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ISM France - Archives 2001-2021

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Salfit -

Il y a 59 ans : Deir Yassine

Par

Anna Baltzer, militante de International Women’s Peace Service en Cisjordanie, est l'auteur du livre : "Témoin en Palestine : Journal d'une juive américaine dans les Territoires occupés".

Non seulement les massacres et les expulsions du passé n'ont jamais ont officiellement reconnus, mais la Nakba continue aujourd'hui sous une forme ou une autre pour tous les réfugiés palestiniens, que ce soit en Israel, en Cisjordanie, à Gaza, ou dans la Diaspora.
Ce n'est pas de l'histoire ancienne, cela se passe maintenant et c'est URGENT.
La Nakba continue. Deir Yassin continue

Il y a 59 ans : Deir Yassine


Photo Anna : La ville d'Um El Fahim, en Palestine 48, abrite 48.000 citoyens Palestiniens de 48, en grande partie des réfugiés internes à qui Israël refuse des services publics identiques à ceux des Juifs ou le droit de revenir dans leurs maisons.

Il y a 59 ans ce mois-ci, l'Irgun sioniste militant et le Gang Stern ont systématiquement assassiné plus de 100 hommes, femmes, et enfants à Deir Yassine.

Le village palestinien est situé à l'extérieur du secteur recommandé par l'ONU pour faire partie du futur Etat Juif, et le massacre a eu lieu plusieurs semaines avant la fin du Mandat Britannique.

Mais, il faisait partie d'un processus soigneusement planifié et orchestré qui provoquerait la fuite de 70% de la population autochtone afin de préparer le terrain à un Etat éthniquement Juif.

Deir Yassine n'était que l'un des plus de 400 villages palestiniens qui ont été dépeuplés et détruits par les Forces juives en 1948 (ou peu avant et après).

J'ai récemment visité les ruines d'un village palestinien appelé Kafrayn en Palestine 48 lors d'une excursion avec Zochrot, "un groupe de citoyens israéliens (juifs et palestiniens) qui travaillent à faire prendre conscience de la Nakba, la Catastrophe palestinienne de 1948."

Notre groupe s'est réuni dans la maison d'Adnan, un réfugié d'un autre village appelé Lajjun qui vit maintenant dans la ville d'Um El Fahim en Israël. Adnan, un homme bien-habillé d'une soixantaine d'années, nous a accueilli dans sa salle de séjour quand nous avons demandé à écouter son histoire.

Son fils adulte a apporté des fraises fraîchement cueillies et des chocolats avant de s'asseoir pour traduire le témoignage de son père :

"Je me souviens Lajjun comme dans un rêve. J'avais seulement 7 ans quand des hommes armés sont venus, mais je me souviens toujours de certaines choses tellement clairement. Je me souviens de mon école et du nom de mon professeur.

Je me souviens que nous avions un centre social pour les visiteurs et le village était très excité parce qu'un ambassadeur anglais devait venir en visite. Nous avons travaillé pendant des semaines à rénover les grands jardins dans ce but.

Je me souviens que notre village avait une source et une réseau d'alimentation en eau sophistiqué. Israël a réussi à convaincre le monde que les Palestiniens étaient primitifs et incultes jusqu'à l'arrivée des Sionistes, mais c'est de la propagande.

Nous avions même développé des outils agricoles comme des camions pour retourner le maïs. Nous étions instruits et nous avions de bonnes relations avec nos voisins juifs vivant dans un kibbutz situé à plusieurs kilomètres de distance.

Puis, les soldats sont venus. Je me souviens qu'ils ont tiré depuis le sommet d'une colline et que des balles sifflaient au-dessus de ma tête alors que nous courrions.

Nous nous sommes enfuis vers une ville appelée Taybi, sans rien prendre avec nous - nous n'avions pas le temps, et nous supposions que nous reviendrions après la fin de la guerre.

A Taybi, nous avons dû emprunter des tentes pour vivre à l'intérieur. Par la suite, nous sommes partis pour Um El Fahim avec des milliers d'autres réfugiés, et nous sommes restés ici depuis.

