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Cisjordanie occupée -

« Cette route va tuer notre terre » : une nouvelle route pour les colons menace un village palestinien

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Beit Ummar, Cisjordanie occupée, 21.11.2019 – Au début du mois de novembre, Fathi Ismaiin, 63 ans, a reçu l’appel qu'il espérait ne jamais recevoir de son vivant. Les forces israéliennes étaient arrivées dans son village de Beit Ummar avec des bulldozers et bouclaient les terres agricoles. On allait lui prendre sa terre, lui a-t-on dit.

« Cette route va tuer notre terre » : une nouvelle route pour les colons menace un village palestinien

Fathi Ismaiin montre une pancarte écrite en hébreu installée sur sa terre par les soldats israéliens (MEE/Akram al-Waara)
« Avec les autres villageois, nous nous sommes précipités sur la zone pour voir ce qui se passait et si nous pouvions l'arrêter », a déclaré M. Ismaiin à Middle East Eye devant sa maison dans le district d'Hébron, dans la partie sud de la Cisjordanie occupée.

Lorsqu'il est arrivé sur les lieux, Ismaiin a appris que ses terres, ainsi que celles de plusieurs autres familles du village, étaient confisquées avec effet immédiat afin de construire une nouvelle route d'accès pour les colons israéliens.

« Ils ont délimité la zone en deux parties, » a-t-il dit à MEE. « Une à laquelle nous pourrions encore accéder et une à laquelle nous ne pourrions plus accéder. »

Sur les trois dounams (0,3 hectare) qu'Ismaiin possédait, on lui a dit qu'il n'avait plus accès qu'à la moitié, l'autre moitié devant être utilisée pour la route.

« Toute ma terre, le gagne-pain de ma famille, sur laquelle j'ai versé ma sueur et mon sang, va disparaître », se lamente-t-il. « Et pour quoi faire ? Une nouvelle route pour les colons ! »

L'administration américaine ayant annoncé à la mi-novembre qu'elle ne considérait plus les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé comme une violation du droit international, beaucoup craignent, comme Ismaiin, que cette décision n'encourage Israël à confisquer les terres palestiniennes.

Photo
Une tour de guet militaire israélienne à l'entrée de Beit Ummar
(MEE/Akram al-Waara)


« Cette route va tuer notre terre »

Le village de Beit Ummar, au nord d'Hébron, abrite quelque 18.000 Palestiniens.

Entouré de toutes parts par des colonies israéliennes, des autoroutes et des bases militaires permanentes, le village n’ignore rien de l'occupation.

« Beit Ummar est attaquée chaque jour par l'occupation israélienne », a déclaré Khalda Abu Ayyash, 50 ans, une ingénieure de la municipalité locale, à MEE.

« Nous sommes situés entre trois grandes colonies - Gush Etzion, Efrat et Beit Ein - ce qui fait de notre village un emplacement stratégique pour les Israéliens ", a-t-elle poursuivi, soulignant qu' « il n'y a pas une seule partie de Beit Ummar qui ait été épargnée par l'occupation. »

Abu Ayyash explique que les habitants de la ville ont été informés pour la première fois en 2011 des plans d'Israël pour la nouvelle route.

« On nous a dit qu'ils allaient construire une nouvelle route pour les colons ; elle commencera à Gush Etzion, passera par Karmei Tzur, par cette terre à Beit Ummar, et reliera ensuite à la route 60, » dit-elle, pointant en direction de la route, une artère majeure reliant le nord et le sud de la Cisjordanie .

Abu Ayyash dit qu’à l’époque les plans de la route étaient vagues et que les Palestiniens n'avaient pas eu beaucoup d'informations.

« De temps en temps, au fil des ans, ils nous ont remis des notifications nous disant qu'ils confisquaient de nouvelles terres à Beit Ummar pour diverses "raisons de sécurité ", a-t-elle dit. « Mais il n'y avait aucun mouvement sur cette route, jusqu'à il y a deux semaines. »

Après de nombreuses pressions de la part des autorités municipales et des agriculteurs, les autorités israéliennes présentes sur les lieux le 3 novembre ont accepté de montrer aux Palestiniens les plans de la nouvelle route.

« Nous étions stupéfaits », dit Abu Ayyash. « Il s'agit d'une route de huit kilomètres de long, de 50 mètres de large et d'un périmètre de sécurité de 200 à 300 mètres autour de la route ; les villageois n'y auront pas accès et ils ne pourront pas y construire.

Abou Ayyash estime qu'environ 46 dunams (4,6 hectares) des terres de Beit Ummar seront complètement détruits pour la construction de la route, tandis que 707 autres dunams (70,7 hectares) deviendront une zone interdite ; elle les compare aux "zones mortes" autour du mur de séparation israélien qui sont devenues inaccessible aux Palestiniens après la construction de la barrière.

