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Palestine -

Le rôle des Palestiniennes dans la résistance

Par

Linah AlSaafin est diplômée de l'Université de Birzeit et est actuellement en maîtrise d' études orientales et africaines à l'Université à Londres. Son article est paru le 17 avril 2014 sur le site Open Democracy

Dans son livre sur le village de Baqa al-Gharbiyeh, l'historien palestinien Subhi Biyadseh raconte un événement que les villageois ont porté à sa connaissance. Pendant l'ère du Mandat britannique en Palestine, les Anglais avaient bombardé leur village en 1936. L'armée a ensuite raflé tous les hommes du village ; les femmes sont alors descendues sur la caserne, la nuit, avec leurs enfants, armées seulement de pierres, et ont exigé de l'armée la libération de leurs hommes, qu'elles ont obtenue.

Le rôle des Palestiniennes dans la résistance

Shadia Abu Ghazalah, de Naplouse, tuée dans une action de résistance en novembre 1968, à 19 ans
Cet épisode met en lumière le rôle très important dans lequel les Palestiniennes se sont impliquées quand il s'est agi de résister à l'occupation étrangère de la Grande-Bretagne puis d'Israël. C'est aussi le témoignage que dans la résistance, les femmes firent partie intégrante de la lutte contre la colonisation continuelle de la Palestine. Ce qui contredit les articles des médias à sensation sur le sujet, qui, par paresse intellectuelle, dépeignent les femmes comme des anomalies dans la société palestinienne patriarcale, ou leur place dans la résistance comme un phénomène relativement nouveau.

La participation des Palestiniennes à la lutte nationale a commencé avec l'émergence de la cause palestinienne vers la fin du 19ème siècle, quand les premières colonies juives ont été construites. La première activité politique féminine remarquable a eu lieu dans la ville d'Afula, en 1893, lorsque les femmes ont manifesté contre la construction d'une nouvelle colonie juive. L'ère du mandat britannique (1917-1948) a vu l'établissement d'organismes de bienfaisance et un développement du travail social, ainsi que la participation des femmes aux manifestations politiques. Après le meurtre de neuf Palestiniennes dans les émeutes du Mur occidental à Jérusalem en 1929, la première Association des femmes arabes a été créée, en plus du Syndicat des femmes arabes. Ces structures ont lancé plusieurs initiatives économiques, sociales, culturelles et nationales, comme la planification et l'organisation de manifestations et l'écriture de lettres aux dirigeants arabes pour leur demander de soutenir les Palestiniens.

Dans leur résistance active contre le mandat britannique et le sionisme, les Palestiniennes n'ont pas été confinées à des rôles de soutien aux hommes en tant qu'épouse, fille ou sœur. Ces femmes ont assumé des responsabilités majeures pour soutenir la résistance armée menée en grande partie par les hommes en vendant leurs bijoux pour des fusils, ainsi qu'en fournissant aux combattants nourriture, armes et informations.

Des organisations armées féminines ont également existé, comme Zahrat al-Uqhawan (Les Fleurs de Chrysanthème), créée initialement en tant qu'organisation sociale en 1933 dans la ville de Yafa par les deux sœurs Moheeba and Arabiya Khursheed. Elle s'est transformée en groupe armé après que Moheeba ait vu un sniper du mandat britannique tirer dans la tête d'un jeune Palestinien qui était dans les bras de sa mère. Le groupe Zahrat al-Uqhawan s'est impliqué dans la lutte contre les bandes armées juives jusqu'à la chute de Yafa en 1948, quand la plupart de la population palestinienne de ville a été ethniquement nettoyée, y compris Moheeba qui a passé le reste de sa vie comme réfugiée en Jordanie.

La Nakba, ou le nettoyage ethnique d'environ 800.000 Palestiniens (deux tiers de la population autochtone) par les milices terroristes sionistes, a été amplifiée par l'effondrement de l'économie palestinienne et de la vie sociale. Jusqu'en 1967, il n'y a pas eu d'organisation formelle de syndicats de femmes, et les organisations informelles ont été confinées aux classes supérieures. Les réfugiées palestiniennes ont été chargées de remplir des activités sociales qui étaient, avant la Nakba, refusées dans les zones rurales, comme quitter la maison pour gagner un revenu d'emploi.