Notre village avait 44.000 dunums de champs (4.400 hectares) et ils nous ont tout pris. Nous sommes des citoyens d'Israël, mais nous n'avons jamais été autorisés à retourner sur nos terres et dans nos maisons. Nous sommes des réfugiés dans notre propre Etat."

"Entre 1948 et 1966, les Palestiniens en Israël vivaient dans les mêmes conditions que vivent les Palestiniens maintenant en Cisjordanie et à Gaza. Nous étions des prisonniers dans nos maisons à Um El Fahim, sous couvre-feu constant, contrôlés par des checkpointse, etc.

Bien que certaines restrictions aient été levées, en tant que non-juifs, on nous refuse toujours plus de 93% des terres en Israël qui appartiennent à l'Etat ou au Fonds National Juif. Cela inclut ma terre, mon village. Ils l'ont entourée d'une barrière et ils ne nous autorisent même pas à aller prier dans la mosquée, l'une des seules structures toujours debout.

La mosquée appartient maintenant au kibbutz le plus proche, donc les kibbutzniks juifs peuvent y aller quand ils veulent."

"Comment Israël peut-il se qualifier de démocratie quand je ne peux pas aller sur mes terres seulement parce que j'appartiens à une ethnie différente de mes anciens voisins juifs ?

Quel genre de démocratie est-ce quand les partis politiques ne peuvent pas remettre en cause le cadre d'exclusivité Sioniste, mais qu'ils peuvent remettre en cause le droit à rester ici de la population autochtone ?

Le ministre israélien des Affaires Stratégiques, Avigdor Lieberman, est venu de Russie il y a quelques années, et maintenant il parle d'expulser les Palestiniens, nous qui vivons ici depuis des centaines voire des milliers d'années !

Les Juifs savent ce que sont la catastrophe et la souffrance. Ils travaillent pour la justice dans leurs propres vies… mais pourquoi pas pour moi ?"

Presque tous les habitants d'Um El Fahim sont des réfugiés internes de 1948 comme Adnan. Ils vivent en tant que citoyens de deuxième-classe, ils ont droit à moins de services publics que leurs contre-parties juives.

Israël dépense une moyenne de 4.935 shekels (900 Euros) par an pour chaque étudiant juif, contre 862 shekels (157 Euros) pour un étudiant Arabe.

Comme le dit le parlementaire israélien, Jamal Zahalka, "Israël est un Etat démocratique pour ses citoyens juifs, et un Etat juif pour ses citoyens Arabes."

Plusieurs anciens habitants d'Um El Fahim nous ont accompagnés jusqu'à Kafrayn. C'était étrange de conduire un bus à la recherche d'un village qui n'existe plus.

Avant d'arriver à Kafrayn, un vieux Palestinien appelé Muneeb s'est levé d'un bond et a commencé à faire des signes par la fenêtre : "C'est lui ! C'est mon village !"

J'ai tourné la tête pour voir plusieurs collines couvertes d'arbres. Comme tant d'autres, le village de Muneeb (près de Kafrayn) avait été vidé de ses habitants Palestiniens, puis il a été recouvert de pins de Jérusalem à croissance rapide par les Sionistes qui se vanteront plus tard "d'avoir fait fleurir le désert".

Muneeb a montré du doigt avec enthousiasme une partie de la colline : "C'est par là que je me rendais à l'école ! Et c'est là où nous allions chercher l'eau ! Et c'est là où était ma maison …"

Soudain, la voix de Muneeb s'est brisée et il a regardé vers le bas, embarrassé. "Je n'aurais pas dû venir ici aujourd'hui", a-t'il admis après avoir retrouvé son calme.
"C'est trop émouvant. Vous étiez ici il y a des milliers d'années et votre terre vous manque," a-t'il dit aux juifs de notre groupe, "J'étais ici il y a cinquante ans et ma terre me manque."

