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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

L’été 2004 en Palestine

Par

Combien de jours allez-vous rester à Amman ?!!
C’est la première question que l’on m’a posée lorsque je suis arrivé à Amman en provenance d’Espagne ?
Vers 4 h, je quittais l’aéroport pour le Pont Allenbi.
A 12h30, je terminais la paperasserie du côté jordanien et je prenais le bus pour Israel.
J’étais avec mon père à attendre la fouille de nos sacs et reprendre ensuite la paperasserie.
J’ai été surpris quand un officier de la Police des Frontières m’a demandé de venir avec lui. J’ai été emmené pour être fouillé et ensuite pour une fouille corporelle.

Ensuite une femme officier de Police des Frontières est venue pour m’interroger. Elle ne croyait pas que j’étudiais à l’extérieur de la Palestine.
Peut-être que, pour elle, l’idée même qu’un Palestinien puisse étudier ailleurs est difficile à croire.

Peu importe, ils m’ont emmené une nouvelle fois pour une fouille corporelle et ils m’ont pris les sacs afin de les fouiller à nouveau.

Après qu’ils aient teminé la fouille de mes sacs, ils m’ont fait attendre pendant plusieurs heures sans rien me dire. Alors que j’attendais, deux hommes sont venus et m’ont demandé mes papiers d’identité et mon passeport et de venir avec eux.

Nous sommes entrés dans plusieurs bureaux avant de nous arrêter dans l’un d’eux. Ils m’ont encore fouillé et ont pris tout ce que j’avais : papiers, papiers d’identité, carte d’informations, carte bancaire puis ils m’ont rendu l’argent.
Ils m’ont pris en photo et ils m’ont emmené dans un autre bureau. Un homme, d’une quarantaine d’années, qui s’est présenté comme étant des services secrets, a commencé un nouvel interrogatoire.

L’officier : Ecoutez, je veux que nous soyons au même niveau d'information

Moi : Je ne comprends pas

L’officier : Vous ne comprenez pas ?!! Ok, certaines personnes ont dû vous dire que les services secrets savent tout, ils peuvent mentir mais quand les servives secrets vous disent qu’ils savent tout, alors ils savent tout.

Moi : Je ne comprends toujours pas.

L’officier : Nous connaissons votre rôle central dans la coordination de l'ISM et les gens que vous faites venir dans le pays, et toutes les autres choses que vous faites. Vous perdez votre temps; vous pourriez faire des choses plus importantes pous vous-même et laisser tomber tout ce travail.

Moi : aha.

L’officier : Vous savez que nos mains peuvent atteindre tout le monde. Le Cheik Yassin et Al-Rantisi, je n'essaye pas de dire que vous êtes de leur côté mais je veux juste vous dire que nous pouvons atteindre tout le monde et partout.

Moi : aha.

L’officier : A l’étranger, vous pouvez faire ce que vous voulez. Poser des bombes à Madrid et tout ce qui ne nous concerne pas. Mais tout ce que vous ferez a un lien avec la sécurité extérieure ou intérieure d'Israël. Nous vous interrogeons avant et nous sommes gentils. Cette fois-ci, nous ne vous ferons rien mais la prochaine fois que nous vous arrêterons, qui sait combien de temps vous resterez avec nous. Nous vous emmenerons certainement, de temps en temps, pour notre interrogatoire spécial dont vous avez certainement entendu parler.

Moi : ok.

L’officier : Qu’étudiez-vous en Espagne ?

Moi : J’ai terminé d’apprendre la langue et je veux poursuivre une formation technologique.

L’officier : Prenez soin de votre futur si vous voulez en avoir un. Vous pouvez partir maintenant.

Moi : Merci.

L’officier : et restez loin du mur.

Moi : Qu’est-ce que je peux faire contre un Mur de béton de 10 mètres de haut ?

L’officier : Des manifestations et tout le reste. Yalla bye.

Vers 20h30, j’ai quitté le pont pour Ramallah. Je suis arrivé à la maison vers 22h30 sans aucun problème.

