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ISM France - Archives 2001-2021

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Naplouse -

L’armée à Talluza

Par

Talluza est un petit village du nord de Naplouse en Cisjordanie dont la population tourne autour de 2000 personne.
Le village est calme depuis deux ans qu’ont été démolies un certain nombre de maisons en 2002.
Le village voisin d’Asira dont la population est d’environ 12.000 personnes, subit le harcèlement constant de l’armée depuis plus d’un an.

Je suis resté à Talluza une semaine et mon rôle était principalement d’observer le checkpoint des FOI (Forces d’Occupation Israélienne) entre Al Badan et Talluza et d’avoir à l’occasion des causeries avec les garçons de l’école de Talluza.

`Je suis arrivé le lundi 19 décembre à Asira, qui est une village du Hamas m’a-t-on dit. Je suis resté là une nuit avant de partir le matin suivant pour Talluza.


Quand nous sommes arrivés à Asira nous avons croisé des hordes de petits enfants sortant de l’école. "Comment tu t’appelles ? Ton nom c’est quoi ?" criaient-ils et je me suis retrouvé submergé sous le flot du pépiement des gamins.

Deux hommes sont entrés dans cette mêlée et m’ont rejoint ainsi que Nav. Ils nous ont emmenés chez eux et nous ont donné à manger le plus beau des pains et les plus belles olives. Je pense que ça avait été prévu d’avance par l’ISM et j’ai été surpris de les trouver simplement hospitaliers envers les étrangers. C’aurait été inimaginable en Angleterre.

Nous les avons quittés pour aller voir les militants locaux de l’ISM dans un café internet à l’extérieur.



20 décembre 2004

Quand je suis arrivé à Talluza, j’ai trouvé les autres militants de l’ISM assis dans un champ pierreux derrière l’école. Les enfants avaient construit des barricades le long de la route qui longe l’école pour empêcher le passage de l’armée.
Tout le village les soutient.
L’instinct de rébellion de la jeunesse, considéré comme problématique en Angleterre, est fondamentalement respecté et nécessaire ici pour résister.

L’armée avait quitté le village à ce moment là . Aussi les professeurs ont-ils commencé à dégager le chemin des barricades de pierres, Tom et moi les avons aidés quand un professeur principal s’est approché de moi et m’a demandé de venir faire une causerie à l’école sur l’histoire de l’Ecosse, j’ai accepté d’aller parler à la classe à 11h.

Vers onze heures, un professeur m’a emmené à l’école pour rencontrer les jeunes filles venues à l’école des garçons pour les sujets particuliers qui ne sont pas enseignés à l’école des filles.

Je pensais qu’on m’avait emmené là pour parler de l’histoire de l’Ecosse, mais j’ai été enlevé par un autre professeur pour que les filles bénéficient d’une leçon pratique de conversation anglaise.

Une des jeunes femmes m’a posé des questions mais d’autres ont été prises de fous rires. « Pourquoi riez-vous ? » ai-je demandé en riant aussi parce qu’elles étaient contagieuses.

"Vos habits, vos habits sont si drôles" ont-elles soufflé.

Ces jeunes filles qui gloussaient de rire étaient superbes et généralement si élégantes et sereines, excepté qu’à la vue de mon chapeau simili russe, de ma chemise indienne violette de hippy pardessus mes jeans pattes d’eph. et avec mon manteau de marin du Capitaine Birdsay, elle sont devenues hystériques. Des larmes de rire dégoulinaient sur leurs joues pendant qu’elles essayaient de reprendre leur souffle.


Les filles sont très amicales, posent des millions de questions et ensuite me demandent de chanter. Après ça elles sont allées avec moi pour leur cours suivant. Je me suis assis avec elles au fond de ce qui ressemble à une classe de dessin. J’ai dessiné leurs visages. Ils étaient si charmants et si vivants que j’ai été triste de les quitter pour retourner auprès des autres internationaux.

J’ai réalisé après coup que j’avais été débauché pour parler aux filles par un autre professeur qui n’était pas celui de l’histoire de l’Ecosse lequel était un peu irrité, aussi j’ai accepté de venir en parler le jour suivant. Départ pour surveiller le checkpoint d’Al Bidan.

Le poste de surveillance d’Al Bidan : une formidable excuse pour se trouver dans la plus belle campagne qui soit à regarder les spectaculaires côteaux d’oliviers enrubannés de brume et à observer le ciel changeant


Je me suis installé à environ cent mètres de la jeep militaire de la police des frontières parquée dans un virage, à la croisée de deux routes. Le climat ici peut devenir très froid et en raison d’étés extrêmement chauds, le chauffage central n’est pas vraiment une priorité.

Les belles maisons palestiniennes avec leurs très hauts plafonds peuvent devenir très froides presque plus qu’à l’extérieur si bien que Tom (un jeune militant anglais) et moi avons décidé de faire un feu de camp.

J’en ai pris l’idée aux gens d’Asira (le village voisin de Talluza) qui font de petits feux dans la rue et servent du café aux passant pour bavarder autant que pour surveiller leurs enfants qui jouent dehors.

