Bethléem - 26 décembre 2003

Lettre d'une infirmière palestinienne

Par Lynda Jaraiseh

2003 a vu la construction ininterrompue par Israël du mur si controversé de Cisjordanie.
Voici la lettre de Lynda Jaraiseh, une infirmière palestinienne qui travaille à Beit Sahour près de Bethléem

Comme bien d'autres cette année, je constate que le mur en cours d'édification par le gouvernement israélien va transformer ma vie pour toujours ­ et pas dans le bon sens.

Le mur. C'est seulement un mot quand on le prononce, mais c'est un désastre quand on y pense, parce qu'il signifie qu'ils fabriquent une énorme prison pour nous empêcher, nous palestinien, de vivre sur cette terre.

Nous, famille palestinienne, avions rêvé d'avoir notre maison à nous et nous l'avions ­ mais malheureusement ils ont décidé de nous la voler en la situant à l'intérieur de cette prison.

Cela nous touche tous, enfants, adultes et personnes âgées.

Cela va confisquer l'enfance, rendre les adultes dépressifs, autant que rendre la vie vide d'espoir dans l'esprit de ce vieux peuple.

Mes enfants ont traversé des temps difficiles depuis qu'ils ont perdu leur père dans un accident tragique, et au moment où ils essayaient d'en finir avec ces évènements et de vivre en paix, un cauchemar est entré dans notre vie,cauchemar avec lequel on ne peut pas lutter. Ils ne peuvent pas nous faire partir librement, ils n'y sont pas autorisés.

Basil est mon fils le plus jeune , il a neuf ans pour de bon, mais il en a 50 dans la tête. Il comprend l'énormité des drames qu'il va devoir affronter si le mur devient réalité.

Il a un tas d'amis et de parents qui vivent loin. Aussi, s'il y a un mur, il n'ira plus les voir et vivre son enfance an paix, comme eux.

Le plus important c'est son école. C'est le seul droit qui reste à nos enfants, parce qu'Israël a confisqué les autres choix dont disposent tous les enfants dans le reste du monde

Le mur m'inquiète aussi moi adulte, parce que je ne vais plus vivre comme j'en avais l'habitude
Aller travailler, aller voir ma famille et aussi me sentir libre de circule dans ma ville est devenu difficile depuis que, maintenant, je suis obligée d'avoir un permis pour le faire.

Mon travail est à seulement cinq minutes de chez moi. Je suis déprimée à l'idée des questions que mes enfants vont me poser et auxquelles je ne pourrai pas répondre parce que moi-même je n'en ai pas la réponse.

Ils vont avoir besoin de mon aide pour affronter la nouvelle situation ­ mais j'ai peur de ne pouvoir la leur apporter parce que j'ai besoin moi-même que les autres m'apportent un tel soutien.

Mes parents sont vieux et ils ne peuvent sortir de leur maison ce qui veut dire que je dois aller les voir. Mais quand le mur sera terminé et deviendra réalité, j'arrêtera d'aller les voir, et ils ne pourrons pas venir me voir.

Tout cela me tarabuste et eux aussi et leur donne l'impression que la vie est sans espoir parce que cela veut dire que vivant dans la même ville nous ne pouvons être ensemble.

Nous pensions que la paix était finalement arrivée et que nous allions vivre en paix puisque la Palestine est une terre de paix, la terre de Jésus, qui nous a appris à aimer et pardonner.

Mais comment pourrons nous leur pardonner quand ils nous interdisent de célébrer Noël ­ alors que nous le méritons puisque nous sommes les propriétaires de cette terre.


Comment allons nous célébrer Noël sans pouvoir être avec les gens que nous aimons, notre famille, nos parents, et nos amis ?

Nous n'avons ni la paix, ni la sécurité ­ juste l'occupation pour vivre avec. Comment pouvons nous vivre de cette façon ?

Source : www.miftah.org/

Traduction : CS