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France - 21 mai 2007
Par Abdel Bari Atwan
Editorial de M. Abdel Bari Atwane paru le 19 Mai 2007 au lendemain de la formation du nouveau gouvernement français de Nicolas Sarkozy François Fillon.
Il parait désormais clair, à la lecture de la composition du nouveau gouvernement français, que le président Nicolas Sarkozy veut brader l'héritage politique gaulliste et rallier l'axe anglo-saxon sous le leadership américain, mettant un terme à l'identité de ce pays et à sa politique indépendante, non seulement en Europe, mais également en direction du Monde arabe.
Le choix de Bernard Kouchner comme Ministre des Affaires Etrangères, de même que les critiques qu'il avait adressées, à tort, contre l'ancien gouvernement (Chirac-Villepin) lui reprochant de ne pas s'être engagé dans le conflit irakien, donnent à penser que Sarkozy cherche à être l'allié privilégié de l'actuelle administration américaine, entrant en compétition, pour ce faire, avec la chancelière allemande Angela Merkel, et même avec le futur premier ministre britannique Gordon Brown.
Nous aurions parfaitement compris la position française (les critiques tant de Sarkozy et que de Kouchner) si l'Amérique avait gagné en Irak et instauré un Etat démocratique stable et prospère en Irak. Mais ce ne fut pas le cas.
L'administration républicaine n'a pas vaincu en Irak et l'Amérique est dans une impasse tragique, car le retrait des troupes américaines pose problème, de même que le maintien des troupes.
Kouchner aurait pu regretter que la France ne se soit pas rangée du côté de l'Amérique si celle-ci avait triomphé, car cela aurait eu pour effet de priver la France des bénéfices de la guerre (les butins de guerre).
En quoi la France a eu tort de s'opposer à la guerre, elle dont la claire vision des choses lui a fait gagner un respect international, alors que l'Administration Bush a été sanctionnée aux récentes élections par le triomphe des Démocrates au congrès américain et que l'Espagne et le Royaume-Uni ont été la cible d'attentats meurtriers sur le territoire du fait de leur participation à la guerre d'Irak ?
Le plus étrange est que Sarkozy cherche à accrocher les wagons de la France derrière la locomotive américaine au moment où les alliés de l'Amérique dans la guerre cherchent à s'en détacher. Aznar a été sanctionné en Espagne, Berlusconi en Italie et les Anglais viennent d'infliger une sévère défaite aux Travaillistes lors des dernières élections municipales.
La politique hostile menée par Sarkozy contre les Arabes et les Musulmans, du moins telle qu'elle découle de ses prises de positions, peut satisfaire la communauté juive française pro-israélienne qui a voté en faveur du candidat de la droite, ainsi qu'Israël et les néo-conservateurs américains.
Mais une telle politique déplait à la majorité du peuple français et
interpelle les quatre millions de français de la communauté immigrée issue des pays arabes et musulmans, qui sont souvent des citoyens de seconde zone, subissant quotidiennement les vexations de l'extrême droite française.
Nous ne parvenons pas à saisir la sagesse de cette déviation d'une diplomatie qui a protégé la France du terrorisme, renforcé son indépendance, conféré crédit à la France et servi ses intérêts dans le monde, en particulier le monde arabe et le monde musulman.
La politique de substitution prônée par Sarkozy vise à dynamiter d'un seul coup les anciennes réalisations diplomatiques de la France, sans véritable contrepartie, allant même jusqu'à faire peser des risques sur ses intérêts économiques et sa sécurité nationale.
Le plus inquiétant est que les prémisses d'une telle politique servent les intérêts des groupements islamistes, qui pourront menacer la stabilité de la France, en attisant la fibre vindicative par le rappel du passé colonialiste de la France toujours vivace dans les mémoires.
Le communiqué publié par les brigades d'Aboul Fahs al Masri, qui passent pour être rattachées à "Al Qaïda", menaçant de frapper la France après l'élection du nouveau président, sont éloquentes à ce sujet.
Nous ne contestons pas à Sarkozy le droit de ne pas se soumettre à de telles menaces. Ce qui fait débat est que sa politique ne confirme pas les fondements et les principes d'une politique qui a fait de la France l'amie de 350 millions d'arabes et d'un milliard cinq cent millions de musulmans dans le monde.
Sarkozy doit toujours se rappeler qu'au sein du bassin méditerranéen, il est riverain d'un monde arabe qui recèle un réservoir considérable d'extrémisme, apte à tout moment à exploser, attisé par les privations et la corruption, l'accumulation de richesses sans répartition, l'absence de gouvernements démocratiques. Un réservoir prêt à s'enflammer à la moindre étincelle.
L'Amérique dont Sarkozy veut se faire l'allié n'a gagné aucune des guerres qu'elle a menées, que soit en Afghanistan ou en Irak, notamment la guerre contre le terrorisme. Alors que le monde combattait "Al-Qaïda" juste dans l'Emirat de Tora-Bora (Afghanistan), le voilà qui doit faire face à quatre organisations jumelles surgies par effet de clonage, la première en Irak, la deuxième en Arabie saoudite, la troisième en Somalie et la quatrième enfin au Maghreb, à un jet de pierre de la France.
Il reste encore un peu de temps au nouveau ministre des Affaires Etrangères français (Kouchner) et à son président (Sarkozy) pour méditer et réfléchir avant de se lancer dans une politique précipitée et dangereuse, avec l'espoir qu'il s'arme de sagesse et tire profit des erreurs de l'administration américaine, de ces guerres destructrices et de sa politique en faillite, avant de se choisir ses nouveaux alliés et sa nouvelle politique.
Source : Al Qods al Arabi
Traduction : René Naba
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