Nous avons commencé à préparer le feu et réalisé qu’aucun de nous n’avait d’allumettes, c’est très rare au Proche Orient de trouver deux non fumeurs ensemble. J’ai bêtement demandé du feu aux soldat, ils sont excédés et comme il n’ y pas beaucoup de circulation à impressionner, ils se sont précipités pour trouver du combustible pour le feu. Ca fait très mauvais effet d’avoir l’air copain avec les soldats aussi Tom et moi nous sommes écartés en les laissant faire notre feu.


Plus tard, le tour de garde a changé et un nouveau groupe (de soldats) a nous a demandé d’éteindre le feu, nous avons refusé. Ils se sont mis en pétard et ont voulu nous empêcher de rassembler le bois. Layla est sortie du «Service » - l’hybride de taxi et de bus, utilisé ici pour circuler. Elle revenait juste de Jérusalem, elle a rassemblé du bois en défiant leur ordre stupide.

Les soldats vaincus par mon caprice de feu ont conduit leur jeep un peu plus loin sur la route où nous continuions à les observer en appréciant la chaleur du feu, et ce jour là ils n’ont fait que des gestes aux gens pour qu’ils traversent le checkpoint.

Le soir, nous avons dîné chez une famille dont la maison fait face à la rue principale du village. Deux jeeps de l’armée se sont arrêtées au bout de la rue, juste à la hauteur de la mosquée et ils ont arrêté un shebab.

Je les ai filmés de la fenêtre de la maison familiale alors qu’ils étaient en train de vérifier sa carte d’identité.

Ils ont patrouillé dans le village et ont demandé les cartes d’identité. Il y a eu au moins un autre cas où des jeunes gens ont été retenus dans la jeep et relâchés plus tard. Des militants ont été témoin de ce qu’un soldat avait pointé son fusil sur un jeune enfant et on a reçu des témoignages de coups, bien que les militants ne soient pas arrivés à temps pour y assister eux-mêmes.

Après ça la famille avec qui nous étions a eu peur de nous garder chez elle aussi, après l’apparition de l’armée, nous avons quitté leur maison en courant à toute vitesse dans les rues et les cours, - les garçons vers une maison et nous vers une autre.

Les jeunes qui nous guidaient étaient très nerveux aussi nous ont-ils lâchés juste à la maison d’Hassan bien que nous étions censés aller ailleurs. Je pense qu’Hassan, un vieux monsieur assez joyeux qui avait étudié à UCL dans sa jeunesse, si accueillant - lui et sa femme -nous ont nourris de fruits et d’argilah.

Nous sommes restés une nuit et le jour d’après ça a été une nouvelle mission de surveillance au checkpoint et d’histoire de l’Ecosse



21 décembre

Tôt le matin au checkpoint les gens vont et viennent, pour l’école mais il y a aussi une énorme circulation de fermiers

L’école s’est ouverte comme d’habitude et la causerie sur l’histoire de l’Ecosse a continué et les militants ont passé le début de l’après-midi à rencontrer un certain nombre de villageois. Des militants israéliens ont parlé de contacter d’autres groupes Israéliens pour apporter des soins médicaux et de la nourriture au village et exporter l’huile d’olive locale en Israël et au-delà.


Les internationaux ont promis d’être là durant les examens scolaires.

Ceux-ci ont débuté le 23 décembre et continueront pendant deux semaines.
Les villageois sont inquiets parce qu’une centaine de filles n’ont pas d’autorisation pour passer par le checkpoint entre Al Badahn et Talluza pour aller passer leurs examens.

Les militants internationaux maintiendront leur présence à ce checkpoint pour tenter de leur assurer un passage libre et sûr.

Vers 4h de l’après midi, une jeep de la police des frontières a patrouillé dans le village et les policiers ont tiré toute une série de balles réelles. Personne n’a été blessé mais il y avait des enfants à proximité.


Dans la soirée pendant que les militants étaient dans une maison qui surplombe la route principale, ils ont entendu une grosse explosion venant de l’extérieur. Il est apparu que c’était une bombe assourdissante artisanale lancée par un jeune.

Une barricade avait été élevée par des jeunes dans la rue principale et incendiée pour tenter d’empêcher les soldats de passer. L’armée a patrouillé dans le village dès cinq heures de l’après midi.

Quand une armée de chars Humvee est arrivée à la hauteur de la barricade, elle a essayé de la franchir et a échoué. Les soldats sont alors devenus agressifs et ont cogné contre les portes des maisons probablement pour pincer les enfants qui avaient construit la barricade.

Une jeep de la police des frontières est arrivée tout de suite après ; Deux militants ont quitté la maison avec une camera vidéo et ont filmé les activités des soldats depuis le toit d’un bâtiment voisin.

Quand les soldats sont devenus plus agressifs, deux militants ont décidé de sortir pour leur parler et tenter de calmer la situation. Dans le dialogue qui a suivi, les soldats ont dit qu’ils étaient là parce que les enfants avaient construit cette barricade et brûlaient «leur» village (les soldats voulaient sans doute parler de village « sraélien» (!).

L’un des militants a répondu que le village était le foyer des enfants et qu’ils pouvaient y faire ce qu’ils voulaient. Les soldats ont répliqué qu’ils n’étaient pas là pour parler politique.

Après un autre dialogue (et des chants des militants) un autre humvee est arrivé et a dégagé le chemin pour que tous les véhicules s’en aillent. La situation s’est alors calmée et le village a retrouvé la tranquillité pour le reste de la nuit.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM-France

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