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ISM France - Archives 2001-2021

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Cisjordanie -

Prélude à la Troisième Intifada ?

Par

Anna Baltzer, militante de International Women’s Peace Service en Cisjordanie, est l'auteur du livre : "Témoin en Palestine : Journal d'une juive américaine dans les Territoires occupés".

Cela fait plus de trois semaines que je n'ai pas écrit. La raison est simple : sur le terrain, ici en Palestine, la vie a été terrible et m'a laissée peu de temps pour la réflexion.
Comme d'habitude, Pâque – la fête juive qui célèbre la "libération contre l'oppression" – a été accompagnée par un renforcement des restrictions sur les Palestiniens.

Prélude à la Troisième Intifada ?


Début avril, pendant les fêtes juives de Pâques. Les Palestiniens, bloqués, attendent pendant des heures au checkpoint d'Atara (photo Anna)

Pendant que les israéliens juifs étaient en train de festoyer, les déplacements à l'intérieur de la Cisjordanie sont devenus très difficiles voire impossibles, sauf bien sûr pour les colons qui filent, à côté des Palestiniens qui attendent pendant des heures aux checkpoints pour pouvoir rentrer chez eux, aller travailler, à l'hôpital ou n'importe où ailleurs.

Appeler l'armée n'a servi à rien puisque la plupart des bureaux sont fermés pendant les fêtes. Les Palestiniens ayant besoin d'urgence de permis pour aller à l'hôpital ont été obligés d'attendre, eux aussi.

Un coup d'oeil rapide au rapport hebdomadaire du Centre Palestinien pour les Droits de l'Homme montre que les Forces israéliennes d'occupation ont –parmi autres activités- tué 9 palestiniens (dont 2 enfants et 4 assassinats extrajudiciaires), blessé 20 personnes, conduit 30 incursions dans des communautés palestiniennes de Cisjordanie , arrêté 44 civils palestiniens (dont 8 enfants), démoli 8 maisons jetant à la rue 48 personnes, et continué à imposer un siège total sur les Territoires occupés… tout ça pendant la semaine dernière. Ceci n'est qu'une moyenne.

Pendant ce temps, plusieurs centaines de colons juifs se sont emparés d'un bâtiment au cœur d'Hébron et Israël a immédiatement déployé ses soldats pour protéger la nouvelle colonie réservée aux juifs. La famille Abu Haykal, qui habite à côté et que je suis allée voir le mois dernier à Tel Rumeida, a eu sa voiture incendiée par les colons d'Hébron, qui ne veulent qu'une chose, les faire partir pour installer, au milieu de celles qui existent déjà, une nouvelle colonie juive.

La brutalité et le harcèlement continus nourrissent une tension grandissante dont je prédis qu'elle explosera un jour en une Troisième Intifada (le mot arabe pour "soulèvement"). Les signes sont là : frustration intense, mais une détermination encore plus forte pour se débarrasser du joug de l'occupation.

Des manifestations ont eu lieu dans toute la Cisjordanie , quelquefois plusieurs par jour. La force et la colonisation israéliennes sont insupportables, et les Palestiniens ne cesseront jamais de résister. Arrêter de résister, c'est n'avoir aucun avenir – c'est un suicide national. Pire est l'occupation, plus forte est la résistance.

Bien que ce ne soit guère chroniqué, l'essentiel de la résistance palestinienne actuelle est non violente.

A l'Université arabo-américaine de Jénine, le groupe d'étudiants Résistance verte a réussi à bannir du campus le jus de fruit Tapuzina produit par Israël, signe d'une campagne palestinienne grandissante de soutien aux produits locaux plutôt que de payer pour sa propre occupation.

Mon voisin, Abu Saed, à Haris, dont les arbres ont été arrachés par les colons trois fois au cours du mois dernier, sur sa terre voisine de la colonie Revava, continue à les replanter, semaine après semaine, avec le soutien des Rabbins pour les Droits de l'Homme et d'IWPS (International Women’s Peace Service).

Et il y a un mois, plus de 350 personnes – Palestiniens, Internationaux et Israéliens – se sont rassemblés pour la toute première Course Cycliste Internationale en Palestine, de Ramallah à Jéricho, événement organisé par l'association YMCA (Young Men's Christian Association) de Jérusalem Est pour des gens du monde entier qui ont protesté contre les violations aux Droits de l'Homme en Palestine, ont demandé la liberté de circulation pour les civils palestiniens et "ont soutenu les valeurs de paix et de tolérance dans la région".

Cette course devait être la plus longue manifestation sportive internationale de protestation contre l'occupation, mais les jeeps israéliennes ont coupé court à l'événement en interdisant la circulation aux deux roues et les participants enthousiastes de la course "Des vélos contre des bombes" ont été obligés de faire demi-tour.

A côté de l'Ecole des Amis des Quaker, où commençait la course cycliste, il y a un centre culturel où des douzaines de jeunes palestiniens viennent chaque semaine pour faire des courts-métrages et danser.

Un jour où j'y étais, après avoir vu la répétition d'une danse moderne très physique et intense, les étudiants m'ont expliqué que pour eux, "les activités artistiques n'étaient pas du luxe – elles étaient indispensables".