Après la défaite dans la Guerre des Six Jours en juin 1967, appelée al-Naksa, et l'occupation de la Cisjordanie , de la Bande de Gaza, et des Hauts du Golan et du Sinaï par Israël, la résistance palestinienne s'est intensifiée et a primé sur toutes autres formes d'activités civile et sociale. La plupart des femmes actives dans la vie publique ont rejoint les factions de la résistance palestinienne et se sont impliquées dans l'action politique. La participation nationale des femmes s'est poursuivie tout au long de cette période, que ce soit dans la résistance armée, le travail social ou l'action secrète en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, qui ont produit plusieurs personnalités iconoclastes.

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Leila Khaled

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Dalal Moghrabi


Shadia Abu Ghazalah, membre actif au Front populaire de Libération de la Palestine (FPLP) est un exemple de l'audacieuse participation féminine dans la lutte armée. Elle avait refusé de quitter la Palestine et a été tuée dans sa ville natale de Naplouse en novembre 1968, à l'âge tendre de 19 ans, quand la bombe qu'elle était en train de préparer a explosé accidentellement. Leila Khaled, membre du FPLP elle aussi, a fait les unes du monde entier en devenant la première palestinienne à détourner un avion en 1969 et à nouveau l'année suivante. Dalal Moghrabi, membre de la branche armée du Fatah, a été tuée en 1978 après avoir détourné un autobus qui allait de Tel Aviv à Haifa dans l'opération connue sous le nom de Route Côtière. 10 autres militants palestiniens et 38 Israéliens ont été tués.

La première Intifada a inauguré une résistance de la base populaire à la violence de l'occupation israélienne. Des femmes ont protesté avec les hommes dans les grandes manifestations, et leur présence a été considérée comme un moyen de dissuasion à l'arrestation et au passage à tabac brutal des hommes par les forces d'occupation. Pourtant, alors que le rôle des femmes dans l'Intifada a été reconnu comme essentiel, leur statut social n'a pas progressé, pas plus qu'elles n'ont été impliquées dans le processus politique de prise de décision.

La signature des Accords d'Oslo en 1993 a normalisé les relations avec Israël, mis fin au soulèvement populaire et abandonné les principes nationaux d'auto-détermination, de libération et de justice, en échange de la promesse d'une consolidation du pouvoir politique et économique. Bien que les femmes aient joué un rôle actif dans les organisations non-gouvernementales et la société civile, la participation féminine dans le gouvernement de l'Autorité palestinienne nouvellement créée a été faible et marginal. Leurs offres d'emploi ont été limitées à ceux de secrétaires, dactylos ou enseignantes dans les écoles publiques. Les femmes sont encore sous-représentées dans la direction des principaux partis politiques palestiniens malgré leur niveau élevé d'activisme politique.

La deuxième Intifada fut plus limitée en raison de sa militarisation, ce qui a abouti à la participation des femmes dans les attentats-suicide et les opérations martyres. Ayat al-Akhras, qui vivait dans le camp de réfugiés de Dheisheh à Bethléem, n'avait que 18 ans lorsqu'elle a déclenché l'explosif attaché à son corps devant un supermarché à Jérusalem en mars 2002.

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Ayat al-Akhras


Selon un rapport d'Amnesty International, les Palestiniennes ont été tuées ou blessées par les forces israéliennes d'occupation soit à l'intérieur ou à côté de leurs domiciles, ou en allant d'un village à un autre. Le rapport indique également que certaines d'entre elles sont mortes dans les décombres des maisons détruites par l'armée israélienne. Des jeunes filles ont été tuées par les forces d'occupation dans leurs écoles, comme Noran Deib, 10 ans, tuée dans la cour de son école à Rafah, dans la Bande de Gaza.

