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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Dommages psychologiques profonds à Gaza

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Les rues allant du centre de réhabilitation Wafa sérieusement endommagé à Shejaiyeh étaient remplies d'immondices noirs sentant les eaux usées. L'hôpital -attaqué le 12 janvier par une bombe chimique qui pourrait bien être du phosphore blanc et qui a mis le feu à la toiture, et dont quatre différents bâtiments ont été intensément bombardés le 15 janvier- est en train d'essayer de se reconstruire et de rouvrir, comme l'hôpital Al-Quds, bombardé, brûlé, sérieusement endommagé dans le quartier Tel al -Hawa à Gaza ville.

Dommages psychologiques profonds à Gaza


Graffiti laissé par les soldats israéliens dans une maison qu'ils ont occupée à Ezbet Abed Rabu, à l'est de Jabaliya

Même aujourd'hui, après avoir mentionné à l'équipe de TV canadienne qui m'accompagnait que les boules de feu ont brûlé jusqu'à hier, nous avons trouvé encore des pâtés étalés, se consummant lentement et de se remettant à brûler facilement, avec de nouvelles fumées blanches. J'ai assez souvent vu cela maintenant. Ca les a impressionnés, surtout que cela fait maintenant huit jours qu'ils sont là et que les pâtés sont toujours en train de mijoter, brûlant lentement, prêts à s'enflammer.

L'équipe du Croissant Rouge du nord de Gaza a rejoint la station Ezbet Abed Rabu, pour couper des bandes de plastique transparent qui serviront ensuite à remplacer les vitres des fenêtres, soufflées par les bombardements sur et autour des maisons. C'est la première étape pour soulager immédiatement du froid. Pour les sans abris, cependant, je ne sais pas ce qui leur sera donné, ou si des tentes sont disponibles.

Dans les quelques heures suivantes, j'ai pu rencontrer une autre famille élargie, recueillir leurs témoignages qui incluent le bombardement de leur maison, les feux de phosphore, les dessins sadiques laissés derrière eux par les soldats israéliens occupant la maison, l'emprisonnement des parents âgés pendant quatre jours sans nourriture, sans eau, ni toilettes, ni médicaments, et la tuerie de leurs moutons et de leurs chèvres. La mère était terrifiée, et m'a remerciée dans un flot de paroles effrayées mélangées avec des mots de remerciements pour l'avoir écoutée. « Nous avons vu des choses terribles, des choses terribles, » dit-elle. « Ils sont venus trois fois, et c'était bien pire à chaque fois. J'ai vu des corps dans les rues. Nous sommes juste un vieil homme et une vieille femme ; pourquoi nous ont-ils fait ça ? » Les médicaments et l'insuline qu'elle devait prendre étaient à terre dans la poussière, où ils ont été jetés par les soldats qui ont enfermé le couple dans une pièce de la maison de leur fils. Le vieil homme a sorti un inhalateur de sa poche de poitrine, disant que cela aussi lui a été refusé pendant son emprisonnement.

Je suis aussi retournée à la maison de mes amis pour prendre le témoignage d'Abu N. au sujet duquel j'étais très inquiète. Il y a deux jours, quand je l'ai revu pour la première fois, après presque trois semaines à me demander s'il était encore en vie, il était pâle, jaunâtre, nerveux et paraissait vaincu. Hier aussi, il semblait faible, loin du vieil homme fier qu'il était avant. Aujourd'hui, j'ai été contente de le voir davantage redevenir lui-même, en dépit de son épreuve, en dépit du meurtre de sa femme. Lui et un de ses fils riaient tout bas alors qu'ils rivalisaient pour faire la conversation, son anglais revenant seulement par bribes mais sa détermination à le pratiquer revenant par vagues. Voir les deux hommes, tellement écrasés par la perte de Oum N., revenir à la vie était stimulant.