L'occupation ne menace pas seulement les maisons palestiniennes, la terre, les moyens d'existence, le temps, l'avenir, mais aussi la créativité et l'expression. Le centre culturel est un outil pour empêcher la perte ou la déformation de la culture palestinienne, et les étudiants décrivent comment ils se réunissent secrètement pour s'entraîner pendant les invasions et les couvre-feux, et c'est leur forme de résistance non violente créative.

Dans la région de Salfit, où nous vivons, un nouveau centre a été créé qui propose des formations et des ateliers de communication stratégique, de construction de la paix, de résolution de conflits, et des techniques de résistance non violente.

J'ai discuté avec Fuad, le directeur, qui m'a expliqué que la résistance non violente dans les prisons israéliennes (grèves de la faim, etc.) est en augmentation, et que beaucoup de Palestiniens – en particulier ceux qui reviennent de prison – ont monté ce qu'il appelle le "Mouvement non violent pour la liberté, l'égalité, les valeurs démocratiques et les droits de l'homme".

Son organisation a pour but de développer des programmes qui conviennent à tous les segments de la société palestinienne, ou des ateliers sur la connaissance des droits de l'homme et des entraînements à la résistance, mais ils manquent de fonds propres pour le faire.

Fuad m'a raconté l'histoire de sa propre transformation de soldat de l'armée "Sabahtash" d'Arafat en un avocat de la non violence, après la mort de son frère.

Fuad a été particulièrement influencé par la Première Intifada, au cours de laquelle toutes les parties de la société palestinienne se sont jointes en une désobéissance civique non violente pour demander la liberté d'une seule voix forte.

Lorsque j'ai dit à Fuad que IWPS ne pouvait pas proposer de soutien financier (bien que si vous pouvez, contactez fuad_alramal@yahoo.com), il m'a répondu : "Nous n'avons pas d'argent, mais notre force, ce sont nos convictions : notre engagement dans la non violence. La violence tue l'esprit, et le pousse vers plus de violence ou la soumission, mais la non violence finit toujours par l'emporter."

Fuad a dit qu'il avait choisi de travailler dans la région de Salfit à cause de son passé de résistance non violente. Ces dernières semaines ont vu nombre d'actions importantes dans notre région rurale souvent oubliée.

Le Jour de la Terre, des centaines de personnes se sont rassemblées dans le village de Rafat pour protester contre le mur qui encercle lentement leur village, mais lorsqu'ils se sont rendus compte que la cage n'était pas gardée, ils ont commencé à la secouer, tous ensemble, jusqu'à ce que les grilles s'ouvrent.

Lorsque les soldats sont arrivés, les manifestants sont rentrés chez eux, et aucune pierre n'a été lancée. Ils avaient dit ce qu'ils voulaient dire : Rafat n'acceptera pas de punition collective.

Le jour suivant, à Salfit, un groupe de manifestants a trouvé le mur sans gardiens et ils ont commencé à enlever des fils électriques installés sur les sections grillagées.

Les soldats ont surgi et ont commencé à tirer en l'air, mais les manifestants sont restés et ont déployé les drapeaux palestiniens au-dessus du mur de la cage qui coupe leur route principale et annexe la majorité de leur terre. Salfit non plus n'acceptera pas l'emprisonnement collectif.

Le reste de la Cisjordanie non plus, où beaucoup d'autres actions ont eu lieu à l'occasion du Jour de la Terre. A Qaffin, au nord, des milliers de manifestants se sont rassemblés et ont marché, dansé et rythmé par les tambours leur marche vers le mur, pour montrer leur état d'esprit et leur détermination à résister au mur illégal et à l'occupation.

A Naplouse, des centaines ont manifesté à Beit Furik, l'une des six sorties de la ville – toutes des checkpoints militaires – à travers de laquelle les hommes de 16 à 45 ans ne sont pas autorisés à traverser sans un permis israélien spécial qu'on ne peut se procurer qu'à l'extérieur de la ville.

La marche, co-organisée par le Syndicat des Femmes de Naplouse et une association pour personnes handicapées, a passé le checkpoint devant des soldats sidérés incapables de refouler les manifestants.

Le groupe a ensuite occupé le checkpoint, d'abord en s'asseyant par terre et ensuite en grimpant sur les abris d'attente et en y attachant les drapeaux palestiniens et des banderoles sur la liberté.

L'injustice est insupportable. Elle ne peut pas être normalisée, il y aura toujours de la résistance. La Troisième Intifada viendra. Elle sera peut-être non violente, comme la première, ou elle ressemblera plus à la Deuxième.

Est-ce une coïncidence si Israël a commencé à construire sur le site saint du Mont du Temple à Jérusalem, juste au moment où les factions palestiniennes religieuses et laïques en conflit décidaient d'une trêve ?

L'Etat d'Israël préfère que les Palestiniens se battent entre eux plutôt que contre son oppression, mais les Palestiniens en Cisjordanie et à la table des négociations ont montré leur détermination à travailler ensemble contre leur ennemi commun : le racisme et l'occupation sionistes. Unis, ils gagneront.

Si la Troisième Intifada ne réussit pas, alors il y en aura une Quatrième, puis une Cinquième. Il y en aura autant que cela sera nécessaire pour que justice soit rendue.

Voir les autres photos qui illustrent cet article

Source : ISM

Traduction : MR pour ISM

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