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Palestine - 28 avril 2012
Par Linah Alsaafin
27.04.2012 - Même lorsqu'il était enfant, Bilal Thiab n'avait que mépris pour l'oppression et l'autorité. Il refusait d'écouter les adultes qui le reprenaient pour des erreurs innocentes et plus tard, ce trait de sa personnalité s'est cristallisé dans un défi ouvert aux hommes en uniforme qui piétinaient la liberté du peuple. Thiab avait à peine 18 ans et était au lycée lorsqu'il a été arrêté pour la première fois par l'armée israélienne d'occupation en octobre 2003, dans son village de Kufr Rai. Il a été condamné à sept ans et demi de prison pour ce qu'Israël a appelé son "activiste politique dans le groupe du Jihad Islamique."
Lorsqu'il a été arrêté, il a défié l'ordre des soldats israéliens de regarder le sol plutôt que leurs visages et devant son refus, ils ont menacé de lui tirer dessus. Thiab, inébranlable, a répliqué vertement que de toutes façons, la mort est inévitable. Ces commentaires bouleversèrent sa mère, qui entendait l'échange depuis une pièce voisine où les soldats l'avaient séquestrée.
Après sa libération en février 2010, la vie de Thiab n'a plus jamais été la même. Il a été arrêté pendant des périodes courtes et à maintes fois convoqué par le renseignement israélien pour des interrogatoires qui pouvaient durer plusieurs jours. Un de ces interrogatoires, en mai, a duré sept jours. Thiab a aussi été arrêté par l'Autorité palestinienne (AP) pendant 28 jours, un sujet que sa mère, Umm Hisham, 65 ans, ne tient pas à aborder.
"Ça ne sert à rien d'en parler en ce moment," murmure-t-elle en se détournant, une main sur le visage. "Nous avons besoin de tout le soutien possible, du Président Mahmoud Abbas et de [Premier ministre] Salam Fayyad." Elle lève les yeux et dit, dans un sourire fatigué, "Nous avons fait 14 jours de grève de la faim après que l'AP l'ait arrêté."
S'adapter à la "liberté" après la prison ne fut pas chose facile, en particulier parce que Thiab s'est retrouvé sans cesse convoqué pour des interrogatoires par Israël et, par intermittence, par l'AP.
"Il voulait vivre sa vie comme il l'imaginait, mais il ne pouvait pas parce que l'occupation a volé tout sens à sa vie," dit Umm Hisham. "Il a un caractère très fort, mais on l'a empêché de mener sa vie comme n'importe quel jeune homme de son âge devrait être à même de le faire, fonder une famille, aller à des fêtes de mariage en dehors du village, aller voir d'autres villes."
La restriction de liberté de mouvement de Thiab fut illustrée avec force en janvier 2011, alors qu'il essayait d'aller à Jenin voir sa belle-sœur qui venait de donner naissance à des jumeaux. Un checkpoint volant l'attendait juste à la sortie de Kufr Rai, et il a été fouillé à nu et détenu pendant plusieurs heures avant d'être renvoyé chez lui. "Il a quitté la prison pour une prison plus grande," souligne Umm Hisham.
Après son apprentissage de barbier, Thiab a ouvert un salon dans son village. A peine 12 jours après, les forces israéliennes l'ont emmené encore une fois pour interrogatoire, pendant lequel ils l'ont aiguillonné et se sont moqués de son métier. Lorsqu'il est rentré chez lui, il n'est jamais revenu à son salon de coiffure.
Le 17 août 2011, Thiab était sur la terrasse de la maison de son frère avec quatre de ses voisins. C'était au milieu du mois de Ramadan, et les villageois ont l'habitude de rester debout tard pendant le mois sacré. A 1h du matin, des grenades assourdissantes ont soudain éclaté autour de la maison et la cour a été rapidement envahie par une unité spéciale de soldats israéliens, tous en civil. Un autre groupe de soldats, cette fois faciles à distinguer grâce à leurs uniformes, sont montés sur le toit et ont arrêté les cinq jeunes gens. Puis les soldats ont raflé toutes les femmes et les enfants et les ont séquestrés dans une pièce. Isam, un des frères de Thiab, a été menotté dans une autre pièce et les soldats se sont mis à le piétiner. Les soldats ont relâché les quatre hommes qui étaient avec Thiab, et l'ont menotté, lui ont bandé les yeux et ont commencé à le traîner, à genoux, jusqu'à l'endroit où la jeep était garée, à 200m.
Thiab a fait 14 jours de grève de la faim en solidarité avec Khader Adnan et plus tard, 12 autres jours en solidarité avec Hana Shalabi. Lorsque les services pénitentiaires israéliens (IPS) ont renouvelé sa détention de six mois supplémentaires, fin février 2012, Thiab a immédiatement entamé sa grève de la faim avec son ami et codétenu Thaer Halahleh. Ils ont été séparés et placés dans des cellules différentes et lorsqu'il devint clair qu'ils continueraient leur grève, l'IPS les a transférés en confinement solitaire. Le 28 mars, Thiab et Halahleh ont été hospitalisés, et ils sont actuellement à l'hôpital de la prison Ramle.
Bilal Thiab et Thaer Halahleh le 23 avril lors d'une audience devant le tribunal militaire sioniste
Jamil Khatib, l'avocat de Thiab, de Halahlel et d'autres grévistes de la faim qui ont été aussi hospitalisés, l'a vu pour la dernière fois le mercredi 25 avril.
"Au 59ème jour de sa grève de la faim, Bilal est en danger," a souligné Khatib. "Il a perdu 25kg, il a des difficultés à parler, un taux faible de sucre dans le sang et des douleurs constantes à l'estomac. Il perd ses cheveux et souffre de vertiges fréquents en plus de pertes de conscience. Il est très faible, et ne peut pas bouger."
Lundi 23 avril, le tribunal militaire israélien a rejeté l'appel de Khatib de libérer Thiab et Halahleh. Le lendemain, Khatib a interjeté appel devant la Haute cour israélienne à Jérusalem et a demandé deux choses : que l'appel soit traité le plus rapidement possible, et que le transfert de Thiab et de Halahleh au tribunal se fasse en ambulances, et non en jeeps militaires.
Khatib dit qu'un accord pour exiler les deux prisonniers en échange de la fin de leur grève ne lui a pas été officiellement proposé par le renseignement israélien puisqu'il était clair qu'il ne négocierait pas sur ses conditions, Thiab et Halahleh ayant clairement dit qu'ils refusaient d'être exilés de leurs villages.
"Je pense qu'ils vont continuer leur grève, comme l'a menée Khader Adnan," a dit Khatib. "Ils sont déterminés à la faire jusqu'à la liberté ou le martyre. C'est leur dernier message. Ils demandent également un soutien plus positif et une stratégie claire des médias et des organisations dans la couverture de leur cas."
Azzam, un autre frère de Thiab, en est à son 30ème jour de grève de la faim en solidarité avec son frère, indépendamment du fait qu'il purge une condamnation à perpétuité depuis 2001.
"Bilal est le plus jeune de mes 13 enfants," dit Umm Hisham. "Son père est mort lorsqu'il avait 8 mois, alors il a toujours été gâté par ses frères et sœurs. Je demande à tout le monde, à tous ceux pour qui les droits de l'homme veulent dire quelque chose, de nous aider à libérer Bilal."
* "Empty Stomach Warriors (I): Hasan al-Safadi Time and Time Again", Linah Alsaafin, Alakhbar english, 25.04.2012
En français sur Info-Palestine.net, 27.04.2012.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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Linah Alsaafin
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