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Israël - 7 décembre 2003
Par Radhika Sainath
"FERME-LA, FERME- LA, PAS DE DISCUSSION, JE SUIS LA POLICE"
C'est avec ces paroles brutales que la jeune activiste non-violente pour les droits humains et volontaire de l'International Solidarity Movement (ISM) Radhika Sainath a été enlevée par un officier de la police secrète israélienne à la sortie du Tribunal de Tel-Aviv, où elle était venue témoigner dans une procédure qu'elle a entamée contre l'Etat d'Israel.
Quelle crainte le gouvernement israélien doit-il avoir de la désobéissance civile non-violente contre l'occupation, pour qu'il passe beaucoup de temps, d'argent et d’énergie dans l'enlèvement et l'arrestation d'une femme américaine de 25 ans, activiste non-violente pour les droits humains ?
Pendant les 10 mois que j'ai passé en Cisjordanie comme volontaire de l'International Solidarity Movement, je me suis préparée à tout : des écoliers palestiniens obligés d'attendre des heures aux checkpoints ou des fermiers détenus et battus par des soldats israéliens alors qu'ils ramassaient leurs olives avec leurs familles. Néanmoins, je n'ai jamais pensé que je pourrais être observée, suivie et enlevée par la police secrète israélienne comme je le fus jeudi 4 décembre 2003.
Laissez-moi commencer par le commencement.
J'ai été arrêtée en même temps que 9 autres personnes, en novembre 2002, pendant une marche pacifique de Palestiniens, Israéliens et internationaux contre la construction du mur dans le village de Jayyous en Cisjordanie , à environ 7 kms au-delà de la Ligne Verte.
La poursuite judiciaire que j'ai entamée contre l'Etat d'Israël pour cette arrestation illégale était prévue au début pour le jeudi 27 novembre, quelques jours avant mon départ programmé d'Israël et l'expiration de mon visa de touriste. Cependant, l'avocat défendant l'Etat d'Israël, Yariv Ligomsky, s'est arrangé pour que mon témoignage soit repoussé d'une semaine, utilisant ce moyen technique.
Pour pouvoir répondre à ce problème de retard provoqué par l'avocat de l'Etat d'Israël, j'ai dû acheté un nouveau billet d'avion et j'ai dépassé de 5 jours mon séjour autorisé, car je ne pouvais pas renouvelé mon visa de touriste en raison des grèves au Ministère de l'Intérieur.
J'ai témoigné au Tribunal le 4 décembre. N'ayant jamais témoigné auparavant, j'ai pensé que le contre-examen serait difficile, voire même piégé. Cependant, les questions de Yariv sont apparues inconsistantes, hors de propos et parfois complètement stupides, ce que le juge Geldstein a remarqué, je pense.
Yariv a fait de telles bourdes, comme celle de montrer des photos de la manifestation de Jayyous montrant les soldats israéliens en train de tirer sur des civils, et s'emparant de force d'une caméra vidéo, ce qui a contribué ainsi à m'aider, en apportant la preuve des violentes actions de l'armée contre les protestataires pacifiques. (Il faut noter, néanmoins, que Yariv était accompagné d'un acolyte, Gutman, plus intelligent et mieux habillé, qui le dirigeait parfois pendant l'audience).
Après le témoignage, j'ai quitté le Tribunal de Tel Aviv en même temps que 6 activistes des droits humains israéliens et internationaux, puis nous avons pris un bus du centre ville pour aller manger. 15 minutes plus tard, alors que nous sortions du bus et commencions à marcher, un officier de la police secrète israélienne en civil, s'est approché de moi, m'a dit que j'étais en état d'arrestation pour être rentrée illégalement en Israël et a demandé à voir mon passeport.
Alors que je fouillais dans mon sac, deux autres officiers en civil sont apparus, surgissant de voitures de police bleu marine. Le premier officier de police (qui était présent lors de mon témoignage au Tribunal) a commencé à me pousser, disant que je devais aller à la camionnette "là-bas" .
Alors que je donnais à mes amis les coordonnées de mon avocat, Shamai Leibowitz, l'officier de police a crié : "FERME-LA, FERME-LA, PAS DE DISCUSSION, JE SUIS LA POLICE", en me poussant devant un bus puis m'entraînant de l'autre côté de la rue, sous une pluie battante.
Là, j'ai vu une camionnette blanche sans plaque d'immatriculation. Avant que je n'ai eu le temps de fermer mon parapluie, la police m'a poussée dans la camionnette, a fermé les portes à clé, de toute urgence.
A l'intérieur de la camionnette, j'ai demandé à la police comment ils savaient que mon visa avait expiré avant même de l'avoir vérifié, la réponse : "Nous sommes la police, nous savons tout".
Ils m'ont emmené au centre de détention de l'immigration à Holon (en dehors de Tel Aviv) où j'ai été "accueillie" par un officier de la police des frontières très en colère qui a refusé de s'identifier. Je lui ai demandé 3 fois son nom et il m'a répondu : "Je suis un agent des frontières c'est tout ce que vous devez savoir".
J'ai demandé si je pouvais appeler mon avocat, et il a dit : "Après" . A ce moment là, il m'a interrogée et j'ai déclaré que je ne répondrais à ces questions seulement qu'en présence de mon avocat. Il m'a dit que je serais transférée en prison et déportée d'Israël. "DE NOUVEAU, vous savez ce que je veux dire" (mais je n'ai jamais été déportée).
