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Palestine -

Les quarante-cinq minutes les plus précieuses de votre vie : récit d'une visite dans une prison israélienne

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2 juin 2015 - Vous vous réveillez très tôt, vous mettez vos plus beaux habits et vous vous préparez pour une visite prévue de longue date. Commence, avec le début matinal du voyage, une remémoration des événements et une évocation des souvenirs. Pour beaucoup, ce sera leur seule occasion de voir leurs proches détenus dans les prisons israéliennes ; d'autres se voient refuser ces précieuses quarante-cinq minutes de visites.

Les quarante-cinq minutes les plus précieuses de votre vie : récit d'une visite dans une prison israélienne

Parloir à la prison de Gilboa, à l'est d'Afula, en Palestine occupée (Photo: Hagai Aharon / AFP)
Le voyage vers les quarante-cinq minutes est semblable à beaucoup d'autres trajets que font les Palestiniens pour aller sur leurs lieux de travail et leurs écoles ou pour rendre visite aux membres de leurs familles. C'est un voyage vers des salles de contrôle - et de double contrôle -, vers le harcèlement et les insultes proférées par de jeunes officiers. Le voyage commence tôt le matin, et dans certains cas, il faudra jusqu'à 15 heures avant que les familles rentrent chez elles. Pour ceux qui ont la chance d'avoir une autorisation de visite, ce sera peut-être les 45 minutes les plus précieuses du mois (et dans de nombreux cas, les plus précieuses de toute une vie).

De longues heures humiliantes passent avant que les visiteurs atteignent la dernière étape de "l'inspection" qui les sépare de leurs proches. La colère devant l'humiliation subie est soudain remplacée (enfin, pendant un moment) par une vague d'émotion quand un jeune "agent" pénitentiaire israélien ouvre la porte bleue qui sépare les visiteurs de la salle des visites. Tout le monde se précipite dans la salle de visites à la recherche des proches debout derrière des double-vitres pare-balles. La vue de votre bien-aimé a le pouvoir de remplir votre cœur et votre esprit d'enthousiasme et d'amour. Il y a quelques minutes "gratuites" : l'horloge n'a pas encore entamé le compte à rebours. Les gestes de l'amour et des sentiments volent, et ceux qui sont assez chanceux pour être arrivés jusqu'à cette salle des visites poussent un soupir de soulagement.

Les prisonniers sourient derrière la vitre pare-balles. Leurs visages respirent le bonheur et la joie. Silencieusement, votre parent tape la vitre pare-balle et vous faites de même. Tous semblent faire la même chose. La vitre (et l'occupation) se dresse entre le prisonnier et le visiteur et empêche tout contact physique.

Un accord tacite sur la sacralité des quarante-cinq minutes à venir est palpable pour tous dans la petite salle de visite. L'horloge, stratégiquement placée derrière le visiteur et en face du prisonnier, commence le compte à rebours douloureux des quarante-cinq minutes de visite.

Quarante-cinq minutes.

Le prisonnier et le visiteur prennent chacun le combiné du téléphone fixé de chaque côté de la vitre pare-balles. Vous tentez de vous rappeler des souvenirs et des histoires, mais vous échouez dès que vous entendez la voix de votre parent. Vous vous redites de rester fort et concentré. Il vous faut vous souvenir de tout ce que voulez dire ; vous n'avez que quarante-cinq minutes.

Les conversations commencent.

Le temps est autant béni que maudit quand vous êtes du côté de la vitre pare-balles israélienne. Les parents au premier degré des prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes doivent passer par plusieurs processus, et obstacles, pour obtenir un permis de visite qui les autorisera à rendre visite à leur proche. Dans de nombreux cas, tels ceux des membres des familles vivant à Gaza et ceux dont l'entrée en Israël est interdite, obtenir ces quarante-cinq minutes si précieuses est, de fait, impossible. Comme le note Addameer, l'association de défense des prisonniers et des droits de l'homme, des milliers de prisonniers palestiniens purgent la totalité de leurs peines sans recevoir de visites régulières de leur famille.

Le prisonnier et le visiteur jettent des coups d’œil timides à l'horloge, espérant que le temps s'arrête. Mais hélas, il ne s'arrête pas. L'horloge continue silencieusement son décompte.

Tandis que les histoires s'enchaînent, les yeux inspectent soigneusement les changements visibles sur le parent. Dans les salles de visites des prisons, les yeux peuvent détecter les moindres détails. Ils semblent plus concentrés. Ils ont une plus grande capacité à garder les images. La conversation se déplace sur des questions de santé. Les prisonniers font les réponses habituelles, "ma santé est excellente, ne t’inquiète pas pour moi. Comment ça va, toi ?"

Les sujets de conversation défilent. Vous parlez des nouvelles récentes, des fiançailles, des mariages, des naissances, des cursus scolaires, des possibilités d'emploi, de la joie et de la colère. Il n'y a aucun silence pendant ces quarante-cinq minutes précieuses, pleines d'amour et d'espoir.

Au fur et à mesure que la visite touche à sa fin, les familles se mettent à parler vite dans l'espoir de ne rien oublier. Les minutes de visite qui restent débordent de mot d'amour et de nostalgie. Les familles savent qu'une minute ou deux, dans lesquelles elles peuvent voler quelques derniers regards sur leurs proches, resteront après la fin "officielle" de la visite.

Le compte à rebours de l'horloge s'arrête. Vous ne pouvez plus entendre la voix de votre parent, et lui non plus. Les au-revoir commencent. Vous tapez sur la vitre, vous agitez la main et vous restez devant la vitre, refusant de partir. Des "officiers" commencent à crier des ordres. Un dernier long regard à votre bien-aimé et vous lui faites au-revoir de la main.

Les quarante-cinq minutes d'amour sont finies. Vous venez juste de vivre quelques-unes des quarante-cinq minutes les plus précieuses de votre vie.

Un sentiment d'engourdissement similaire à celui de votre premier baiser suit. L'amour ressenti brièvement vous transporte au-delà des portiques de sécurité, des grilles en fer, des soldats et de leurs fusils. Il vous transporte au-dessus du mur de ségrégation d'Israël, ses systèmes de checkpoints, les autobus de la Croix-Rouge et la violence d'Etat sans fin.

Les prisonniers politiques palestiniens sont un rappel de la politique raciste d'Israël et de ses tentatives permanentes d'effacer la mémoire et la résistance palestiniennes. Ils sont le visage du peuple palestinien en lutte pour la justice, l'égalité et l'humanité.

Pour des années d'amour et de liberté ininterrompus.

Source : Mondoweiss

Traduction : MR pour ISM

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