Ce qui m'a le plus frappé dans notre visite, c'est le fait que tout était vide. Personne ne vit dans des villages de Muneeb ou d'Adnan, ou dans les villages voisins. Leurs villages ont été transformés en forêts, en bases militaires et en terres à pâturages contrôlées par des kibbutzim situés parfois à de nombreux kilomètres.

Un Israélien m'a expliqué qu'Israël développe de grands projets de terres pour maintenir son contrôle sur des secteurs vides où il ne veut pas que les Palestiniens s'installent.

Quand nous sommes arrivés à Kafrayn, nous avons trouvé plusieurs secteurs vides clôturés.
L'un avait une pancarte "Bienvenue à la base militaire 105".
Un autre portait l'inscription : "Danger : Zone de Tir - Entrée Interdite !"
Une troisième pancarte disait : "Terre à Pâturage."

"Donc, ils laissent les vaches vivre ici, mais pas les Arabes ?" ai-je demandé à mon nouvel ami.

"Les vaches n'ont pas d'aspirations nationalistes," a-il répondu en souriant. "En outre, vois-tu des vaches dans le coin ?"

Il avait raison : il n'y avait aucune vache ni soldats dans le secteur.

Une idée fausse très répandue au sujet du droit au retour des réfugiés palestiniens est que sa mise en place créerait une nouvelle crise de réfugiés par le déplacement de la majorité des Israéliens.

En fait, selon Dr. Salman Abu Sitta, un ancien membre du Conseil National de Palestine et chercheur sur le cas des réfugiés : "78% (des Israéliens juifs) vivent sur 14% d'Israël.
Les 22% restants (des Israéliens juifs) vivent sur 86% du territoire d'Israël, qui est la terre palestinienne
.
La plupart d'entre eux vivent dans à peu près une dizaine de villes palestiniennes. Une toute petite minorité vit dans des Kibbutz… "

Donc, seuls 200.000 Juifs exploitent 17.325 kilomètres carrés, qui est la maison et l'héritage des 5.248.180 réfugiés entassés dans des camps et à qui l'on refuse le droit de rentrer chez eux." (Voir la carte de la Nakba fortement recommandée du Dr Salman Abu Sitta).


Ce n'est pas un problème de place mais c'est un problème de démographie.

Autoriser les réfugiés palestiniens à revenir menacerait le caractère enthique d'Israël. Au lieu d'être l'Etat des Juifs, il deviendrait l'Etat des gens qui y vivent dont certains sont Juifs et d'autres ne le sont pas.

Mais avant que cela n'arrive, la plupart des gens comme Muneeb et Adnan peuvent attendre une visite occasionnelle avec des activistes juifs marginaux toutes les quelques décennies.

Certains des survivants de l'expulsion de Kafrayn qui nous ont accompagnés n'étaient pas revenus depuis 1948 – près de 60 ans. Ils se sont promenés dans le secteur, comme dans un rêve, en montrant où se trouvaient le vieux cimetière et l'école.

Un survivant, Abu Ghasi, a rappelé son histoire au groupe :
"Nous avions tous entendu parler du massacre de Deir Yassine quelques jours avant, donc quand les forces sionistes sont arrivées et qu'elles ont commencé à tirer, nous sommes tous partis en courrant.
Ceux d'entre nous qui ont survécu se sont cachés dans un village voisin, et nous avons rapidement entendu des explosions : Nous savions qu'ils faisaient exploser nos maisons.
Quand les Forces juives sont parties, nous sommes retournés pour trouver notre village complètement détruit. Il était clair que nous n'avions pas d'autre alternative que de partir ailleurs, et plus tard, nous nous sommes installés à Um El Fahim
.”

Une vieille femme du kibbutz le plus proche a parlé avec les survivants et ils étaient tous d'accord que leurs communautés s'entendaient bien avant l'expulsion.

Ils se sont souvenus d'un chauffeur de bus qui les emmenaient tous à l'école et la femme a confirmé leur histoire au sujet de la destruction et du bombardement de Kafrayn par les Forces Sionistes.

