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Israël - 26 novembre 2010
Par Gilad Atzmon
Voici de cela quelques jours, le chef d’état-major de l’armée britannique, le général (Sir) David Richards reconnaissait que la victoire en Afghanistan est impossible. « Dans une guerre conventionnelle », a-t-il déclaré, « la défaite et la victoire sont clairement tranchées et cela est symbolisé par l’entrée des troupes dans la capitale du pays vaincu ». Il a fallu un certain nombre d’années à l’élite militaire britannique pour comprendre que la guerre en Afghanistan ne mène nulle part : leçon très utile, à retirer des conflits du milieu et de la fin du vingtième siècle, c’est que la puissance d’une armée conventionnelle ne peut vaincre aisément une résistance civile.
Il est intéressant, aussi, d’étudier le cas de l’Etat juif, qui a pratiqué une « stratégie » d’occupation depuis soixante-deux ans. Et voici que pour une raison que j’ignore, cela n’a toujours pas fait « tilt » : les Israéliens restent convaincus qu’ils sont en mesure de vaincre des Palestiniens particulièrement résilients au moyen de l’état de siège, des tueries aveugles, de bombardements en tapis et de guerre chimique.
Le résultat est on ne peut plus évident : si, par ailleurs, on tient présent à l’esprit qu’Israël se considère lui-même comme « une démocratie réservée aux seuls juifs », alors tout Israélien juif est complice d’un crime de guerre colossal perpétré contre une population civile.
Mais cela va plus loin : de plus en plus nombreux, des militaires israéliens de tous les grades sont directement impliqués dans d’interminables listes de crimes : certains refusent toute assistance médicale d’urgence à des femmes enceintes tandis que d'autres balancent des bombes sur des quartiers densément peuplés. Certains utilisent des enfants comme boucliers humains, tandis qu’une poignée d’entre eux procèdent à des exécutions de militants de la paix. Et d’autres alimentent les canons avec des bombes au phosphore.
Ceux qui commettent ces crimes tombent en réalité sous le coup de lois universelles. Ils peuvent être emprisonnés n’importe où, dans le monde entier ; ils risquent de passer le restant de leurs jours en prison.
Quelques Israéliens courageux doivent être particulièrement préoccupés par la situation morale de leur pays ; en effet, il y a de cela quelques jours, un document identifiant 200 soldats israéliens soupçonnés de crimes de guerre a fuité à l’extérieur d’Israël. Ce document a pu être affiché sur Internet ; la liste comporte les noms, les grades, les postes militaires, les photos et les adresses.
Les personnes ayant fait fuiter l’info et l’ayant postée sur le net ont indiqué que les noms listés étaient ceux « des responsables directs, des agents travaillant pour l’Etat d’Israël, qui, durant les mois de décembre 2008 et janvier 2009, avaient attaqué des dizaines de civils dans Gaza assiégée. Les personnes énumérées… occupaient des postes de commandement à l’époque de l’offensive ; par conséquent, non seulement ils agissaient au nom d’un mécanisme étatique criminel, mais ils encourageaient d’autres qu’elles à faire la même chose. Ils endossent une claire responsabilité personnelle. Leurs grades vont de commandants d’infanterie jusqu’aux échelons les plus élevés de l’armée israélienne. Tous ont pris un rôle actif et direct dans l’offensive (« opération plomb durci », ndt).
Le 17 novembre, je décidai de faire rapidement allusion à cette histoire : j’ai affiché le lien avec le site Israëli War Criminal sur mon blogue. Le 18, j’ai été fallacieusement accusé par la chaîne d’infos en continu israélienne Channel 10, ainsi que par quelques autres blogues israéliens, d’avoir été la personne à l’origine de la publication de ces nom et de ces photos.
Nul n’est besoin de préciser que cela ne m’a pas rendu particulièrement populaire en Israël. Ma boîte mél ressembla très vite à une zone de combat israélienne, et un de mes récents clips youtube qui avait été tourné par la télé israélienne est très vite devenu une plateforme d’expression pour la vile laideur israélienne.
Tout cela me rappelait la raison pour laquelle j’avais dénoncé ma judéité et pour laquelle j’avais quitté Israël. Cela ravivait mes souvenirs, me rappelant pour quelle raison, il y a quelques années de cela, j’avais décidé de ne plus jamais remettre les pieds dans ce lieu maudit. Les Israéliens étaient désemparés et en colère. Il leur fallait un bouc émissaire. Et, après tout, « faire retomber la faute sur quelqu’un d’autre » est bien plus facile que de reconnaître que quelque chose ne tourne systématiquement et catégoriquement pas rond chez soi.
