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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Des nouvelles de Rafah

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Dix tanks positionnés juste devant l'hôpital européen de Gaza, le seul hôpital correct au sud de la ville de Gaza, ont coupé la principale route reliant Rafah à Khan Younis, ville située juste au nord de Rafah, et la route est fermée depuis plusieurs jours. Rafah ne peut être approvisionnée, il manque actuellement plein de choses, des médicaments, des produits de première nécessité....

Le jour de Kippour ( plus précisément le 6 octobre ) le jour le plus sacré dans le calendrier juif, le jour du Grand Pardon, ou chacun doit cesser le travail et prier pour demander l'indulgence divine, l'armée a commencé à construire un nouveau point de contrôle permanent à Gaza, divisant la bande en une nouvelle tranche. Dix tanks positionnés juste devant l'hôpital européen de Gaza, le seul hôpital correct au sud de la ville de Gaza, ont coupé la principale route reliant Rafah à Khan Younis, ville située juste au nord de Rafah, et la route est fermée depuis plusieurs jours. Rafah ne peut être approvisionnée, il manque actuellement plein de choses, des médicaments, des produits de première nécessité, et impossible d'encaisser des chèques. Les personnes qui étudient ou travaillent à Gaza ou Khan Younis n'ont pu se rendre au travail ou à l'université depuis plusieurs jours. Cela me fait penser au lycée quand la neige et la glace paralysent la ville. Au dessus de notre appartement, Rasha ne peut cacher son petit soulagement du fait de la suspension de ses études. Je me demande s'il n'y a pas une relation entre ce soulagement et le fait d'être soustraite à la pression d'avoir à passer les points de contrôle. Il y a une semaine, avant ce bouclage, elle avait passé un jour cinq heures à attendre que le point de contrôle d'Abu Holi ouvre pour qu'elle puisse rentrer à la maison, et le jour suivant il a été fermé toute la nuit, l'obligeant à dormir chez une amie de sa sœur à Gaza, après avoir attendu dans la chaleur dans un taxi, en ligne, avec des centaines d'autres véhicules, que le point de contrôle soit ouvert. Je compare nos mondes, comme des univers parallèles, lorgnant l'un sur l'autre de chaque côté du miroir.

Quand les tanks coupent la route principale, les personnes qui essaient de rentrer chez elles utilisent le chemin qui longe la plage, mais là aussi les tanks le coupent, tirant sans cesse, avec les bulldozers qui suivent détruisant tout sur leur passage aux alentours de la colonie de Morag, principalement des oliviers. Ils continuent encore de démolir. Ils ont également commencer à construire quelque chose, certains disent que c'est un nouveau point de contrôle comme celui d'Abu Holi. Personne ne sait vraiment, pas même les organisations humanitaires qui ne s'y hasardent pas, personne ne se risque à approcher l'endroit car les tanks tirent sur toute personne qui s'approche. Personne n'a osé s'approcher depuis le premier jour de l'incursion, quand l'armée a envahi sans prévenir, prenant tout le monde par surprise alors qu'ils se rendaient ou revenaient du travail. Ils ont blessé quatre personnes dont un médecin qui a été touché à la tête et est dans un état critique à l'hôpital européen de Gaza ou il avait l'habitude de travailler. En plus, Rafah compte un nouveau martyr, Said Abu Azzum, 26 ans, qui a été tué d'une balle dans le cœur alors qu'il se rendait avec sa femme et leurs deux fils à Khan Younis, simple déplacement de routine, sans savoir ce qui se passait à quelques mètres plus loin sur la route. Il n'avait ni travail, ni argent, ni maison et laisse maintenant une jeune femme de 21 ans, un enfant de 6 ans et un autre de 4 ans qui ne savent pas où aller. Ils n'ont même pas pu recevoir les condoléances dans la maison de sa sœur ou le jeune homme avait l'habitude de séjourner, car c'est près de la frontière et trop petit pour recevoir les visiteurs. Aussi ils ont reçu les visites dans la maison de son cousin à Shabura parce que là les personnes n'avaient pas peur de venir présenter leurs condoléances.

