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Cisjordanie occupée - 4 mai 2018
Par Fadwa Nassar
La réunion du conseil (national) palestinien à Ramallah, dans le propre siège de Mahmoud Abbas, inaugure une phase de division nette entre la voie de la résistance et la voie de la capitulation, entre le désir d'une pratique démocratique au sein d'une organisation qui concerne l'ensemble du peuple palestinien et le désir de s'accaparer un conseil pour mener des tractations avec l'ennemi, entre une voie qui réclame l'unité du peuple palestinien et une voie qui a décidé que le peuple palestinien se résume à une partie du Fatah et quelques organisations satellites de Mahmoud Abbas.
Pourquoi réunir le Conseil (national) palestinien après 22 ou 23 ans ? se demandent de nombreux commentateurs palestiniens. Depuis plusieurs années déjà, Mahmoud Abbas prépare sa suite, taillée à sa mesure, réalisant que le temps dévolu à l'Autorité palestinienne tire à sa fin. Remplacer l'AP par le CP, un tour de passe-passe, pour lui, quitte à démanteler ce qui a fait jusque là l'importance du conseil national palestinien, même amputé des organisations islamiques de la résistance, donc d'une composante non négligeable du peuple palestinien. Pour ce faire, Mahmoud Abbas et Salim Zaanoun, président du CNP, deux « vieillards séniles» et « menteurs », selon les termes d'un cadre du Fateh, Hussam Khadr, décident une réunion « vite fait bien fait », à l'ombre des chars et des fusils de l'occupant, pour installer de nouveaux venus, tous ceux qui ont prêté récemment allégeance à la voie inaugurée par Mahmoud Abbas, au conseil Exécutif de l'OLP.
Peu importe pour lui et pour des membres dirigeants au Fateh, comme Azzam al-Ahmad, que le FPLP ait refusé d'y participer (qu'il aille boire l'eau polluée de Gaza, dira-t-il), que les mouvements du Hamas et du Jihad islamique en soient exclus d'office, peu leur importe que 150 personnalités du CNP aient refusé cette « mascarade » et annoncé leur refus d'y participer, peu leur importe que ce faisant, ils violent les accords du Caire (2005 et 2011) et les ententes de Beirut (2017) pour réunifier l'OLP et fixer un programme de lutte unifiant le peuple palestinien et ses organisations. L'essentiel pour une certaine direction du Fateh (l'autre a été écartée au fil des ans) et pour Mahmoud Abbas, c'est que le Conseil (national) palestinien, nouvellement élu et débarrassé de tous ceux qui le gênent, adopte sa ligne de conduite et son programme, vidé de tout contenu libérateur, si on peut parler d'un programme. L'essentiel pour lui consiste à présent à remplacer les structures de l'AP, notamment son conseil législatif, où le Hamas l'a emporté en 2006, par un CP qui ne représente plus les Palestiniens où qu'ils soient, dans les territoires occupés en 48 et dans l'exil, mais uniquement en Cisjordanie occupée et éventuellement la bande de Gaza, s'il parvient à mettre la main dessus. Bref, un CP qui va aussi loin que l'horizon bouché de Mahmoud Abbas.
S'étant fait élire à la tête de l'Autorité palestinienne, puis à la tête du Fateh, puis à la tête du comité exécutif de l'OLP, au cours des dernières années, et excluant tous ceux qui le gênent, que ce soit Mohammad Dahlan, son complice dans la lutte contre Yasser Arafat, ou des dizaines de cadres militants du mouvement, Mahmoud Abbas peut jouer sur l'un ou l'autre des tableaux. Un jour l'AP, un autre jour le CP, et avant, le comité central du Fateh ou le comité exécutif de l'OLP. Seules les monarchies du Golfe ont réussi à réunir autant de pouvoir entre leurs mains, sans susciter l'inquiétude de la « communauté internationale », très pointilleuse quand elle le veut sur la question de la séparation des pouvoirs. Yasser Arafat fut d'ailleurs une de ses victimes, avec l'aide de Mahmoud Abbas, parce qu'il refusait de courber l'échine devant leurs projets de liquidation de la cause palestinienne.
Le Conseil palestinien réuni à Ramallah n'a rien de national, ni dans son programme, ni dans sa représentativité. Il représente désormais le « leader » Mahmoud Abbas, point final. Ce n'est sûrement pas la présence de quelques organisations, en mal de légitimité, comme le FDLP, al-Mubadara de Mustafa Barghouty, ou le Parti du Peuple de Bassam Salhi, qui va changer les choses. Ces dernières espèrent tirer profit de leur participation, faisant croire que le nouveau Conseil Palestinien serait national.
Mahmoud Abbas et consorts prétendent vouloir lutter contre le « deal du siècle » de Trump-Netanyahu, mais en divisant le peuple palestinien et en refusant l'unité de ses organisations, en sabotant ses institutions populaires, en serrant le blocus contre la bande de Gaza, ils ont accepté ce deal, mais espèrent se trouver une place plus importante que ne prévoient les « grands » et les financeurs, la famille saoudienne en premier lieu. Les petites tirades lancées contre les uns et les autres, ont pour objectif de masquer la participation effective de Mahmoud Abbas et sa clique au projet de liquidation de la cause palestinienne, en réclamant quelques ajustements pour élargir leur part. Le CP a donc adopté la ligne Abbas, dont le long discours truffé de fautes historiques a cependant hérissé les sionistes et leurs amis.
Mais le peuple palestinien ne s'y retrouve pas, ni ses organisations de lutte. Il y a quelques années, dr. Ramadan Shallah avait résumé les problèmes vécus par l'OLP, dans une interview : l'OLP a un problème de légitimité, en se posant comme représentant unique et légitime du peuple palestinien, elle devrait rassembler tout le peuple palestinien. Comment peut-on affirmer qu'elle est le représentant « unique » si elle exclut le Hamas et le Jihad ? Ensuite, l'OLP a un problème de légitimité combative. Etant née pour libérer la Palestine, que l'OLP précise que représente « Israël » pour elle, notamment en Cisjordanie ? Est-ce une occupation ? Un voisinage ? S'il s'agit d'une occupation, il faut résister, or les résistants sont poursuivis et la collaboration sécuritaire avec l'ennemi se poursuit.
En 1996, le CNP s'est réuni uniquement pour supprimer la charte nationale palestinienne. Aujourd'hui, il se réunit pour confirmer la domination de Abbas, confirmer l'exclusion du Hamas et du Jihad et tous ceux qui refusent la voie de Abbas. Le fait d'avoir maintenu l'OLP, qui a été avalée par l'Autorité palestinienne, a servi à deux objectifs : garder une carte de rechange au cas où l'Autorité s'effondre, et ce qui est encore plus dangereux, car il s'agit d'une question interne au peuple palestinien, réserver le nom et le statut de l'OLP pour empêcher la naissance de tout autre alternative qui puisse représenter le peuple palestinien dans son ensemble, dans l'exil et dans l'ensemble des territoires palestiniens, occupés en 48 ou en 67.
Cependant, c'est aux organisations de la résistance d'affirmer et d'agir pour une alternative combattante qui soit digne des sacrifices du peuple palestinien.
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