conflit arabo-sioniste. De là découle la leçon suivante : quand tu es fort, tu imposes le respect aux autres.

En effet, malheureusement, la société internationale ne prend en considération que la force, les intérêts, et les réalités des faits accomplis. Bien sûr, il y a beaucoup de pays occidentaux qui souhaitent voir dans le Hamas autre chose que ce qu’ils voient aujourd’hui.

Autrement dit, ces pays espèrent voir le Hamas se transformer en mouvement politique et se conformer aux critères politiques occidentaux.

C’est la politique voulue par les pressions américano-israéliennes. Il n’est pas douteux que la politique occidentale soit perplexe devant la nécessité d’interagir avec la réalité palestinienne, qui est la réalité du Hamas et de la résistance.

Mais le Hamas demeurera le Hamas – d’aucuns découvriront le Hamas et verront en lui cette belle image de résistance, cette efficacité, cet énorme travail populaire déployé avec efficacité, ce travail social notamment.

Mais il doivent savoir que le Hamas ne fait pas cela en modifiant quoi que ce soit à son comportement, pour la galerie. Non, c’est là le comportement naturel du Hamas : il correspond à son programme politique, consistant à maintenir les droits des Palestiniens, dont le droit du peuple palestinien à la résistance.

Le Hamas restera tel qu’en lui-même, sous tous ses aspects. C’est-à-dire le Hamas de la légitime résistance à l’occupation.

Le Hamas n’a jamais agressé qui que ce soit, et il ne combattra jamais en-dehors de la Palestine. Il n’a ouvert aucun front contre un quelconque adversaire, où que ce soit dans le monde.

Il n’a jamais combattu que ceux qui l’ont combattu, occupé ses terres, et dépossédé leurs habitants.

Hamas ne renoncera à aucun droit des Palestiniens, car tout homme libre, dans le monde entier, ne saurait brader ses propres droits. Il n’est pas juste d’exiger des peuples opprimés et occupés de brader leurs droits, et d’accepter des pseudo-solutions, s’ils veulent être respectés.

Au contraire, le respect des peuples suppose que les peuples exigent tous leurs droits, comme l’ont fait les peuples européens à certains moments de leur histoire respective. Et comme l’a fait l’Amérique elle-même.

Le Hamas pratique la politique par tous les moyens modernes ; il est favorable à la démocratie, au choix libre des peuples, aux droits de l’homme, à la liberté, à l’égalité et à la justice.

Le Hamas a une action sociale, une action de services et de développement au bénéfice de l’ensemble du peuple palestinien. Il a obtenu de grandes réalisations, au témoignage de pays orientaux et occidentaux.

Le Hamas conservera sa crédibilité grâce à sa proximité du peuple et à son éloignement de toute corruption. Le Hamas restera ouvert à son entourage arabe, musulman, régional et mondial.

Le Hamas n’est pas un mouvement replié sur lui-même. Il restera ouvert aux peuples du monde entier, car il ne souhaite que du bien au monde entier et il n’aime en rien tuer pour le plaisir de tuer, ni la résistance pour elle-même.

La résistance n’est qu’un moyen permanent permettant d’obtenir nos droits. Si le monde avait été équitable avec nous sans notre résistance, nous n’aurions pas eu recours à la résistance.

Mais la résistance est un choix obligé, que nous avons dû faire après que nous ayons été lésés, après que nous ayons été agressés par Israël et que nous ayons été lésés par l’injustice du concert des nations.

Nous n’avons rencontré chez lui ni justice, ni dissuasion de l’agression israélienne contre notre peuple et notre nation. Par conséquent, si l’Occident veut bien accueillir le Hamas, cela nous réjouit, mais il doit travailler avec le Hamas tel qu’il est, c’est-à-dire comme le peuple palestinien veut qu’il soit.

Et non pas tel que le représente la propagande américaine et israélienne, et pas non plus comme d’aucuns dépeignent le peuple palestinien, c’est-à-dire en peuple acceptant la portion congrue de ses droits parce qu’Israël n’accepte pas de lui concéder plus.

L’avenir nous appartient, et la communauté internationale doit comprendre qu’il est de son intérêt de se tenir aux côtés du peuple palestinien, car cette communauté internationale ne trouvera en Palestine, à l’avenir, que le seul peuple palestinien. Elle a donc intérêt à se tenir à nos côtés, aujourd’hui, et elle verra que nous lui serons fidèles, dans le futur.



La relation avec Israël

Parlons maintenant du sujet Hamas / Israël ? Vous allez devoir traiter avec Israël, alors que celui-ci ne cesse de répéter qu’il ne traitera jamais avec des gens qui veulent sa destruction. Y aura-t-il une modification éventuelle de la ligne que vous avez suivie jusqu’ici, sachant que le jeu politique a ses règles propres, qui s’imposent bien souvent, consistant à passer à une tactique nouvelle qui corresponde à la nouvelle phase historique ?

Nous mettons notre politique en œuvre en fonction de nos convictions et de nos besoins. En fonction, aussi, de notre vision stratégique.

Et certainement pas conformément aux desiderata d’Israël. Israël et l’administration américaine ont imposé à la Palestine et à la région arabe un type de politique dans lequel il y a un maître et un esclave, quelqu’un qui ordonne et qui édicte des interdits – un côté fort, qui impose ses diktats, et un côté faible, qui obtempère.

Il y a un déséquilibre des forces et nous ne sommes pas le parti fort, dans l’équation. Mais ceci ne signifie en aucun cas que nous acceptions en quoi que ce soit le rapport de forces imposé par notre ennemi.

Ceci ne signifie aucunement que nous allons affronter l’étape qui s’ouvre en nous enfermant dans l’immobilisme, comme le suggèrent d’aucuns.

Le Hamas agira avec souplesse, efficacité et vivacité, sur la base des fondamentaux historiques (palestiniens) et en s’appuyant sur diverses stratégies.

L’homme libre et sérieux peut exercer la politique avec ce qu’il faut de souplesse et d’adaptation, sans sortir du cadre de ses stratégies, ni de celui de ses constantes historiques.

Pourquoi les autres exerceraient-ils leur politique en s’appuyant sur leurs intérêts et leur stratégie, tandis qu’on nous imposerait de pratiquer la nôtre loin de nos constantes historiques et des intérêts de notre peuple ?

La politique, cela peut-il signifier seulement le renoncement à son propre droit ?

La politique signifierait-elle la soumission à la logique d’autrui ? Non.
Le Hamas a la capacité, grâce à ses forces au sein du peuple, et en s’appuyant sur une puissante résistance, de déployer son action politique de la manière adéquate à l’étape présente.

Je suis convaincu du fait que ce ne sont que la force et la résistance qui sont à même de produire la paix et la stabilité. La paix et la stabilité ne sont réalisables qu’au moyen de la force, de la détermination et de l’équilibre des forces.

En revanche, si tu es faible, ce n’est pas une politique, que tu mets en œuvre, mais c’est ta propre soumission aux forces hégémoniques. Il en va de même pour le Hamas.

Le Hamas mettra en œuvre sa politique, et cette politique, il la met même en œuvre dès aujourd’hui.
Mais à partir d’une position de libre décision, fondée sur les droits et les intérêts de notre peuple – une décision qui tire sa force de notre position de force sur le terrain.

En effet, ton poids, en politique, dépend de ton poids sur le terrain du réel, et non pas du soutien de qui que ce soit, de droite ou de gauche.

Ni – encore moins – des promesses des uns, ou des autres…

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