La visite s'est terminée par un déjeuner commun entre les survivants, les kibbutzniks et le reste du groupe à côté de l'ancienne bâtiment de la principale source d'eau de Kafrayn.

Quelqu'un avait peint "Mort aux Arabes" en Hébreu sur le bâtiment avant notre arrivée, mais cela ne nous a pas empêché d'apprécier la beauté naturelle de la source pendant que plusieurs personnes se levaient pour parler.

Une femme juive qui avait immigré du Canada vers Israël il y a 27 ans a déclaré qu'il lui avait fallu 20 ans pour vraiment comprendre la vérité sur le passé et de présent d'Israël.

Un homme a demandé à la femme kibbutznik si elle pensait qu'on devrait autoriser le retour de ses voisins palestiniens, mais elle n'a pas voulu donner une réponse claire, en disant que c'était compliquée.

Un Israélien lui a répondu avec frustration, en disant : "Nous sommes ici sur 100.000 dunums (10.000 ha) de terre vide. En Israël, nous avons beaucoup de réfugiés internes venant de cette terre vide.
Pourquoi ne pas donner à ces familles juste l'un de leurs milliers de dunums pour qu'elles puissent revenir dans leurs maisons ?"


Un survivant de Kafrayn s'est adressé au kibbutznik : "Regardez, nous voulons tous la paix. C'est très facile de le dire, mais la paix exige de faire un effort. J'ai passé 60 ans sans ma terre.
Comment pouvez-vous vous attendre à ce que je vive en paix avec les Juifs s'ils refusent de me rendre ma terre et mes droits ?"


Un autre réfugié a fait l'écho de ses opinions : "La paix ne ressemble pas à un type de personne qui bénéficie d'une terre et de d'autres interdictions. Si vous voulez la paix, partageons tout. Vivons ensemble."

Les réfugiés palestiniens qui nous ont accompagnés ont eu de la chance.

Contrairement aux deux-tiers des Palestiniens qui vivent dans la Diaspora, Adnan, Muneeb et Abu Ghasi sont toujours ici, en Palestine Historique.

Et bien qu'ils ne bénéficient pas d'autant de privilèges que les Juifs, au moins, ils ne vivent pas sous occupation comme leurs contre-parties réfugiés de Cisjordanie et de Gaza.

Cette année, j'ai passé la journée de commémoration du massacre de Deir Yassine à Izbat At Tabib, un village de 226 réfugiés Palestiniens de 1948 dont les familles se sont installées en Cisjordanie et ont subi des tentatives répétées par Israël de les expulser une deuxième fois.

Presque l'ensemble du village fait l'objet d'ordres de démolition pour dégager le terrain afin de construire des routes de colons et le Mur. (lire notre témoignage sur la situation du village Izbat At Tabib)


Non seulement les massacres et les expulsions du passé n'ont jamais ont officiellement reconnus, mais la Nakba continue aujourd'hui sous une forme ou une autre pour tous les réfugiés palestiniens, que ce soit en Israël, en Cisjordanie , à Gaza, ou dans la Diaspora.
Ce n'est pas de l'histoire ancienne, cela se passe maintenant et c'est URGENT.
La Nakba continue.
Deir Yassin continue





APPEL A ACTION

Les injustices ne doivent pas demeurer non reconnues.

Cette année, rappelez-vous que le 15 mai n'est pas seulement la Journée de l'Indépendance d'Israël

Organisez un événement de commémoration pour le jour de la Nakba !

Rejoignez les activistes en souvenir de la Nakba.



A lire :

Un Droit Sacré de Salman Abu Sitta

La Géographie de l'Occupation de Salman Abu Sitta

Deir Yassine le 9 avril 1948 - par Deir Yassin Remembered

Histoire d'Israël – par ISM-France

Lettre adressée au New-York Times par Albert Einstein et d'autres au sujet de Begin - Albert Einstein

Sionisme : transfert et apartheid - Dr. Mahmoud Muharib

"Israël doit reconnaître ce qui s'est passé en 1948" - Ilan Pappé

Nakba et dynamique des réfugiés - Hussam Khader

Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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