Quelques jours plus tard, le 15 juillet, je suis allé à Naplouse.
Je suis arrivé au checkpoint d’Huwarra vers 14h30 où plus de 500 personnes attendaient devant le ckeckpoint fermé. Je suis resté à attendre mon tour et mon père a attendu avec moi.

Quand le soldat a vérifié ma carte d'identité, il a décidé de me détenir. Alors mon père a refusé de partir et il s’est détenu lui-même avec moi.
Vers 22 h, j'ai parlé à mon père pour qu’il aille à la maison puisqu’il me semblait que ma période de détention allait être longue. J’ai arrêté une ambulance pour qu’elle ramène mon père en ville et j’ai continué à attendre jusqu’à minuit et demi quand les soldats ont décidé de me libérer.

Après un accueil chaleureux, j’ai eu besoin d’une douche chaude et d’une bonne nuit de sommeil. Le matin je suis sorti pour voir mes amis et savoir ce qui s’était passé depuis un an.

Je suis allé au camp de Balata, où l'armée continue d’entrer quotidiennement dans le camp de façon très provocante pour attendre que les enfants sortent et tirer sur l’un d’eux avant de partir.

Nous avons commencé à réfléchir au sujet de la situation et nous avons décidé de mettre en place une action pour arrêter cette situation quotidienne et nous avons décidé de bloquer les soldats avant qu’ils entrent dans le camp.

Nous avons fait part de notre idée aux comités locaux du camp et après qu'ils nous aient donné leur approbation et leur soutien, nous avons décidé de poursuivre cette action.


Le 20 juillet, vers 16 h, nous sommes allés Rue Al-quds attendre que l'armée vienne.
Deux heures plus tard, deux jeeps sont arrivées rue Al-quds et ont essayé d'entrer dans le camp de réfugiés de Balata. Nous avons réussi à bloquer les jeeps et au bout d’un certain temps, elles ont décidé de partir.
Quelques minutes plus tard, on nous a dit que l'armée tentait d'entrer par les champs. Nous sommes partis et nous avons trouvé les jeeps et nous avons encore réussi à leur bloquer l’entrée dans le camp.
Une demi-heure plus tard, elles ont décidé de quitter le camp et soudain, les confrontations prévues avec les militaires israéliens ont eu lieu au festival national alors que tout le monde était sorti pour chanter pour la Palestine et contre l’occupation militaire.



Une semaine plus tard, le 27 juillet, c’était le jour de Solidarité avec Naplouse et l'idée était d'organiser une manifestation au checkpoint d’Huwarra.
Tout s’est bien passé, les différentes organisations ont soutenu l'idée et nous avons décidé un rassemblement devant la Mukata le matin du 27 juillet. La manifestation s’est approchée du checkpoint à 10 h et a rencontré l’agressivité habituelle de quelques soldats israéliens.

Malgré cela, le groupe s’est avancé et a demandé l’autorisation de passer le checkpoint. L'armée a bloqué la route avec des jeeps et des véhicules blindés de transport de troupes.
Ils ont tenté de détenir un manifestant palestinien mais cette action a été entravée avec succès par des membres de l’ISM.
La Police des Frontières est arrivée et a déclaré le checkpoint « Zone militaire fermée » et a demandé que les manifestants se retirent du secteur.

La décision fut de faire un sit-in au checkpoint et de l'occuper pendant 30 minutes, en chantant et en scandant des slogans. Nous sommes ensuite rentrés en ville et tout le monde était heureux du succès et de la fin pacifique de cette manifestation.


Le 29 juillet, nous sommes allés à Yabad, une ville à côté de Jénine afin d’aider à l’enlèvement d’un barrage routier.
Le barrage routier bloque complètement la seule entrée importante de la ville et est là depuis le début de la deuxième Intifada. Dès que nous sommes arrivés, les soldats israéliens ont commencés à tirer des grenades de gaz lacrymogène et des bomes assourdissantes. Mes amis m'ont aidé trois fois à me dégager après avoir senti le gaz lacrymogène mais à chaque fois que je le sentais, j'étais encore plus déterminé à rester. À la fin de la journée, l'armée a essayé d’entrer dans la ville et s’est trouvée confrontée à une forte résistance des lanceurs de pierre.



