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ISM France - Archives 2001-2021

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Jérusalem -

Vivre dans l'ombre du Mur

Par

Ida Audeh : The Electronic Intifada / PENGON Campagne Contre le Mur de l'Apartheid

Ils ont déraciné trois cents arbres.....
Nous avons rapidement riposté. Le jour suivant nous avons loué un bulldozer, aplani la terre et creusé 50 trous et nous avons replanté les arbres qu'ils avaient déracinés. Les oliviers en particulier, les autres n'ont pas pu être replantés. Nous avons replanté 50 gros arbres, les petits ne peuvent pas l'être...La résistance ce n'est pas seulement une histoire de confrontation avec l'armée. Nous sommes enracinés dans notre terre. Peu importe ce qu'ils font, nous ne la quitterons pas.

Ce mur de 40 à 100 m de large et de 8 kilomètres de long au Nord de Jérusalem est destiné à isoler la communauté palestinienne et non à encercler la ville. Les palestiniens se sont vu confisquer quelques 800 dunums de terre, aux fins de construire cette portion du mur.


QALANDIA

Qalandia au Nord de Jérusalem est un des principaux checkpoints entre Ramallah et Jerusalem. Le mur isole 30 000 palestiniens de Kafr Aqab et de Qalandia qui détiennent une carte de résident de Jerusalem; il les isole aussi bien de leur famille, que de leur lieu de travail, et des services publics sociaux.


Fatima Asaad

Je suis prof à Jérusalem et je vis à Qalandia. Dans le passé cela ne me prenait pas plus de 7 minutes d'aller travailler. Mais après qu'ils aient élevé la barrière de séparation, notre maison s'est trouvée derrière le mur. Maintenant, je ne peux plus conduire ma voiture, je dois poireauter aux checkpoints une heure, voire deux ou trois. Aussi je suis obligée de marcher jusqu'au checkpoint de Qalandia et là je traverse à pied. Puis, j'utilise un moyen de transport public, du Chekpoint de Qalandia jusqu'à celui de Dahiya. Je dois marcher pendant un demi kilomètre pour arriver au checkpoint. A chaque checkpoint,j'attends dans une file. Des fois, ils ajoutent un nouveau checkpoint en plus des autres. Parfois, je dois faire à pied tout le chemin pour aller travailler.

Je pars de la maison à 6h15 et j'arrive vers 8h. La distance n'excède pas 7 km. Le matin je n'ai le temps de rien faire pour mes enfants, ou dans la maison. Je me précipite pour être tout juste à temps au boulot, et dans quel état peut-on être quand on y arrive ?
Je suis crevée, je prends une dizaine de minute pour aller chercher quelque chose à boire. Quand je vois mes étudiants, beaucoup d'entre eux affrontent la même bataille, et je suis vraiment désolée pour eux. Pourtant nous essayons, et je suis sûre que toute l'école essaie, de tirer quelque chose de positif de tout ce combat.

Le mur nous a directement et terriblement touchés. Les Israéliens ont confisqué quelques 15 dunums nous appartenant . Nous avions aussi 6 dunums de plantations d'oliviers, d'amandiers, de figuiers, de vigne, de pommiers, tout ce qu'on peut désirer nous l'avions. Au commencement de l'Intifada, ils ont rasé au bulldozer quelques 2,5 dunums. Leur prétexte, c'était que les gamins leur lançaient des pierres, et qu'ils se cachaient derrière les arbres.

Déjà, il y a quinze ans, ils avaient rasé au bulldozer la plupart de nos terres, nous laissant un tiers de la parcelle. Il y a deux mois, fin juin, je me rappelle que c'était un vendredi, les soldats sont arrivés et se sont installés sur notre toit durant deux nuits. Nous avons dit ceci est un morceau du district de Jérusalem, nous payons des taxes, pourquoi faites-vous cela ? Vous devriez avoir des ordres officiels pour le faire. Ils ont dit nous avons des ordres militaires, donc nous n'avons pas besoin de document officiel. Quand des soldats sont installés sur votre toit c'est très traumatisant.

