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ISM France - Archives 2001-2021

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Naplouse -

Nouvelle visite dans la vallée de Saba'tash

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Nous escortons régulièrement 2 malades d'Asira qui ont besoin d'être dialysés trois fois par semaine à Naplouse. Les malades sous dialyse sont particulièrement faibles juste avant de recevoir leur traitement, et la femme et l'homme âgé concernés ont besoin, tous les deux, d'être transportés à dos d'âne.

La route menant d'Asira ( au nord de la Cisjordanie ) à Naplouse, est fermée à la circulation par des barrages de terre, au sommet et en bas de la colline. Les piétons ne sont pas autorisés à passer non plus, car cette route est " zone interdite" apparemment pour protéger la route militaire qui la traverse.

Au lieu de l'emprunter, les palestiniens qui veulent se rendre d'Asira à Naplouse ou vice versa, sont supposés faire un long détour à travers le village de Sabastiya, en passant par les points de contrôle de Shave Shomron et de Beit Iba. Il n'y a aucune raison particulière qui fasse que ces points de contrôle soient fermés. Beit Iba a été fermé à tous les étudiants en droit, les professeurs et quelques cas médicaux ces 3 dernières semaines.

La plupart des palestiniens essaient de passer furtivement à travers la vallée de Saba'tash, échappant aux soldats postés pour les arrêter. Ceux qui sont capturés sont en général détenus pendant 4 à 12 heures, avant d'être renvoyés de là ou ils venaient. Une ancienne inscription témoigne des humiliations des détenus.

Nous escortons régulièrement 2 malades d'Asira qui ont besoin d'être dialysés trois fois par semaine à Naplouse. Les malades sous dialyse sont particulièrement faibles juste avant de recevoir leur traitement, et la femme et l'homme d'un certain âge concernés ont besoin, tous les deux, d'être transportés à dos d'âne. Prenant le risque d'être détenus et harassés, ils empruntent la vallée de Saba'tash chaque dimanche, mardi et jeudi matin, rentrant chez eux dans la soirée. Malgré leurs documents médicaux, les soldats leur accordent rarement le droit de passer s'ils se font prendre et les gardent fréquemment toute la journée. Les deux malades quittent habituellement leur maison à 4h30 du matin, en espérant passer avant que les soldats ne prennent position.

Un jour, Kay et moi sommes arrivés à 6 heures, pour constater que tous les deux avaient été renvoyés après avoir attendus une heure. Avec les soldats assis au sommet de la colline et refusant que des personnes s'approchent, nous avons tous essayé de passer à travers une oliveraie dans un long vallon. Manque de chance, nous avons été repérés. Sous les cris de " Ta'hal. Venez ici sinon nous tirons " nous sommes retournés jusqu'à la route. Kay a grimpé la colline jusqu'aux soldats pour négocier, pendant que je restais avec les deux malades en bas, ainsi qu'avec le fils de Bilel conducteur de l'âne, et 10 enseignantes. Les soldats ont demandé que je monte aussi; " montez, vous avec la chemise bleue " paroles qui furent accueillies par des réponses de colère des femmes qui attendaient.

"Non, vous venez ici. Arrêtez de crier. Shu Malak, qu'est ce qui ne va pas avec vous? venez ici! parlez arabe!". La faiblesse de Bilel avait atteint un tel point qu'elle dût s'allonger sur la chaussée pour récupérer un peu de force. L'enseignante la plus sympathique et qui se faisait le plus entendre me dit de dire à mon gouvernement que les femmes sont obligées de se coucher sur la route, de décrire le manque de véhicule, de nourriture et d'eau. " Tout ce que nous voulons c'est aller à Naplouse pour enseigner dans nos écoles".

Alors que Kay argumentait avec les soldats pour obtenir le passage des 2 malades, les enseignantes commencèrent leur propre manifestation. " Capitaine, regarde. Bilel est morte!.Matat Bilel. Allah Akbar! Allah Akbar! comme il n'y avait aucune réponse des soldats positionnés en haut de la colline, les enseignantes stoppèrent un véhicule blindé de transport de troupes passant par là en se plantant devant lui, demandant que le conducteur téléphone aux soldats d'en haut. Ce n'est pas clair si ceci a eu un quelconque effet, la pression de Kay finalement a porté ses fruits, et bientôt elle nous a crié de monter les malades.