10.000 Palestiniennes ont été arrêtées entre 1967 et aujourd'hui. Elles ont été en majorité soumises à la torture psychologique et aux mauvais traitements au cours de leur arrestation et de leur détention, tels que coups, insultes, fouilles à nu, harcèlement sexuel et violence. En plus de vivre des situations dangereuses et d'être la plupart du temps privées de visites, les femmes sont exposées aux pressions et aux humiliations, les enquêteurs ayant recours à des techniques patriarcales pour obtenir des aveux. Les interrogateurs et les gardiens sont souvent des hommes, ce qui est une infraction au droit international qui précise que les prisonnières ne doivent être gardées et inspectées que par du personnel de sexe féminin.

Les détenues enceintes reçoivent peu ou pas de suivi pré et postnatal. Une ancienne prisonnière, Samar Sbeih, a été arrêtée alors qu'elle était enceinte de 2 mois, et fréquemment menacée d'avortement pendant les 18 heures par jour d'un interrogatoire qui a duré 66 jours dans le tristement célèbre centre de détention Moskubiya. Au moment d'accoucher, elle a été transférée dans un hôpital les mains et les jambes attachées au lit et accompagnée par des gardiens ; on ne lui a détaché les mains que pendant 30 minutes au cours de son accouchement forcé par césarienne.

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Samar Sbeih au moment de sa libération


Entre 2000 et 2007, 69 femmes ont accouché à des checkpoints militaires, se sont vu interdire l'accès à l'hôpital ou ont été retardées. En conséquence, 35 nouveaux-nés sont morts à la naissance. L'histoire de Maysoon al-Hayek est particulièrement déchirante. En février 2002, les soldats postés au checkpoint Huwarra ont stoppé la voiture dans laquelle elle se trouvait avec son mari et son beau-père, en route pour l'hôpital Rafidiya à Naplouse. Les soldats ont autorisé le véhicule à rouler seulement quelques centaines de mètre avant que retentissent les coups de feu. Maysoon gisait sur le plancher de la voiture, criant et pleurant de douleur et de peur que les contractions n'empirent : ni son mari ni son beau-père ne lui ont répondu. Elle a été blessée à l'épaule par les éclats de verre et d'obus. Les soldats sont arrivés et lui ont fait enlever tous ses vêtements alors qu'elle était allongée sur le sol, en sang. Ils ont appelé une ambulance qui l'a emmenée à l'hôpital où elle a donné naissance à sa fille, dans l’ascenseur. Ce n'est que là qu'elle a appris que son mari était mort, touché à la gorge et dans le haut du corps, et que son beau-père était dans le coma, où il est resté pendant 40 jours après que des balles aient perforé ses poumons.

Actuellement, en plus de l'occupation israélienne, les Palestiniennes sont confrontées à la répression du gouvernement de l'AP en Cisjordanie et du Hamas dans la Bande de Gaza. Les protestations se heurtent souvent à des passages à tabac, du harcèlement sexuel et de l'intimidation. Au sein des mouvements de jeunesse et des manifestations hebdomadaires qui ont lieu dans plusieurs villages de Cisjordanie , il y a encore peu de compréhension que la libération nationale ne pourra jamais être réalisée au sein d'une structure patriarcale. L'émancipation des femmes doit venir pendant le processus de libération et de résistance, pas après (1). Il ne peut pas être reporté. J'espère que nous assisterons à un changement et au démantèlement des gouvernements palestiniens non représentatifs et de l'occupation israélienne, de manière à garantir un avenir inclusif bâti sur des fondations de justice et d'autodétermination.


(1) L'auteur évoque là un des débats de fond qui traverse la société palestinienne. Faut-il d'abord libérer le pays de l'occupation sioniste pour ensuite faire évoluer les structures palestiniennes, ou bien engager l'évolution des structures en même temps que le processus de libération. (ndt)


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Linah AlSaafin en pleine confrontation avec les soldats de l'occupation à Nabi Saleh,
le 25 novembre 2011
(source : Chroniques de Palestine)





Source : Open Democracy

Traduction : MR pour ISM

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