Le jour suivant, le 30 juillet, nous sommes allés à Zububah, le village où démarrait la Marche de la Liberté.
Nous nous sommes déplacés entre les différents villages palestiniens de Jénine, en passant par Tulkarem, Qalqilya, Salfit, les villages au sud et au nord de Jérusalem pour atteindre Ramallah et l'action finale qui était prévue au checkpoint de Qalandia. Nous avons appris beaucoup lors de cette marche.
Nous avons rencontré beaucoup de groupes dans les différents villages et nous avons ressenti la présence d’une forte hostilité au Mur de la part des Palestiniens pendant toute la marche.
Nous avons effectué plusieurs actions contre des portes.


Enfin, le checkpoint de Qalandia était un vrai défi, mais nous avons réussi.
Ce jour-là, ce fut la première fois que des manifestants palestiniens réussissaient à traverser le checkpoint de Qalandia en scandant des slogans et en provocant l'autorité de l’occupation à ce checkpoint de l’Apartheid.


Pendant la marche, dans le village de Mas'ha, le commandant a essayé de m'arrêter mais le groupe a réussi à bloquer la tentative et, une demi-heure plus tard, quand j'ai vu le même commandant, il m’a dit que, la prochaine fois, il m'arrêterait et il me renverrait dans mon pays !!!!


Le 19 août, nous sommes allés à Naplouse, car il y avait une grande invasion dans la Vieille Ville et dans le camp de réfugiés d'Al-Ein.
Nous avons rendu visite aux maisons occupées pour témoigner de la vie quotidienne des gens pendant les invasions militaires, pour essayer de donner de la nourriture et des médicaments aux les familles qui en avaient besoin, pour certifier que les soldats utilisent des balles en métal recouvert de caoutchouc et des balles réelles contre les gosses qui jettent des pierres.


Le 21 août, à 2 h du matin, les Forces d’Occupation israéliennes ont envahi le camp de réfugiés d'Askar et ont commencé à y imposer le couvre-feu.
Vers 6 h du matin, ils ont commencé à demander par haut-parleurs que tous les hommes entre 16 et 40 ans aillent à l'école des filles du camp.
À 6h30, nous avons décidé de sortir pour témoigner de ce que faisait l'armée et de documenter tout abus envers les droits de l'homme des militaires israéliens. Pendant la journée, nous sommes entrés dans les maisons occupées et nous avons vu des soldats frapper des femmes dans l’une des maisons.
A la mi-journée, le commandant a commencé à se disputer avec moi et j'ai dû quitter le camp pour éviter l'arrestation.


Une chose intéressante s'est produite pendant que j’étais en Palestine. Après avoir été détenu au checkpoint d’Huwarra la première fois que je suis allé à Naplouse, mon père a cherché à m’obtenir la permission de me déplacer entre les différentes villes palestiniennes à l'intérieur de la Cisjordanie mais la demande a été refusée par les Services Secrets pour des raisons de sécurité.
C’est vraiment étrange que je ne sois pas autorisé à me déplacer entre les villes palestiniennes de Cisjordanie , peut-être veulent-ils que j'aille vivre sur Mars!!.


Mon retour en Palestine n’a pas été ce à quoi je m’attendais. Après être parti un an, cela a été très difficile pour moi de comprendre cette vie quotidienne sous occupation militaire. Voir cette résistance permanente m’inspire de plus en plus. La cueillette des olives arrive, malheureusement je ne pourrai pas y participer car je dois quitter le pays pour l’Espagne avant la campagne.


C’est vraiment c'est mon principal souci maintenant si la poursuite du processus de punition que l’occupation israélienne utilise envers les Palestiniens m'empêche de quitter le pays pour rien d’autre que d’avoir pratiqué mon droit à résister l’occupation militaire israélienne en Palestine.

Amitiés

Saif

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Saif Abu Keshek

Même date

4 septembre 2004