Brusquement, je les ai quittés avant le repas, bien qu'ils aient tous insisté pour que je reste. Normalement, je ne devais pas le refuser, en particulier après qu'ils aient juste commencé à remettre leur maison dans un état moins désastreux : les matières fécales ont été nettoyées là où les soldats d'occupation les ont répandues, partout dans la maison ; les sacs dégoûtants des soldats ont été enlevés ; les vêtements souillés par les soldats rassemblés, empaquetés et brûlés ; et toute la vaisselle brisée enlevée. C'est plus dépouillé, et il y a tellement de nouveaux trous à cause des balles et des obus de chars. L'indescriptible, terrible puanteur subsiste encore, celle d'une armée qui a occupé la maison pendant deux semaines et a laissé de la merde et des odeurs infectes inconnues dans la maison. C'est une puanteur que j'ai sentie dans d'autres maisons de la zone occupée par l'armée. Mais même si j'étais très heureuse qu'ils aient fait assez de progrès pour cuisiner dans leur cuisine et jouir de l'hospitalité qu'ils aiment, je devais partir, pour avoir du temps pour visiter la famille d'Arafa.

Quatorze jours après son meurtre, la famille était enfin capable de commencer les trois jours de deuil. Je leur ai rendu visite le dernier jour, ignorant jusqu'à aujourd'hui ce qui était arrivé. J'ai trouvé sa veuve comme je m'y attendais, pleurant douloureusement et se lamentant sur la perte d'un homme gentil, bon mari et père aimant.

Après avoir vu des corps à différents stades de blessure, proches de la mort, et sauvagement tués, je me suis rendue compte que je pouvais enfin pleurer. Pendant les horreurs du bombardement continuel d'Israël, je suis devenue étonnamment imperméable au choc ou à la peur du bruit ou à la notion d'être touchée, et même de la mort. Mais juste en regardant dans les yeux de la veuve d'Arafa, en voyant sa peine et en me souvenant de ma propre douleur de l'avoir perdu, mes émotions se sont révélées toujours intactes, signifiant que beaucoup vont refaire surface plus tard, dans des temps plus tranquilles.

Et cette prise de conscience conduit à la prise de conscience suivante que beaucoup de Palestiniens n'ont pas réellement les moyens de s'adresser [à quelqu'un] : leur douleur et leurs frayeurs psychologiques -particulièrement alors que beaucoup ont enduré des invasions répétées, ainsi que d'autres dommages émotionnels tels que vivre sous occupation militaire, être emprisonné ou avoir des membres de sa famille emprisonnés, et vivre sous un siège et dans des frontières fermées, pour n'en citer que quelques-uns.

Abdallah, un des petits-enfants d'Abu N., pleure presque tout le temps où je le vois maintenant. Il était un petit bout effronté de six ans quand je l'ai rencontré pour la première fois il y a deux mois. Maintenant il semble bloqué dans ses souvenirs d'explosions de bombes et de bruits de drones. Les drones que je peux identifier : même maintenant, près de minuit le 20 janvier, deux jours après le cessez-le-feu, les drones tournoient. Le bruit très distinct que les drones font ici n'est pas un bruit que je peux dissocier des trois semaines de bombardements précis et de mort qui les ont accompagnés. Et très probablement Abdallah ne bénéficiera d'aucune sorte de thérapie pour cela, même si sa famille est compatissante, et il devra porter ce bagage avec son futur bagage, comme la majorité d'entre eux ici.

Les aspects les plus visibles de cette guerre sur Gaza sont ces cratères massifs, les maisons et immeubles démolis dans toutes les directions, dans chaque ville et village, les entrepôts brûlés et les boutiques et les salles d'hôpital et les écoles et les voitures, et les membres amputés, les peaux brûlées, les feux encore fumants.

Mais ces blessures émotionnelles très profondes sont ce qui va handicaper la société bien plus que les dommages physiques.

Source : Electronic Initifada

Traduction : MM pour ISM

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