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Israël - 2 juillet 2006
Par Gideon Levy
Un drapeau noir flotte au-dessus de l'opération "en cours" Ã Gaza. Plus l'opération "avance", plus le drapeau devient foncé.
La "Pluie d'été" que nous déversons sur Gaza est non seulement injustifiée, mais elle est tout d'abord manifestement illégitime.
Il n'est pas légitime de couper l'électricité à 750.000 personnes. Il n'est pas légitime de demander à 20.000 personnes de fuir leurs maisons et de transformer leurs villes en villes fantôme.
Il n'est pas légitime de pénétrer dans l'espace aérien syrien. Il n'est pas légitime de kidnapper la moitié d'un gouvernement et un quart d'un parlement.
Un Etat qui prend de telles initiatives n'est pas différent d'une organisation terroriste. Plus les initiatives sont dures, plus elles deviennent monstrueuses et stupides, plus les bases morales sont enlevées et plus est forte l'impression que le gouvernement israélien a perdu son sang-froid.
Maintenant on se doit d'espérer que l'accalmie du week-end, quelle soit initiée par l'Egypte ou par le premier ministre, et de toute façon à la consternation de Roni Daniel de Canal 2 et de l'IDF, mènera à un changement radical.
Tout doit être fait pour obtenir la libération de Gilad Shalit. Ce que nous faisons maintenant à Gaza n'a rien à voir avec sa libération.
C'est un acte de vengeance à grande échelle, du genre que l'IDF et le Shin Bet voulaient mener depuis un certain temps, motivé en grande partie par la profonde frustration que ressentent les commandants de l'armée pour leur impuissance contre les Qassams et le raid audacieux des guérilleros palestiniens.
Il y a un énorme fossé entre une manifestation de frustration de l'armée et une opération intelligente et légitime pour libérer le soldat kidnappé.
Pour empêcher l'armée d'agir comme elle le voudrait, il faudrait des responsables politiques forts et pertinents. Mais en face d'une armée frustrée, nous n'avons que le régime faible d'Ehud Olmert et d'Amir Peretz.
Jusqu'Ã l'accalmie du week-end, il s'est avéré que chaque initiative proposée par l'armée et le Shin Bet avait été immédiatement approuvée. Cela ne présage rien de bon, non seulement pour les chances de libérer Shalit, mais également pour la future gestion du gouvernement, qui s'est révélé être aussi faible que le gouvernement du Hamas.
La seule voix sage et modérée entendue pour l'instant a été celle du père du soldat, Noam Shalit. Cet homme noble a évoqué ce qui est clairement sa période la plus difficile, non la stridence et d'autres dommages aux vies des soldats et aux Palestiniens innocents.
Dans le contexte des actions sans retenue de l'IDF et de la vantardise arrogante des derniers porte-parole machos, le Général Yoav Gallant du commandement Sud et du Général (à la retraite) Amos Gilad, la voix du père de Shalit ressemblait à une voix qui crie dans le désert.
Faire fuir de leurs maisons des dizaines de milliers de malheureux habitants, Ã des dizaines de kilomètres d'où son fils serait caché, et couper l'électricité Ã des centaines de milliers d'autres, n'est certainement pas ce qu'il avait voulu dire par ses appels émouvants. C'est une honte que personne ne l'écoute.
La base légitime de l'opération de l'IDF a été spoliée dès le moment où elle a commencé. Ce n'est pas un accident si personne ne mentionne que le jour avant l'attaque contre le fort Kerem Shalom l'IDF a enlevé deux civils, un docteur et son frère, de leur maison à Gaza. La différence entre nous et eux ?
Nous avons enlevé des civils et ils ont capturé un soldat, nous sommes un état et ils sont une organisation terroriste.
Amos Gilad est ridiculement pathétique quand il dit que la capture de Shalit était "illégitime et illégale", Ã la différence de l'enlèvement de civils de leurs maisons par l'IDF.
Comment un haut fonctionnaire du Ministère de la Défense peut-il affirmer que "la tête du serpent" est à Damas, quand l'IDF utilise exactement les mêmes méthodes ?
C'est vrai, quand l'IDF et le Shin Bet enlèvent des civils de leurs maisons - et ils le font tellement souvent - ce n'est pas pour les assassiner plus tard. Mais parfois ils sont tués sur les seuils de leurs maisons, bien que cela ne soit pas nécessaire, et parfois ils sont pris pour servir de "monnaie d'échange", comme au Liban et maintenant, avec les élus palestiniens.
Quel tapage ce serait si les Palestiniens avaient enlevé la moitié des membres du gouvernement israélien. Comment l'appellerions-nous ?
La punition collective est illégitime et cela n'a pas un iota d'intelligence. Où les habitants de Beit Hanun vont-ils s'enfuir ? Avec un réalisme typique, les journalistes militaires disent qu'ils "n'ont pas été expulsés" mais il était "recommandé" qu'ils partent, pour le bien, naturellement, de ceux qui tiennent à leurs vies.
Et à quoi mènera cette démarche inhumaine? A un soutien du gouvernement israélien ? A leur enrêlement comme informateurs et collaborateurs pour le Shin Bet ?
Les malheureux fermiers de Beit Hanun et de Beit Lahia peuvent-ils faire quelque chose au sujet des cellules qui tirent des roquettes Qassam ?
Bombarder un aéroport déjà détruit aidera-t'il à faire libérer le soldat ou était-ce juste pour décorer les Unes des journaux ?
Est-ce que quelqu'un a pensé à ce qui se serait produit si les avions syriens avaient réussi à abattre l'un des avions israéliens qui survolaient effrontément le palais de leur président ? Aurions-nous déclaré la guerre à la Syrie ? Une autre "guerre légitime" ?
Est-ce que le blocus total de Gaza fera tomber le gouvernement du Hamas ou lui apportera-t'il le soutien de la population ?
Et même si le gouvernement du Hamas tombe, comme le veut Washington, que se passera-t'il le lendemain ?
Ce sont des questions auxquelles personne n'a de véritable réponse.
Comme d'habitude ici : Du calme, nous tirons.
Mais cette fois nous ne faison pas que tirer. Nous bombardons et pilonnons, nous assombrissons et détruisons, nous imposons un siège et kidnappons comme le pire des terroristes et personne ne romps le silence pour demander, pourquoi cet enfer et de quel droit ?
Source : Haaretz
Traduction : MG pour ISM
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