Gaza - 23 janvier 2009

Jeudi 22 janvier - Entrée à Gaza, enfin !

Par MG, ISM-France

Mercredi à 15h, alors nous avions presque perdu tout espoir d’entrer à Gaza, nous avons reçu un appel téléphonique nous demandant de venir tout de suite au passage de Rafah : Les portes étaient enfin ouvertes aux journalistes ! Que s’est-il passé ? Nul ne le sait mais tous les journalistes en possession des nombreux documents exigés par les autorités égyptiennes ont pu entrer dans Gaza. ENFIN ! Certains attendaient depuis 11 jours !

Dans le terminal, je retrouve un certain nombre des journalistes avec qui j’avais passé plusieurs jours d’attente. Il y a également le Consul de France qui accompagne une nouvelle délégation d’élus français et des représentants d’associations de soutien aux palestiniens. Honnêtement, je me dois de saluer le travail exceptionnel de l’Ambassade de France du Caire qui a permis aux nombreux français d’entrer dans Gaza.

A notre arrivée dans le terminal gazaoui, on peut ressentir le bonheur de tout le monde, aussi bien celui des arrivants que celui des douaniers palestiniens qui nous souhaitent la bienvenue tout en effectuant les formalités d’entrée.

A la sortie du terminal, le Sheik Hussein, mon hôte, doit signer auprès des autorités un engagement par lequel il se porte responsable de ma sécurité.

Juste avant de rentrer chez lui, nous passons par la maison du maire de Rafah où de nombreux étrangers sont présents dont une délégation qatari qui propose de construire un nouvel hôpital dans Rafah.

Hier matin à 7h, nous avons été réveillés par des bombardements, pourtant je croyais qu’Israël avait déclaré un couvre-feu unilatéral.
Nous nous précipitons pour écouter les informations : dans le quartier d’Al Zaitoun, Israël a visé la maison de la famille Samouni, une famille de fermiers, où se trouvaient 23 personnes à l’intérieur.
Dans le bombardement, 10 maisons ont été détruites, plus de 30 personnes ont été tuées et 39 autres ont été blessés.

Comme dans la plupart des cas, il n’y avait aucun combattant, ni membre du Hamas.

On m’emmène faire un tour dans Rafah pour que je puisse constater les destructions : un jardin d’enfants, un marche, un poste de police, une salle des fêtes, une mosquée, des immeubles : tout n’est que décombres (photo ci-dessus)

Il n’y a pas une rue où il n’y a pas un bâtiment éventré, un autre incendié, des vêtements accrochés aux arbres, des plaques de béton en équilibre, des lignes électriques jonchant le sol, des tuyaux arrachés. On se demande quel type de bombes a été utilisé pour faire tout ces dégâts. Au moins des bombes d’une tonne ! Ici, plus d’une centaine de personnes ont été tuées, leurs corps ont été retirés des gravats.

Je rencontre des miraculés, une famille qui est sortie de l’immeuble quelques minutes avant l’attaque mais ils n’ont plus rien. Le jour, ils vivent dans la rue et le soir, ils vont dormir, entassés chez des proches, là où ils peuvent.

Dans les décombres des immeubles, les rescapés recherchent ce qui est récupérable. Ahmed, un jeune garçon de 6 ans, est heureux, il vient de retrouver l’un de ses livres. Son frère retrouve son matelas. C’est un vrai désastre.

Nous partons à l’hopital As-Shifah à Gaza à qui je dois remettre des médicaments que m’ont confiés des militants égyptiens. En passant devant le bâtiment du Croissant Rouge, nous voyons une ambulance qui a été bombardée. Une autre est garée juste devant l’hôpital.

Maintenant la nuit est tombée mais nous décidons quand même de filer jusqu’à Jabalia.

Là, nous restons tous sans voix : Aucun d’entre nous, mes 4 amis palestiniens et moi, n’avions vu une telle destruction. Des images de fin du monde. Il ne reste que quelques bâtiments. Le reste est rasé à même le sol. Il n’y a évidemment pas d’électricité, les routes sont à peine praticables en raison des gravats. Les lignes électriques sont tombées au sol.

Nous pouvons sentir l’odeur de la mort. Il est certain que de nombreux cadavres sont encore sous ces décombres.

Nous voyons quelques groupes de personnes assises autour d’un feu au pied de l’un des rares immeubles non touchés. Nous croisons quelques carrioles tirées par des ânes chargées de bois pour le feu. Tous ces gens vont sans doute encore passer une nuit dehors.

Il n’y a aucun appartement de libre dans Gaza et les maisons de leurs familles sont déjà remplies de sans-abri.

Il n’y a pas de mots pour décrire ce que nous voyons. Sur le chemin de notre retour vers Rafah, nous resterons tous silencieux.

Quelques chiffres communiqués par les Palestiniens :

- Pertes israéliennes de l'armée d'occupation
49 morts par des roquettes tirées sur des camps militaires
13 tués au combat

- Pertes de la résistance palestinienne
48 morts du Hamas
32 du Jihad Islamique

Tous les autres morts sont des civils palestiniens.