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Palestine - 16 janvier 2005
Par Rim al-Khatib
Un des aspects les plus inhumains que l'occupation fait peser sur les prisonniers et leurs familles concerne la visite familiale. D'habitude, on considère la question du point de vue des prisonniers qui réclament que les visites de leurs familles soient régulières, qui réclament que leurs familles puissent leur apporter ce dont ils ont besoin.
Mais c'est du point de vue des familles que nous pouvons également aborder la question pour comprendre «la traversée de l'enfer», terme utilisée par une mère de prisonnier.
Il y a plus de 7500 prisonniers palestiniens, répartis entre les prisons centrales (dirigées par le ministère de l'intérieur) et qui se trouvent toutes dans l'Etat sioniste, les camps de détention, dirigés par l'armée sioniste, un se trouvant en Cisjordanie et deux dans l'Etat sioniste, et les centres de détention et d'interrogatoire situés en Cisjordanie et dans l'Etat sioniste. Les tribunaux militaires sont situés soit en Cisjordanie , soit dans l'Etat sioniste.
L'emplacement des prisons et des tribunaux détermine le genre de visites que les familles peuvent effectuer. Pour les prisons centrales et les camps de détention, les familles ne peuvent s'y rendre que par l'intermédiaire de la Croix-Rouge Internationale.
Mais les visites peuvent être interdites dans les deux sens :
l'interdiction de visite peut être prononcée contre le prisonnier, par mesure de punition, et les prisonniers se battent pour que ces mesures soient levées et l'autorisation de visite fut une des revendications lors de la grève de la faim ;
L'autre interdiction concerne les familles. Des milliers de familles de Cisjordanie et de la bande de Gaza n'ont pas le droit de visiter leurs enfants, ils sont catalogués sous le terme ridicule "interdits sécuritaires".
Dans la majorité des familles, les épouses, les mères et pères, les enfants âgés de plus de 16 ans, sont des interdits sécuritaires pour l'Etat sioniste.
La mère du député Hussam Khadr, par exemple, Umm al-'Abd, est «interdite sécuritaire», de même que ses frères et ses soeurs. Seuls les enfants du député prisonnier, âgés entre 13 et 6 ans, peuvent le visiter.
Umm al-'Abd est d'ailleurs «interdite sécuritaire» pour tous ses déplacements, elle ne peut se rendre au pèlerinage à la Mecque, en Jordanie, à Al-Quds, depuis que son fils a été arrêté et emprisonné.
Représente-t-elle un danger pour la «sécurité de l'Etat sioniste» ?
Absolument pas, mais pour les autorités d'occupation, il s'agit d'une forme d'exaction gratuite visant à rendre la vie des gens insupportable, afin de prouver leur autorité répressive.
Dans les familles, on trouve rarement des adultes qui ne soient pas des "interdits sécuritaires", qui ne peuvent donc visiter les prisonniers.
Donc, ce sont les enfants qui visitent les frères, les soeurs, les pères et mères derrière les barreaux.
A Naplouse, un des responsables du Hamas a, il y a près de deux mois, reçu la visite de sa fille de 4 ans, toute seule.
D'après les témoignages des autres visiteurs, le prisonnier n'arrivait pas à la voir, tellement elle était petite.
Comment se déroulent les visites ou La traversée de l'enfer
Très tôt le matin, entre 5 h et 6 h du matin, les visiteurs se rassemblent devant les sièges de la Croix-Rouge de la ville concernée : Naplouse, Jénine, al-Khalil, etc.
C'est la Croix-Rouge qui remet l'autorisation de visite aux familles, avec les dates, en fonction des prisons visitées :
Naqab, Beer Saba', Shatta, etc. Ceux qui habitent dans les villages doivent se lever encore plus tôt, pour parvenir à ce point de rassemblement.
Dans les cars de la Croix-Rouge, la majorité sont des enfants.
Quelques adultes sont heureusement là, ceux qui ne sont pas jugés par les sionistes comme des interdits sécuritaires.
Le car se met en marche. Il est arrêté aux barrages, les enfants et les adultes sont fouillés à chacun de ces barrages, ils descendent des cars et remontent, ouvrent les paquets qu'ils emmènent aux prisonniers et les referment.
Selon la destination, les cars passent par deux ou quatre barrages.
Vers midi, les cars arrivent à destination. Les visiteurs descendent avec leurs paquets.
A Beer Saba', par exemple, les familles sont parquées dans un hangar, en hiver, et sous le soleil, en été, pendant des heures.
Elles sont fouillées, trois fouilles par personne qui va entrer rencontrer le membre de sa famille qui se trouve en prison. Selon les prisons et selon les périodes, les fouilles sont plus ou moins humiliantes.
Les femmes sont entièrement dénudées dans certaines prisons.
C'est ce qui est d'ailleurs arrivé à la mère d'un prisonnier de Gaza, dont la mère très âgée a été gravement humiliée pendant les fouilles.
Pour avoir protesté contre ce traitement inhumain et sauvage, le prisonnier Hani Jaber de la ville d'al-Khalil, emprisonné à deux perpétuités, a été mis en isolement pendant 33 mois. Et les cas d'humiliation des familles ne sont pas rares, surtout envers les femmes.