Un matin, sur le coup de 10h30 nous avons vu un gros bulldozer de l'armée. C'est très bruyant. Il était en train de déraciner nos arbres. Je suis devenue folle. Je suis sortie, et j'ai commencé à hurler. Ils ont dit qu'ils avaient des ordres militaires. Ils ont déraciné trois cents arbres. Mon mari et moi avons cinq enfants, et nous appartenons à une grande famille. Le frère et les soeurs de mon mari ainsi que leur famille, nous vivions tous de ces arbres.

Quand vous faites pousser un arbre toute votre vie, vous vous occupez de lui comme de votre propre enfant, imaginez ce que vous ressentez quand on le déracine sous vos yeux. Cela m'a complètement bouleversée, et j'ai hurlé et je les ai maudits. J'ai compris qu'ils voulaient déraciner les ces arbres qui nous relient à cette terre.

Nous avons rapidement riposté. Le jour suivant nous avons loué un bulldozer, aplani la terre et creusé 50 trous et nous avons replanté les arbres qu'ils avaient déracinés. Les oliviers en particulier, les autres n'ont pas pu être replantés. Nous avons replanté 50 gros arbres, les petits ne peuvent pas l'être. Nous les avons arrosés et la plupart vont bien. Les Israéliens étaient étonnés. Des journalistes sont passés par ici et ont été étonnés par notre détermination et l'action positive que nous avons décidée. La résistance ce n'est pas seulement une histoire de confrontation avec l'armée. Nous sommes enracinés dans notre terre. Peu importe ce qu'ils font, nous ne la quitterons pas.


Chaque jour il y a des tirs dans le voisinage. Des gamins arrivent et lancent des pierres, ou se rapprochent du mur. Alors l'armée arrive. Il y a de continuelles batailles ici. Dans l'après-midi, nous ne quittons pas la maison. Je dis à mes fils d'attendre à Ramallah jusqu'au soir, quand les choses s'apaisent. Si vous voulez sortir, d'abord vous devez vérifier qu'il n'y ait pas de tirs. Vous pouvez recevoir une balle n'importe quand. Nous avons dû remplacer plusieurs fois nos fenêtres. Les réservoirs d'eau ont des impacts de balles, nous nous servons de vis pour boucher les trous, on a tiré aussi dans notre antenne parabolique. Il y a plein de dégâts.


Mon fils qui a onze ans aime les sports, et dans la situation présente il n'y a aucun club où il pourrait jouer. Alors il veut sortir. L'après-midi il ne peut même pas sortir sur le pas de la porte. Alors il fait rebondir son ballon dans la maison, et il est désespéré. Il me dit «vérifies si les soldats sont là pour que je puisse sortir s'ils n¹y sont pas».

La vie est difficile, très difficile. Les gens qui vivent à l'étranger ont du mal à imaginer combien c'est difficile. Même dans cette interview, je ne vous donne qu'un aperçu de ce que nous souffrons..

La nuit dernière, il y a eu des tirs, pendant une demie heure, nous nous sommes tous cachés dans une seule pièce. Nous avions peur d'approcher des fenêtres. Nous vivons dans la terreur. Mais nous n'avons pas le choix. Où irions-nous ? Même sous notre propre toit nous ne sommes pas en sécurité. Ils tirent et ils prennent nos terres et les rasent. Parfois ils entrent dans nos maisons et commencent à perquisitionner. Cela me terrorise parce que mes fils sont des adolescents.

La vie est réduite au manger et au boire. Nous ne pouvons que rêver d'une vie ordinaire. Les choses les plus simples, auxquelles une personne ordinaire ne pense pas, nous sentons nous, à quel point elles sont précieuses, parce que nous en sommes privées.

Les problèmes dans le voisinage ont empiré après qu'ils aient installé le mur. C’est de la provocation. Les mômes viennent au mur, lancent des pierres et brûlent des pneus.Que peuvent-ils faire de plus ? Cela devient infernal, l'armée les poursuit. Puis ils ferment les checkpoints et punissent les gens.




• Pour en savoir plus sur le Mur à Jérusalem : Lire "Jérusalem : Création de ghettos palestiniens, expansion des colonies israéliennes"

Voir la carte du Mur à Jérusalem

Source : www.stopthewall.org

Traduction : CS

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20 novembre 2003