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Naplouse - 5 juillet 2004
Par Sa'id Atabeh
La période des interrogatoires a duré trois semaines. Les moyens utilisés au cours de l'interrogatoire sont criminels et divers. Il y a le moyen du shabeh en position debout, les mains menottées, levées vers le haut, et attachées aux fenêtres en fer de la cellule, le prisonnier reste plusieurs jours debout dans cette position. Il y a aussi les coups directs, le shabeh par terre de façon à ce que le prisonnier perde connaissance, ils se mettent alors à l'asperger d'eau pour qu'il se réveille.
Je fais partie de ces jeunes qui ont très tôt pris conscience de l'occupation israélienne en 1967, j'avais 16 ans. Nous étions élèves dans les écoles de l'Est de Naplouse, où commençait à s'organiser la résistance populaire contre l'occupation, avec des affrontements avec l'armée israélienne, avec la constitution des groupes de fedayin dont une partie était liée aux organisations palestiniennes, rapidement et publiquement constituées en Jordanie, mais secrètes dans le pays, en réaction à l'agression de 1967.
L'agression israélienne contre le village de Sumu', au sud de la Cisjordanie , en octobre 1966 fut l'un des signes et une préparation à l'agression plus vaste du 5 juin 1967 pour poursuivre l'occupation de la Palestine. Les répercussions de l'agression contre Sumu' furent l'intifada populaire et massivement suivie qui s'est déroulée en novembre 1966 en Cisjordanie qui faisait partie de la Jordanie à cette époque.
Les martyrs et les blessés étaient le couronnement de nos affrontements avec la police, ils étaient de ma génération, Yousef Shahrouri, Mahmoud Jaradna, Hanbali, et d'autres. Tout cela a laissé une empreinte sur notre génération. Dans ce climat, j'ai adhéré au Front démocratique. J'ai accompli à l'extérieur des entraînements militaires secrets, et j'ai mené des opérations militaires, selon les règles de la guerre et de la lutte. J'ai mené des opérations où il y a eu des pertes matérielles et humaines, et cela a duré jusqu'à mon arrestation.
J'ai été arrêté le 29 juillet 1977. La première prison où je suis entré pour interrogatoire fut celle de Ramallah. Après la fin des interrogatoires, j'ai été transféré à l'ancienne prison de Naplouse, je suis resté quelques jours dans les cellules et ensuite, j'ai été mis dans les pièces où j'ai attendu la condamnation, qui est la prison à vie, au mois de juin 1978.
La période des interrogatoires a duré trois semaines. Les moyens utilisés au cours de l'interrogatoire sont criminels et divers. Il y a le moyen du shabeh en position debout, les mains menottées, levées vers le haut, et attachées aux fenêtres en fer de la cellule, le prisonnier reste plusieurs jours debout dans cette position. Il y a aussi les coups directs, le shabeh par terre de façon à ce que le prisonnier perde connaissance, ils se mettent alors à l'asperger d'eau pour qu'il se réveille. Il y a également la pression sur les organes reproductifs, au cours du shabeh, l'obligation de boire de l'eau, de s'agenouiller, ou de se lever, de façon à fatiguer le corps, d'influer sur le cerveau et l'appareil nerveux et musculaire du prisonnier.
Il y a également la méthode de lier les pieds et de frapper le prisonnier avec de lourds bâtons en bois, régulièrement. Après plusieurs coups, le cerveau et la tête sont directement touchés, il y a aussi les coups de poing et les gifles sur le visage, les coups réguliers sur l'arrière de la tête, étudiés médicalement, ainsi que la privation de sommeil, ou la privation de nourriture et d'eau. Bien que le tribunal ait émis plusieurs décisions limitant l'utilisation des méthodes de tortures, les services de renseignements israéliens, sous prétexte de sécurité, continuent à les utiliser contre les prisonniers palestiniens et arabes.
Après avoir été condamné, j'ai été transféré à la prison de Beer Saba', cette prison vivaitt une situation de grève générale et un refus des visites. J'étais un nouveau prisonnier, et j'ai été surpris mais prêt à participer avec mes camarades à tout ce qu'ils entreprenaient. Je suis resté à Beer Saba' près d'un an et demi, puis j'ai été transféré, en 1980, à la prison de Ascalan. Je me rappelle y avoir rencontré le martyr Umar Qasem, qui jouissait d'une grande popularité parmi les prisonniers, il était considéré comme un leader. J'ai été très ému de ma rencontre avec lui, je me sentais fier de l'avoir connu.