Quand je suis venue le troisième jour sa mère était en colère. Elle dit " où est votre caméra, où sont les journalistes". Pas une seule personne des médias n'était venu la photographier. J'étais embarrassée. Je n'avais pas amené ma caméra pensant que c'était irrespectueux d'amener des journalistes à la veillée post-mortuaire. Elle dit " si vous écrivez, au moins notez dans votre carnet que je peux voir que Sharon et Bush ont assassiné mon fils de leurs bureaux".Le même jour que Said Abu Azzum a été tué, la plus âgée des sœurs de Mohammed Wisam rentrait à la maison de l'hôpital européen de Gaza où elle travaille comme infirmière, quand elle a entendu dire que l'armée israélienne avait coupé la route, et son taxi comme les autres taxis se sont dirigés vers le chemin le long de la côte, pour contourner les tanks, mais ils n'ont pas été assez rapides. Des tanks sont apparus sur la route alors qu'ils traversaient pour rejoindre Rafah, tirant à l'aveuglette, et c'est là que des personnes ont été tuées et blessées alors qu'elles sortaient de leurs voitures pour s'abriter des tirs. Wisam faisait partie d'un groupe de femmes qui ont marché ensemble alors que les hommes étaient déjà partis, en tenant un chiffon blanc en signe de reddition et de paix. Les tanks leur ont quand même tiré dessus. ( Est ce là la façon adéquate de raconter cette histoire? les mots sont si terribles ).Elles se sont jetées par terre dans le sable, restant ainsi pendant une demi heure alors qu'un tank allait et venait tout près d'elles, à un mètre d'elles, ces abominables salauds, avant de s'en aller. Wisam n'a pas marché jusqu'à Rafah, elle a couru, pieds nus ayant laissé ses sandales quelque part par terre, et est arrivée chez elle, sa abaya déchirée, avec le gant noir d'une femme qu'elle ne connaissait pas, et qu'elle avait récupéré elle ne savait trop comment, y retrouva sa famille et pleura pendant des heures. Elle dit qu'elle ne retournerait jamais travailler. La route est fermée de toute façon, donc pour le moment il n'est pas question d'y retourner. Elle prend du repos dans sa famille, à Tel Zorrob, plus éloigné de la frontière que la route principale, mais pas suffisamment pour empêcher que le troisième étage de leur immeuble ne puissent pas être vu du mirador de Zorrob avec ses tireurs d'élite , ce qui les empêche en fait d'utiliser la cuisine et une chambre. Ils tirent du mirador le jour et la nuit. ils nous ont tiré dessus alors que nous étions en train de manger du kabbab dans la salle à manger, et comme Wisam m'emmenait d'une pièce à l'autre de sa maison, pour me montrer la finesse de ses meubles, elle me dit : " hier, je n'ai pu m'empêcher de penser à ton amie Rachel; je pensais que j'allai subir le même sort".

Ainsi va la vie. Il n'y a personne à Rafah, qui ne se ressente pas des effets du blocus. Feryal se demande ou elle ira, si la route est bloquée, pour donner naissance à son cinquième enfant, qui bouge dans son ventre au neuvième mois de sa grossesse. Quand je leur ai rendu visite, sa fille Rula m'a dit : " ils ont fermé la route, que pouvons nous faire? nous voulons voir le monde, nous voulons respirer l'air frais, nous ne pouvons aller nul part, nous sommes palestiniens". Rula a sept ans. A son frère aîné, Mohammed, qui a onze ans, l'école lui a demandé de dessiner quelque chose en relation avec les droits de l'homme. Il a dessiné le monde avec un homme armé serrant la main d'un personnage désarmé. Il me dit que le personnage armé c'est l'Amérique, et celui qui est désarmé, Israël. La Palestine est un nuage dont s'échappe une pluie d'éclairs de colère qui pleut tombent dessus, séparée, seule, exclue de la conversation, incapable de tenir quoique ce soit si ce n'est sa propre flamme et ses pleurs.

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