Fermer

S'inscrire à la mailing list ISM-France

Recevez par email les titres des derniers articles publiés sur ISM-France.

Votre adresse courriel

Fermer

Envoyer cet article

Votre adresse courriel
Envoyer l'article à
Votre message
Je profite de l'occasion pour m'abonner à la newsletter ISM France.
ISM France - Archives 2001-2021

Imprimer cet article Envoyer cet article
Article lu 1831 fois

Naplouse -

Aujourd’hui, je suis allée à Deir Ibzya, de l’autre côté de la montagne

Par

Aujourd’hui, j’ai quitté Naplouse. Ce fut difficile de partir. C’est toujours difficile de quitter un endroit où vous avez vécu pendant trois mois. Ma tête était pleine de pensées de chez-moi, une terre sans postes de contrôle, sans barrages.

Il n’y a pas de HUWARRA ou de QALANDIA en Grande-Bretagne, pas de routes réservées aux colons, pas de colonies réservées aux juifs. Petit à petit, je me mis à penser à conduire ma voiture, planifier le voyage à faire lorsque je rendrai visite à mes amis à mon retour.

Aujourd’hui, je suis allée à Deir Ibzya, un petit village à l’est de Ramallah, pour visiter des amis avant de rentrer en Grande-Bretagne. Le voyage fut long et ardu puisque le taxi collectif a dû passer par de petites routes afin d’éviter des postes de contrôle inattendus, entre Naplouse et Ramallah. Il y avait de la poussière dans l’air, mes vêtements en étaient couverts et cela piquait mes yeux. J’avais soif.
J’avais hâte de voir mes amis. J’avais chaud après avoir marché entre les barrages de Surda entre Ramallah et Bir Zeit mais au moins j’ai été autorisée à passer. Un privilège accordé, comme pour plusieurs ici, grâce à mon passeport étranger. Je me sentis coupable d’avoir pu passer alors qu’une centaine de personnes restait là, à attendre de pouvoir passer, pendant que des soldats tiraient en l'air, et lançaient des gaz lacrymogènes. Leur façon à eux de dire aux Palestiniens qu’ils doivent partir.

Aujourd’hui, j’ai acheté un gâteau au chocolat à Ramallah, pour mes amis. J’avais peur qu’il soit endommagé par la course en taxi et les barrages que je devais traverser de Ramallah à Deir Ibzya, alors j’ai pris le gâteau le moins sophistiqué (mais le plus chocolaté) du magasin. Lorsque j’ai dit au chauffeur du taxi collectif où je voulais aller, il a ri. À ce moment là, je ne savais pas pourquoi. Maintenant, je sais.

Aujourd’hui, on m’a empêchée de me rendre chez mon amie, à Deir Ibzya alors que je m’y suis rendue plusieurs fois, via la même route. Lorsque je suis arrivée au barrage, qui me sont devenus familiers après de nombreuses visites, plusieurs personnes attendaient, comme à Surda. Les forces d’occupation israéliennes y étaient aussi. J’ai commencé à marcher dans leur direction, en regardant sans cesse si je ne pouvais pas voir mon amie comme j’ai alors réalisé que c’était l’heure à laquelle elle devrait être entrain d’essayer de rentrer chez elle après l’école. Elle a déboulé devant moi avec une expression de colère sur le visage. Les soldats refusaient de laisser passer qui que ce soit, elle attendait depuis une heure. Nous nous approchâmes ensemble des soldats qui crièrent en hébreu avant même que nous eussions ouvert la bouche. Mon bras enchaîné au sien, nous nous dressâmes, refusant de partir.

« Je veux simplement rentrer chez moi, à Deir Ibzya », indiqua Nadia.
« Non, repartez, vous ne pouvez pas passer », déclara l’homme anonyme dans son uniforme vert. « Et vous ? », continua-t-il en regardant dans ma direction.

« J’allais lui rendre visite, c’est une amie », affirmais-je avec assurance.
« Elle n’est pas ton amie », annonça le soldat avec la plus grande confiance. « Tu l’as simplement rencontrée à ce barrage et elle t’utilise pour essayer de passer. Vous ne pouvez pas passer. »
Aujourd’hui, j’ai essayé de négocier pendant une heure. Je voulais aller à Deir Ibzya. Je croyais que cela était mon droit et qui étaient ces jeunes hommes, pas plus vieux que moi, pour me dire que je ne pouvais pas passer ! Et qui étais-je pour respecter leur autorité ? Ils n’ont pas d’autorité légitime ici, seulement une autorité construite sur la violence et la peur. En plus maintenant, mon amie était avec moi et elle devait se rendre chez elle. J’ai demandé au soldat qu’étant donné que je ne pouvais pas passer, où devais-je dormir. Il me répondit simplement : Ramallah.

« Mais je ne connais personne à Ramallah», lui répondis-je. Sa réponse fut un haussement d’épaule et un « pas mon problème ». J’ai demandé à nouveau où étais-je supposée dormir à Ramallah.

« Tu peux dormir à la Muqata avec Arafat ; il aime bien les internationaux ! » C’était la réponse d’un autre soldat.