Le 19, la chaîne d’infos israélienne a réussi à me joindre : ils étaient sur la piste du tireur de sonnette d’alarme… Evidemment, je ne pouvais les aider ; d’ailleurs je ne souhaitais pas le faire. A ce que je sache, personne ne sait quelles sont les personnes qui ont été à l’initiative de la publication de cette liste. Bien qu’initialement les Israéliens eurent prétendu que la liste était controuvée et qu’elle comportait de nombreux noms qui n’avaient rien à voir avec les crimes commis à Gaza (en 2008-2009), les médias israéliens reconnurent très vite que cette liste avait été fuitée par une source interne aux Forces Israéliennes de Défense (forces israéliennes d'occupation, ndlr) et qu’elle était probablement authentique.
Je me suis efforcé de faire remarquer à l’investigateur de la chaîne israélienne Channel 10 que la publication de la liste set la meilleure chose qui se soit produite en Israël depuis des années : cette liste constitue un avertissement très clair pour les futurs combattants israéliens. Elle aura pour effet de leur suggérer qu’une conduite non-éthique pourrait avoir des conséquences très lourdes et directes pour eux. Une telle reconnaissance est vitale pour les Israéliens, afin qu’ils puissent commencer à amender leur comportement et à trouver une façon de vivre en paix avec leurs voisins.
L’on est fondé à trouver bizarre que dans la soi-disant « unique démocratie au Moyen-Orient » une liste de 200 criminels de guerre suspects ait pu faire l’objet d’une fuite : voilà que tous les médias se mettent en chasse d’un tireur d’alarmes au lieu de se colleter avec le véritable problème. Cela montre sous son vrai jour une société à la dérive en train de s’éloigner de toute forme de reconnaissance du droit international, pour ne pas parler de prise de conscience en matière éthique.
Toutefois, je sais très bien pour quelle raison les Israéliens sont tellement furieux : les gens, dans le monde entier, ne se rendent pas compte du fait que, pour les Israéliens, l’Etat juif n’est pas autre chose qu’une prison. Autant les Israéliens clament aimer leur pays, il n’est rien qu’ils aiment autant que de laisser ce pays derrière eux, et j’imagine que les Israéliens sont en train de commencer à comprendre la véritable signification de la dé-légitimation de leur Etat : celle-ci est en train d’atteindre un point de non-retour, et elle est devenue une affaire personnelle, parce que les gens dont le nom est couché sur la liste devront y réfléchir à deux fois avant de mettre les pieds dans un avion.
De façon piquante, les gens qui ont publié la liste ont eu recours à une tactique utilisée par les institutions juives et sionistes après la Seconde guerre mondiale : au lieu de pourchasser les dirigeants et les commandants militaires, les chasseurs de nazis avaient recueilli des informations concernant des gens ordinaires : officiers du rang, simples soldats, gardiens ; bref, ces gens ordinaires qui avaient perpétré des crimes contre l’humanité…
Cette tactique s’était avérée efficace dans l’incrimination de générations entières d’Européens qualifiés de vils antisémites. Après la guerre, la culpabilité européenne fut promptement traduite en pouvoir sioniste.
A l’évidence, les personnes qui sont à l’initiative de la publication de cette liste de criminels de guerre israéliens sont en train de faire goûter à Israël sa propre potion ; en listant 200 soldats de tous grades, le message est clair : la société israélienne elle-même est profondément malade. Ce n’est pas seulement les gens qui sont au sommet, c’est, en réalité, les gens les plus ordinaires qui sont en cause. Plus que d’Israël, il s’agit, de fait, de l’« Israélien ». Le malaise semble profondément ancré dans la société et dans sa culture.
Dans les cas de l’Allemagne et d’autres pays européens, c’est à Israël et aux dirigeants juifs qu’avait été donné le choix de savoir s’ils voulaient pardonner, ou s’abstenir de le faire. Ce furent les Israéliens et les juifs qui, en se faisant tirer l’oreille et sous conditions, ont accordé aux pays européens une amnistie cachère.
J’imagine qu’Israël connaît le même sort. Mais pour le moment, ce sont les Palestiniens et eux seuls qui peuvent sauver les Israéliens d’eux-mêmes et de leur brutalité. Seuls les Palestiniens ont quelque titre à pardonner aux criminels israéliens. Plus Israël commet aujourd’hui de crimes, plus y aura d’Israéliens qui dépendront de la gentillesse future des Palestiniens.
Une fois que la Commission Vérité et Réconciliation pour les crimes de guerre israéliens aura été fondée en Palestine, ce sera au peuple palestinien de décider qui pardonner ou non.
Source : Blog Gilad Atzmon
Traduction : Marcel Charbonnier
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Gilad Atzmon
26 novembre 2010