Pendant ce temps, mon avocat, Shamai Leibowitz était en route venant du Tribunal avec une décision du juge disant que je devais comparaître devant le Tribunal dans une heure et demandant pourquoi la police m'avait kidnappée d'une telle façon. J'ai demandé à l'officier de police gardant la pièce où exactement j'étais détenue, et il m'a répondu : "Vous ne répondez pas à nos questions, alors nous ne répondons pas aux vôtres".
A 7 heures du soir, ils m'ont dit de me préparer, car c'était mon tour d'y aller. J'ai réussi à les faire patienter un moment, mais juste comme je recevais un message texte de Shamai, qu'il était arrivé, la police a commencé à me faire sortir.
Nous sommes arrivés à la porte, l'officier de police et moi, et j'ai entendu la voix de Shamai de l'autre côté.
L'officier de police m'a soudain emmenée de l'autre côté et j'ai dit "Shamai ! ?"
La porte s'est entrouverte, mais je n'ai pas été autorisée à parler à mon avocat et j'ai été ramenée dans un autre endroit quelques mètres plus loin. Quelques minutes après, la police a décidé de désobéir aux ordres du juge, et m'a emmenée à l'aéroport.
Alors qu'un policier m'empoignait et commençait à m'emmener, j'ai entendu Shamai dire "Ne la touchez pas" et j'ai dit "Ne me touchez pas, ne me touchez pas" Al Tiga Be (en hébreu ne me touchez pas) et "Vous n'êtes pas autorisé à me toucher, vous êtes un officier mal".
A ce moment-là, il m'a libérée de son emprise. Une femme officier est venue, m'a attaché les mains brutalement et m'a traînée vers l'extérieur.
J'ai passé la nuit dans une cellule près de l'aéroport, et, le matin, la police m'a escorté à l'audience du Tribunal de Tel-Aviv (ils m'ont même escorté dans les toilettes - qu'est qu'ils croyaient, que je sauterais d'une fenêtre non existente des toilettes ?)
A notre surprise, les avocats défenseurs de l'Etat d'Israël sont arrivés une heure et demie en retard, et ont fait pression pour que le 3ème juge transfère l'audience à une autre cour. Ils ont alors dit à un 4ème juge que je devrais rester en détention jusqu'à ma déportation parce que j'allais me "cacher" dans les Territoires Occupés et que je ne monterai pas dans l'avion, et que chaque fois que je viens en Israël, je vais "illégalement" résider à Tulkarem et dans des villages de Cisjordanie , défiant l'interdiction d'entrer en zone A. En réalité, Il n'y a pas d'interdiction israélienne pour les étrangers de rester dans les Territoires Occupés.
Finalement, j'ai été relâchée tard hier soir (samedi) après avoir passé 53 heures en détention illégale. Une somme de 5 000 shekels (approximativement 1000 dollars) a été déposée, à condition que je reste à Tel-Aviv en état d'arrestation jusqu'à mon départ le 12 décembre, date à laquelle mon ami israélien Ronen m'emmenera personnellement à la police de l'immigration de l'aéroport.
Yariv a fait appel de cette décision auprès de la Haute Cour de Justice, assurant que je devrais être incarcérée jusqu'à mon départ d'Israël, mais il a retiré son appel aujourd'hui, dimanche. Actuellement, je suis sous mandat d'arrêt à Tel-Aviv et je ne suis pas autorisée à quitter le domicile d'un ami israélien.
Pourquoi les autorités israéliennes font tant de choses, allant jusqu'à envoyer une équipe d'agents secrets pour enlever et déporter une activiste non-violente des droits humains ?
Pourquoi la police ne m'a pas tout simplement arrêtée au Tribunal, après mon témoignage, si j'avais violé la loi comme ils l'ont prétendu ?
Quelle menace pense-t-ils que je représente ?
Franchement, les autorités israéliennes voulait m'arrêter, loin de la presse, de mon avocat et de mes supporters, puis me mettre dans un avion, avant que cette démarche illégale soit stoppée. Ils ont peur qu'une poursuite judiciaire comme celle que j'ai entamée, démontre publiquement que les méthodes employées pour écraser l'opposition non-violente dans les Territoires Occupés sont à la fois illégales et immorales.
Le fait est que, la police a choisi d'employer des méthodes sophistiquées de menace et d'intimidation indiquant ainsi que le gouvernement israélien ne tolérera pas d'opposition non-violente à ces politiques.
Mon arrestation est encore un autre exemple des efforts des autorités israéliennes pour empêcher des groupes non-violents comme l'ISM de soutenir les Palestiniens dans leur résistance non violente à l'occupation israélienne et à la construction du mur qui s'enfonçe profondémment en Cisjordanie , et d'empêcher ISM de propager des informations dans le monde sur les violations quotidiennes des droits humains commis contre les Palestiniens dans les Territoires Occupés.
Pour plus d'information :
Radhika Sainath (anglais) - 065 203 596
Ronen Eidelman (hebreu ou anglais) - 053 561 580
Attorney Shamai Liebowitz (hebreu ou anglais - 064 414 505
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : MDB
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Radhika Sainath