Pour les enfants, c'est le traumatisme le plus total. Ahmad Khadr, le fils du député Hussam Kadr, âgé de 6 ans, a dû passer la journée suivant la visite à l'hôpital, tellement il était fiévreux et retourné.
Pour Rasmi venu du camp al-Fawwar avec sa petite soeur pour visiter leur frère à Beer Saba', c'est la violence la plus gratuite qui s'exerce contre lui : il a été emmené au poste de police pour être battu, pendant 5 heures, alors que sa soeur l'attendait seule, dans le hangar de la prison, ne sachant pas si elle retournerait chez elle avec ou sans son frère.
Une mère de famille raconte : "Ils nous déposent dans le hangar comme si on est des criminels. Nous sommes entourés de barbelés, l'endroit est sale, et en été, le soleil tape fort, mais ils n'ont aucune considération pour nous. Ils veulent nous humilier par leurs attitudes envers nous, comme si on était des animaux".
Dans ces hangars, des machines pour acheter des boissons et des friandises font patienter un peu les plus jeunes.
Les familles doivent supporter tout cela pour visiter pendant 40 minutes seulement les prisonniers. Et selon les prisons, la visite se déroule dans de mauvaises ou très mauvaises conditions. Tout d'abord, aucun contact physique n'est possible.
Une vitre en plastique trouée vers le haut sépare les prisonniers des familles. Les visites sont collectives. Les gens parlent tous ensemble, chacun au prisonnier qu'il visite. Les enfants affirment qu'ils n'entendent rien, tout d'abord les trous sont très élevés pour eux, et ensuite, le brouhaha des voix les dérange.
Dans d'autres prisons, c'est le téléphone entre le prisonnier et les visiteurs qui est l'intermédiaire.
Parfois, la visite n'a pas lieu, malgré le déplacement. C'est ce qui est arrivé à une mère venue voir son fils. Le jour même de la visite, son fils est transféré vers une autre prison. Elle dit, stoïque : «ils savaient la date de la visite, mais ils le font délibérément. Pour nous rendre la vie impossible».
Quand la visite est terminée pour les uns, il faut attendre dans ces hangars mal fâmés, surveillés par les policiers en armes, que les autres familles entrent. Cela dure des heures.
Pour les paquets spécialement amenés pour les prisonniers, certaines prisons les acceptent, d'autres les renvoient.
Ainsi, des couvertures ont été refoulées, avec les familles, en plein hiver.
Pour les plats soigneusement préparés par les mères et les épouses, ils sont acceptés dans les campements mais non dans les prisons centrales, mais pas tout le temps.
Des familles ont vu les plats être jetés et piétinés, sous leurs yeux.
Cela dépend de l'humeur des gardiens et des soldats ou bien des directives qu'ils reçoivent ?
Il ne faut plus poser des questions quand on est en face de l'occupant.
A la tombée de la nuit, les familles remontent dans les cars. Certains cars arrivent vers 22 heures, et aux familles habitant dans les villages de venir récupérer les enfants. L'épouse de Badrane Jaber, dans la ville d'al-Khalil, en récupère chez elle, lorsque les familles n'ont pas les moyens, à cause des barrages, de venir récupérer leurs enfants tard le soir.
La Croix-Rouge, une collaboration évidente avec l'occupant
Il est vrai que la Croix-Rouge organise ces visites, mais elle le fait selon les termes et les conditions des autorités sionistes. Dans d'autres pays, la Croix-Rouge parvient à faire pression sur les autorités pour améliorer, pour changer quelque peu les conditions.
Mais dans le cas de la Palestine, la Croix-Rouge ne fait rien, sinon accepter toutes les conditions et toutes les entraves mises par l'autorité des prisons.
Récemment, les familles ont reçu des photos des leurs, 3 par prisonnier.
C'est la Croix-Rouge qui a fait faire ces photos. Cadeau dérisoire par rapport à l'attitude de compromission qu'elle mène concernant les prisonniers et leurs familles.
Pourquoi la Croix-Rouge ne proteste pas contre les "interdits sécuritaires" imposés par l'occupant ?
Comment la Croix-Rouge peut-elle accepter le transport de tous ces enfants dans ces mauvaises conditions ?
Pourquoi la Croix-Rouge ne proteste pas contre les multiples barrages de l'armée qui ralentissent les cars ?
Pourquoi la Croix-Rouge ne proteste pas contre ces hangars mal fâmés où sont accueillies les familles ?
Pourquoi ne proteste-t-elle pas contre les fouilles humiliantes des enfants et des femmes ?
Trop de questions à poser à la Croix-Rouge, et les familles sont de plus en plus conscientes de ce rôle de collaboration que la Croix-Rouge mène avec l'occupant. Pour beaucoup de familles, la Croix-Rouge donne du crédit aux autorités de l'occupation, au lieu de les dénoncer.
La présence de la Croix-Rouge n'améliore rien, au contraire, elle permet de faire croire que les autorités sionistes agissent dans le cadre des lois internationales, alors qu'il n'en est rien.
C'est le rôle de collaboration entre la Croix-Rouge et les autorités sionistes qu'il faut dénoncer fermement si nous voulons que les familles puissent voir leurs enfants dans la dignité. Il faut exiger de cet organisme international qu'il fasse pression sur les autorités sionistes, étant donné qu'il est le seul accrédité à jouer un rôle, en faveur des prisonniers et de leurs familles.
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