Laissant les enseignantes derrière, nous sommes montés au sommet de la colline, le vieil homme sur l'âne et Bilel, qui s'affaiblissait rapidement, soutenue par son fils et une enseignante. immédiatement le commandant commença à crier des ordres " non, pas elle, renvoyez là" en direction de l'enseignante. Aussi, ai-je pris la place de l'enseignante, tenant le bras droit de Bilel d'une manière tout à fait inappropriée culturellement pour un homme, dans un autre contexte. Nous suivions lentement, précédés par le vieil homme et l'âne. Le fils de Bilel et moi-même lui soutenions les bras pour minimiser le poids qu'elle devait porter. Le soleil, dur, brillait sur les traces récentes de tanks incrustées dans la chaussée. Des cartouches de M16 gisaient éparses, j'en attrapais une avec ma sandale.

Après une marche de quelques minutes, nous nous sommes reposés puis nous sommes repartis. Alors que l'âne se déplaçait loin devant nous, nos arrêts devinrent plus fréquents. Le monde extérieur sembla disparaître alors que nous nous concentrions pour avancer et monter dans notre environnement immédiat. La respiration de Bilel devint de plus en plus audible, moins assurée, tout ceci plus ou moins inquiétant. Nous marchions 10 mètres, nous arrêtions, de nouveau 10 mètres, nous arrêtions. Bilel soupirait alors que nous avancions, avant de nous reposer de nouveau. La pente se prolongeait en plein soleil. Son écharpe élégante et colorée enserrait un visage à la fois beau et perpétuellement triste. Seules ses sandales marrons détonaient sous sa longue robe verte, jolie et ample.

Alors qu'il devenait plus difficile de marcher, le fils de Bilel commença à désespérer. Un moment donné, il dit à sa mère d'attendre, courant après l'âne, loin devant, hors de notre vue. Elle resta debout sans bouger, se reposant sur mon épaule, pendant 2 minutes, puis insista pour continuer à marcher. Les périodes de pose devinrent de plus en plus rapprochées, et nous ne parcourions plus qu'à peine 2 mètres avant de nous arrêter. J'abandonnais les 2 bouteilles d'eau et les pretzels que je transportais pour mieux la soutenir.

Nous avons finalement atteint un coin d'ombre et un tournant. Nous avons tourné à droite, confronté à une terrible vue: le chemin d'escalade vide, ni âne, ni Kay, ni soldats en vue. Un léger cri s'est échappé des lèvres de Bilel. Malgré cela, elle continua à marcher , s'appuyant lourdement et de plus en plus sur moi. Nous nous déplacions d'un pas lourd, pas de plus en plus réduits, la respiration de Bilel devenant elle aussi plus lourde, et moins régulière. Soudain nous avons rencontré Kay et 2 soldats dans un espace en retrait. Comme Kay marchait dans notre direction, Bilel est tombée sur son épaule, pleurant doucement. J'ai couru plus haut pour chercher son fils et l'âne, mais ils descendaient déjà en galopant dans notre direction.

Comme le fils plaçait l'âne de côté et aidait Bilel à monter sur une pierre, les soldats nous crièrent d'arrêter. Ils m'ont ordonné de reculer. Le commandant voulait avoir la preuve que Bilel ne portait pas de ceinture d'explosifs avant de l'autoriser à monter sur l'âne. Elle descendit, d'elle même, avec précaution, et remonta ses manches découvrant furtivement des traces de marques marrons sur son bras de la grosseur d'une grosse noisette. Ce n'était pas suffisant pour le soldat qui demanda que le fils de Bilel lui remonte sa jupe la serrant autour de sa taille pour montrer qu'elle ne cachait rien.

Je ne me souviens pas avoir été aussi prêt de donner un coup de poing à un soldat, qu'à ce moment là.Finalement Bilel s'installa sur l'âne, et nous avons pu monter la colline - jusqu'à ce que nous atteignions les 2 prochains soldats. Ils ont essayé de nous appeler pour se plaindre du fils de Bilel, mais nous les avons dépassés rapidement, de plus en plus désespérés.

En atteignant le point de contrôle au sommet de la colline, et les abords de Naplouse, nous avons pu nous détendre. Un léger sentiment d'avoir accompli quelque chose, se mélangea aux émotions, celles du désespoir et de la colère. Bilel reprit un peu de force à la vue d'un taxi prêt à les emmener d'urgence à l'hôpital.

Elle dit brièvement au revoir à son fils " je te vois dans quelques heures pour le trajet du retour à la maison ".

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