La prison de Ascalan a vu plusieurs étapes importantes : la grève de la faim de 1970, au cours de laquelle est décédé le martyr Abdel Qader Abul Fahem, il y a eu également la grève de 76 qui a duré 45 jours, puis une grève de 20 jours. Ces grèves ont représenté des étapes qualitatives dans la vie des prisonniers, qui leur a permis d'obtenir des matelas alors qu'ils dormaient sur le sol, et leur a permis de ne pas travailler gratuitement pour les institutions de l'Etat.
En 1980, ce fut l'ouverture de la prison désertique de Nafha, qui a été conçu pour recevoir 800 prisonniers et dont le but était de séparer les dirigeants parmi les prisonniers, de limiter leur infuence sur les autres. Les prisonniers ont alors surpris la direction avec une grève deux mois après son ouverrture, et la grève a duré 34 jours, ce qui a permis de relever le moral des prisonniers, et au cours de cette grève, sont décédés les martyrs Ali Jaafari, Rasem Halawe à Nafha, Ishaq Maragha à Beer Saba' et Anis Dawla à Ascalan.
Je suis resté quatre ans et demi à Ascalan, j'ai ensuite été transféré à la prison de Junayd, puis dans diverses prisons jusqu'à ce qu'Israël décide, après les accords du Caire qui sont issus des accords d'Oslo, de transférer les prisonniers restés en prison, qui sont une catégorie spéciale avec de lourdes condamnations, vers les prisons de l'intérieur, à Ascalan, Nafha, Beer Saba' et d'autres. Ce transfert a confirmé qu'Israël continue à traiter les prisonniers hors du cercle des lois internationales, de la quatrième convention de Genève.
Ce transfert vers l'intérieur est interdit par le droit international, et généralement, Israël ne respecte pas la quatrième convention de Genève en rapport avec les prisonniers et les moyens de les traiter à l'intérieur des prisons. Les prisonniers sont alors rapidement et directement victimes de l'instant politique.
Il n'y a aucun doute que la situation politique récente a influé de façon très négative sur la vie des prisonniers, la plupart des réalisations et des acquis des prisonniers obtenus tout au long des années de lutte et des sacrifices ont été éliminés par la direction des prisons, en adoptant plusieurs mesures qui sont :
la mise des vitres de séparation dans la pièce des visites, afin d'interdire tout contact humain.
les lourdes amendes imposées aux prisonniers et grâce auxquelles la direction de la prison finance son propre budget aux dépends des prisonniers et de leur argent.
La confiscation des produits d'entretien pour obliger les prisonniers à les acheter dans les cantines à des prix exhorbitants.
Les agressions physiques contre les prisonniers, et notamment au cours des dernières périodes.
Interdiction des visites entre les sections et les pièces de la prison.
Fermeture des bibliothèques utilisées par les prisonniers.
Limitation de la promenade quotidienne.
Les fouilles provocatrices, souvent répétées et humiliantes.
Arrêt de l'autorisation de faire entrer les produits amenés par les familles, sauf pour les vêtements, mais dans des conditions très difficiles.
Confiscation des valises des prisonniers et leur destruction.
Les fouilles humiliantes aux membres des familles lors des visites.
Mise des barbelés entre les sections dans les prisons.
Etant donné que le long chemin du mouvement des prisonniers a toujours été d'aller vers l'avant, de progresser et d'accumuler les acquis, pour améliorer les conditions de détention, nous sommes certains, malgré les conditions politiques actuelles, que les prisonniers vont mener la lutte et s'opposer à cette agression sauvage et vont agir pour réaliser les conditions nationales grâce à leur lutte à l'intérieur des prisons.
Après 27 ans de prison, je déclare :
Que ce long chemin ne m'a pas fatigué, bien que la fatigue soit un trait humain, c'est peut-être ma dignité qui me fait dire cela, mais la fatigue est une question relative, si je suis fatigué de la prison, cela ne signifie pas que je suis fatigué de porter ma cause et mon engagement qui m'a conduit en prison. Je continue à posséder toute l'énergie pour poursuivre le chemin. En tant que peuple, nous n'avons pas beaucoup le choix. La question est pour nous d'être ou ne pas être, ou bien nous poursuivons dans le même état d'esprit, ou bien nous tombons et nous sommes finis en tant qu'êtres humains et en tant que cause.
Celui qui vit l'expérience de la prison sait qu'elle est longue et dure, mais il sait qu'il n'y a pas de place à l'abandon. Quand je livre mon témoignage aujourd'hui et que je pense aux 26 années passées en prison, je vois une image complète à deux faces : une situation sauvage et sadique et une répression, représentées par le geôlier et une situation de résistance et de bravoure représentée par le prisonnier palestinien qui a réussi à maintenir sa présence en tant qu'être humain, à former son identité en tant que militant et à faire face à ces conditions pour les transformer en école de la véritable révolution.
Source : www.arabs48.com
Traduction : R. Ousseiran
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