Aujourd’hui, les soldats m’ont tellement mise en colère que j’aurais souhaité prendre leur arme de leur main et tirer sur eux. Je voulais qu’ils se tiennent debout face à un tas de terre sur la route. Je voulais leur dire qu’ils ne pouvaient pas passer. Je voulais qu’ils souffrent comme tous ces gens qui attendent maintenant avec moi, ces gens qui, comme moi, attendent impatiemment le moment où ils pourront poser leur tête sur un oreiller et dormir cette nuit. J’indiquai aux soldats que c’était contre la loi internationale d’interdire la liberté de mouvements, d’empêcher les gens de rentrer chez eux.

« Quelle loi internationale ? » C’était leur réponse toute faite et informelle.
« Celle des Nations Unies, la Quatrième Convention de Genève dont Israël est à la fois signataire et parti. Et vous savez pourquoi ces lois furent dictées : pour empêcher qu’il y ait à nouveau de graves violations des droits de l’homme après l’Holocauste, dans lequel, j’en suis certaine, des membres de vos familles tout comme de ma famille périrent », répliquais-je.

« Qu’est-ce que tu connais de l’international quoique ce soit ! », dit, d’un ton culotté, une voix de l’autre côté du tas de terre.
« Il se trouve que j’ai un diplôme en politique internationale. » Ce fût la seule chose que je trouvais à dire pour lui prouver que je connaissais quelques brides de l’occupation dont j’étais témoin.

Aujourd’hui, on m’a dit « d’aller me faire foutre ». Je fus surprise de parvenir à me maîtriser, à m’interdire de répliquer en de tels termes.
« Parlez-vous à toutes les femmes de cette façon ? », m’informais-je comme si je le suppliais de ne plus utiliser un tel langage avec moi.
« Oui, elles adorent ça ! » Ce fut sa réponse sexiste et chauvine.
Aujourd’hui, on m’a traitée de menteuse. Les soldats ne croyaient pas que leur armée tuait d’innocents Palestiniens, des enfants, des femmes, des vieillards, des gens malades ; impossible, voilà ce qu’ils voulaient croire. Ils vivent dans leur tête afin de ne pas voir l’horrible réalité de leur occupation. Aujourd’hui, on m’a traitée de menteuse parce que les soldats n’ont pas cru que Nadia était une amie. « Vous ne pouvez pas croire qu’une juive et une Palestinienne peuvent être amies ? », ai-je demandé. Je n’ai pas eu de réponse. J’ai peur que la réponse soit oui.

J’ai peur que ces soldats qui se tenaient devant moi voient les choses à travers un prisme définissant tout selon des fondements religieux et ethniques.

« Montrez-moi votre passeport ? », demanda le commandant.
« Pourquoi ? », répondis-je.
« Parce que je veux voir où il est mentionné que vous êtes juive », continua-t-il.
« Ma religion n’est pas indiquée sur mon passeport. » Ce fut la seule chose que je pus répondre à une question aussi stupide. Mais peut-être – et c’est là ce qui est alarmant – n’était-ce pas une question si stupide si vous êtes Israélien et que vous venez d’un pays qui définit vos droits en les basant sur la religion (de l’eau que vous buvez et de la terre que vous cultivez au fait que vous ayez ou non à vous tenir debout devant un tas de terre et à dicter aux gens leur vie). Je viens d’un pays qui, malgré les erreurs qu’il commet – et il y en a beaucoup – ne catégorise pas les gens par le biais d’identification journalière, en lien avec des dictats religieux.

« Si vous êtes juive, nous pouvons appeler la police et ils vous arrêteront », m’informa un autre jeune homme habillé en vert avec une arme jetée sur ses épaules.

« Non, cela s’applique aux Israéliens. Vous ne pouvez m’arrêter simplement parce que je suis une juive en Palestine », dis-je, essayant de ne pas rire tant la situation dans laquelle je me trouvais était absurde.

« Ceci n’est pas la Palestine, c’est Israël », déclara un autre adolescent en vert, son arme suspendue.
« Ceci est la Palestine ! Je suis Palestinienne ! Je veux rentrer chez moi. Laissez-moi rentrer chez moi. Pourquoi ne retournez-vous pas chez vous ? », s’exclama Nadia avec la passion de toute la Palestine et la douleur de l’occupation.
« Vous êtes une Palestinienne en Israël », fut la réponse.

Aujourd’hui, j’ai su qu’il était temps pour moi de rentrer à la maison, même si ce n’était que pour peu de temps. Aujourd’hui, la douleur de l’occupation fut clairement révélée. Aujourd’hui fut un résumé des derniers trois mois ici. Aujourd’hui, le frivole abandon, avec lequel certains dirigent la vie d’autres personnes sur des aspects si simples mais si importants, fut exposé lors d’un seul moment, près d’un tas de terre. Aujourd’hui, ma lutte pour une Palestine libre a dix fois grandi.

Aujourd’hui je me suis rendue à Deir Ibzya, de l’autre côté de la montagne en suivant la piste de chèvres.

Polly [UK/New Zealand]
Palestine: +972 67 958 817
UK: +44 7748 76 78 47

« Par la violence, vous assassinez ceux qui haïssent, mais vous n’assassinez pas la haine. »
Martin Luther King Jr.

Faire un don

Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.

Oui ! Je soutiens ISM-France.


Contacter ISM France

contact@ism-france.org

Suivre ISM France

S'abonner à ISMFRANCE sur Twitter RSS

Avertissement

L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.

Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.

D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

A lire également...
Même lieu

Naplouse

Même sujet

Colonies

Même date

9 octobre 2003