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Palestine - 16 septembre 2008
Par Omar Karmi
Tareq Abu Jawad n'est pas impressionné.
"Qu'est-ce que ça veut dire ?", demande le mécanicien de 26 ans. "Je n'ai pas de droits ? Je suis un réfugié depuis que je suis né, et mes parents étaient des réfugiés avant moi. Qu'est-ce que ça veut dire que nous pourrions ne pas avoir un droit au retour ? C'est le seul droit que nous avons."
Une école de l'UNRWA en Cisjordanie en 1950. (Nations Unies/AP)
M. Abu Jawad réagissait à l'article du Ha'aretz qui suggère que Mahmoud Abbas, le président palestinien, accepterait un "compromis" sur le "droit au retour" des réfugiés palestiniens.
"Nous avons l'intention de discuter avec Israël du nombre de réfugiés qui reviendront sur son secteur", selon les citations de ce qu'il a dit lors d'un entretien avec le quotidien israélien dimanche. "Je suis critiqué parce que je n'exige pas le retour de tous les cinq millions, mais je dis que je demanderai le retour d'un nombre raisonnable de réfugiés en Israël."
Sans surprise, ses remarques ont été presque immédiatement saisies par le Hamas. "Nous n'accepterons aucun accord avec l'ennemi qui contredira nos constantes nationales", a annoncé à Damas Khaled Meshaal, le dirigeant du Hamas en exil. Parmi ses constantes, a-t-il noté, il y a "l'engagement absolu" pour le droit au retour des réfugiés.
Ehud Olmert, le premier ministre israélien, est entré dans le débat hier en exprimant "son chagrin" pour le sort tragique des réfugiés – palestiniens et juifs. Il a cependant poursuivi pour dire que "en absolument aucun cas y aura-t-il un droit au retour".
Entre temps, à Ramallah, Yasser Abed Rabbo, secrétaire du comité exécutif de l'OLP, a contesté toute véracité aux rapports récents selon lesquels un accord avait été atteint sur la limitation du nombre de Palestiniens qui pourraient revenir en Israël à 20.000 selon tout futur règlement.
"Ces rapports sont une sorte de sénilité qui ne mérite aucune réaction. D'abord, les négociations ne sont pas parvenues à un tel niveau de détail. Ensuite, l'OLP s'est engagée dans le règlement du problème des réfugiés sur la ligne de la résolution 194 des Nations Unies."
La force de la réfutation de M. Abed Rabbo comme la position de M. Olmert montrent la profondeur émotionnelle de la question en jeu.
Les droits des réfugiés palestiniens plongent au cœur même du conflit palestino-israélien d'une façon beaucoup plus centrale que ce qui est communément compris.
Bien sûr, c'est une question sur laquelle les Juifs et les Palestiniens auraient pu partager un compréhension commune. L'expulsion et la dépossession des Palestiniens en 1948, appelée par les Palestiniens la Nakba, est aussi constitutive de l'identité des Palestiniens que l'Holocauste pour les Juifs.
Mais de nombreuses façons, les deux histoires sont devenues mutuellement exclusives. L'expérience de la persécution en Europe a conduit à l'idée de la création d'un Etat juif, une idéologie incompatible avec la présence d'un autre peuple en Palestine, selon les Palestiniens.
"La question du droit au retour va au cœur même de l'idéologie sioniste et si Israël restera un Etat raciste exclusif, ou s'il deviendra un Etat démocratique ouvert pour ses citoyens", dit Abdel Jawad Saleh, historien et ancien membre du comité exécutif de l'OLP.
M. Abdel Saleh a dit que même si un accord était atteint entre les négociateurs palestiniens et israéliens, toute solution présentée à la population palestinienne qui, d'une manière ou d'une autre, abandonnait le droit au retour ne serait tout simplement pas acceptée.
Mais, exactement comme pour de nombreux Palestiniens le droit au retour reste la question centrale – en 2004, les Tanzim du Fatah (jeunes combattants) de Bethléem avait publié une déclaration disant que s'il fallait choisir entre un Etat et le droit au retour, ils choisiraient le droit au retour – pour la plupart des Israéliens, elle reste une question où il n'y a que très peu de place pour un compromis.
"Les réfugiés sont une des deux questions existentielles (l'autre était la souveraineté sur la Mosquée Al-Aqsa à Jérusalem) qui préoccupe le plus les Israéliens", dit Yossi Alpher, un analyste israélien. "La plupart des Israéliens accepteraient le retour de 5.000 à 50.000 réfugiés. Mais les Israéliens ne prendront pas en charge la responsabilité de la création du problème des réfugiés qui est sous-tendue dans le droit au retour. Tant que les Palestiniens insisteront sur le droit au retour en grand nombre, tant dans l'abstrait que dans la pratique, il ne pourra pas y avoir d'accord".
Avec de telles oppositions catégoriques, il est aisé de voir l'ampleur de la tâche à laquelle les négociateurs font face pour essayer de trouver une formule réalisable. Des tentatives passées ont inclus des calculs compliqués de paiements compensatoires et de limites d'âge ou de quotas basés sur le lieu d'où reviendraient les réfugiés ; ceux du Liban sont souvent cités pour être prioritaires.
L'accord universel le plus proche auquel on soit parvenu est celui qui a été proposé par la Ligue Arabe dans son initiative de paix de 2002, qui élude simplement la question en parlant d'une "solution juste".
"C'est un imbroglio, et l'imbroglio est la seule formule avec laquelle chaque côté peut réellement s'en sortir aujourd'hui", a dit M. Alpher.
Dans son garage, dans le camp de réfugiés d'Al-Amamri, à Ramallah, M. Abu Jawad a peu de temps pour des propositions compliquées ou des imbroglios.
"Ecoute, voilà ce que je sais", dit le jeune mécanicien qui revendique son allégeance au Fatah. "Je sais que le père de mon père, jadis, avait une terre dans ce qui est aujourd'hui Israël. Je sais que personne n'a acheté, ni même proposé de lui acheter cette terre, ni à mon père. Donc, cette terre est à moi. J'ai au moins le droit d'y aller."
Source : The National
Traduction : MR pour ISM
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