Elle a ajouté qu'entre Beit Ummar et la ville voisine de Halhul, Israël va confisquer quelques 1.273 dounams (127,3 hectares).

"Cette route va tuer la terre," dit-elle.

Photo
Des colons israéliens ont déjà commencé à ériger des clôtures dans le secteur pour empêcher les agriculteurs locaux d'entrer (MEE/Akram al-Waara).


Effets dévastateurs sur l'économie locale

Pour de nombreux habitants de Beit Ummar, l'agriculture constitue une source de revenus stable dans une économie palestinienne bouleversée et imprévisible.

Selon Abu Ayyash, la majorité des villageois dépend de l'agriculture locale pour ses revenus. Sans elle, dit-elle, ils n'ont rien.

« Les terres de Beit Ummar sont célèbres à Hébron et dans toute la Cisjordanie pour leurs cultures, en particulier les raisins. Si un terrain n'a pas de construction, il est couvert de vignes luxuriantes et d'autres cultures. »

« Aujourd'hui, les Israéliens ne se contentent pas de voler des terres, ils s'attaquent à l'un des aspects les plus importants de la vie des habitants de Beit Ummar », a-t-elle poursuivi. « Ils ne détruisent pas seulement la terre, mais aussi notre économie. »

Fathi Ismaiin est l'une des personnes qui vont subir des pertes terribles. « Les trois dounams que je possède m'ont été transmis par mes ancêtres. J'ai investi des dizaines de milliers de shekels [milliers de dollars] dans l'entretien, l'agriculture et les plantations », dit-il.

« La plupart de mes arbres - amandiers et pruniers - ont des centaines d'années », dit-il, montrant par gestes la taille des arbres, qui sont plus grands que lui.

« Ma famille s’en est toujours bien sortie grâce à la vente de prunes et d'autres récoltes », a-t-il poursuivi, soulignant que c'était la seule source de revenus de toute sa famille pour toute l'année. « Nous sommes dévastés. »

Bien qu'Ismaiin soit toujours autorisé à accéder aux 1,5 dounams de ses terres non saisies pour la construction de la route, il n’imagine pas que cela dure très longtemps.

« Nous avons vu ça d'innombrables fois avec d'autres villages de Cisjordanie . Chaque fois que les Israéliens construisent un mur, une route ou une tour militaire, ils transforment tout le secteur en zone militaire fermée », a-t-il dit.

« J'ai peut-être encore la moitié de ma terre, mais qui peut dire que ce sera encore le cas dans quelques mois ou un ans ? »

Pas d'issue

Cela fait près de trois semaines que les forces israéliennes ont commencé à travailler sur la route à Beit Ummar, et les choses ne semblent pas s'améliorer pour les villageois.

Tous les résidents à qui MEE s'est adressé ont exprimé leur inquiétude sur le fait qu'on leur a dit que la décision de construire la route était un ordre militaire, ce qui rend impossible tout recours devant les tribunaux civils.

Yusuf Abu Maria, 45 ans, un militant de Beit Ummar, a déclaré à MEE que le capitaine israélien responsable de la zone lui avait dit, ainsi qu'à d'autres, que l'ordre militaire « était au-dessus du tribunal ».

« Ils nous ont dit que notre seule option maintenant est d'essayer d'obtenir une indemnisation pour les terres qui nous sont enlevées, mais que nous ne pouvons pas les récupérer », a-t-il poursuivi.

Lorsqu'on lui a demandé si les villageois envisageraient de céder leurs terres contre une compensation monétaire, Abu Maria a raillé : « Nous n'accepterons pas de pots-de-vin de leur part, » dit-il, « et nous continuerons à nous battre pour récupérer nos terres. »

Alors qu'Abu Ayyash et Ismaiin ont exprimé l'espoir que la communauté internationale intervienne au nom des villageois pour sauver leurs terres, Abu Maria a dit qu'il n’y compte pas beaucoup - et la dernière décision du président américain Donald Trump de reconnaître les colonies israéliennes comme légitimes seulement quelques jours plus tard ne fait que confirmer ses réserves.

Et le gouvernement palestinien ? « Où sont les dirigeants palestiniens ? Nous ne les voyons pas se précipiter pour défendre nos terres », a déclaré Abu Maria, amer.

« Tant que l'AP restera silencieuse sur cette question et sur d'autres, nous continuerons à interroger nos dirigeants sur ce qu'ils font », a-t-il poursuivi.

« Ca ne tient qu’à nous tous, nous devons travailler ensemble pour sauver toutes les terres palestiniennes qui sont volées chaque jour. »


Source : Middle East Monitor

Traduction : MR pour ISM

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