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Nabi Saleh - 14 décembre 2011
Par William
William milite avec ISM. Son nom a été changé.
Avec sept autres camarades de l'ISM, nous participions aux funérailles de Mustapha Tamimi tué deux jours plus tôt à Nabi Saleh par des soldats israéliens lors de la manifestation hebdomadaire contre la colonisation.
D'abord à Ramallah puis dans son village de Nabi Saleh, des centaines de personnes, palestiniens et internationaux, ont accompagné le corps de Mustapha et soutenu sa famille. Nous marchions sur les débris des grenades lacrymogènes et les balles en caoutchouc tirées les semaines précédentes. Lorsque le corps est entré une dernière fois dans la demeure familiale, j'ai reconnu la maison où un mois plus tôt, j'avais été abrité par la famille lorsque les soldats israéliens étaient entrés dans le village. J'avais bu le thé avec un couple âgé : c'étaient les parents de Mustapha.
Après l'enterrement, une partie de la foule est allée manifester en direction du checkpoint. Les quelques pierres lancées par les jeunes ont servi de prétexte aux militaires pour riposter avec des tirs de lacrymogène et un canon à eau chimique puante.
Une autre partie de la manifestation, menée par les amis et les sœurs de Mustapha, est alors descendue dans les champs en contre-bas du village, pour exiger le départ des soldats qui s'y trouvaient. Les Palestiniens ont demandé aux internationaux de les rejoindre.
D'abord réticent, j'ai couru vers la route israélienne lorsque j'ai vu un groupe pris à partie par les soldats. Je savais qu'il y avait déjà deux camarades des ISM avec eux. Avec un camarade tchèque, il a fallu nous y reprendre à plusieurs fois pour traverser le champs car les soldats nous tiraient délibérément dessus, en tir tendu, avec des grenades lacrymogènes, et ce malgré nos mains levées en l'air en signe de non-agressivité.
Quand j'ai pu rejoindre le terre-plein de la route, j'ai vu un groupe de jeunes femmes palestiniennes ainsi qu'une camarade ISM encerclées par les soldats qui tentaient de les arrêter. Je m'agrippe à l'une d'elle. Le groupe se tient fermement enlacé pour que personne ne soit séparé. Nous tombons au sol. Un soldat me plaque le visage contre le bitume avec sa main et appuie son bras contre ma gorge, me coupant la respiration. Je me dégage une première fois et je reprend ma position dans le groupe. Un camarade catalan de l'ISM nous rejoint et je l'entends crier. Le soldat me tire à nouveau en arrière et entreprend une nouvelle fois de m'étouffer. Je lui crie d'arrêter (''please stop!''). J'avais perdu beaucoup de force avec ce système et je m'imaginais perdre connaissance s'il y avait une troisième tentative d'étouffement. Je lâche donc mes compagnons et deux soldats m'entrainent contre une jeep où ils me garrotent les mains dans le dos.
Je suis rejoins par deux autres activistes, israéliens. Je crie à une photographe française que je connaissais de prévenir mes camarades. Je reprends mes esprits, je commence à me moquer des soldats qui tirent sur des femmes isolées. Je leur explique ironiquement que l'armée française elle au moins, elle se bat contre les talibans en Afghanistan, pas contre des adolescents et des ''touristes'' désarmés. Cela a eu l'air de les vexer puisque l'un d'eux me fait une clé de bras en me repoussant contre la jeep. Je tire ensuite la langue aux journalistes qui nous prennent en photo. Je souhaite enfin une bonne journée aux voitures de colons qui continuaient à circuler, au ralenti, sur la route (''have a nice day'').
Avant de devoir monter dans une jeep, j'aperçois mon camarade catalan en train de porter une personne dans une ambulance, juste à proximité des soldats. Je m'imagine qu'il est arrêté également, ce qui n'était pas le cas.
Les soldats nous amènent au poste militaire de la colonie, nous sommes cinq activistes arrêtés : quatre israéliens de l'organisation Anarchist against the wall et moi-même. Nous sommes retenus dans une pièce pendant une heure. On nous apporte une bouteille d'eau mais nous avons tous les mains attachées dans le dos. J'essaie de détendre mes liens comme on fait dans les films. Je me fais mal. J'arrête.
Nous sommes ensuite transférés vers un poste de police plus important à vingt kilomètre de Jérusalem, Shar Benyamin. On nous coupe nos liens, puis on nous fait attendre trois heures dans un couloir.
Après ce temps, d'autres policiers viennent, nous fouillent et nous retirent tous les objets en notre possession. A ce moment, alors que nous n'avons manifesté aucune résistance, nous sommes à nouveau menottés et je suis conduit avec un des activistes israéliens dans une minuscule cellule qui ne peut que contenir deux chaises, et nous y attendons deux heures et demi supplémentaires. Durant ce temps, des amis des Israéliens ont apporté des provisions que nous partagerons.
Je dois saluer ces quatre activistes qui m'ont donné de nombreux conseils avant mon interrogatoire, qui m'ont traduit en anglais ce que les policiers disaient en hébreu et ont vérifié les documents qui me concernaient.
Neuf heures après mon arrestation, je suis enfin conduit dans un bureau où deux policiers (l'un écrit, l'autre me traduit en anglais) m'annoncent les charges qui me sont reprochées. J'aurais participé à une manifestation illégale, bloqué une route, empêché les soldats de faire leur travail et jeté des pierres. Ils me demandent si, en France, de simples ''touristes'' pourraient faire une manifestation contre le pays qu'ils visitent. Je leur réponds que oui car la France est une démocratie. Ils me tendent alors un rapport rédigé en hébreu qu'ils me demandent de signer. Je demande à ce qu'il soit traduit au moins en anglais. Le policier me relit alors les trois premières lignes puis descend en bas du premier paragraphe et me demande de signer. Je refuse, il s'énerve et m'explique qu'il considère que nous avons trop de droits.
Ayant refusé de signer le procès-verbal, je m'attends à passer la nuit au poste. Pourtant, après avoir relevé mes empreintes digitales et m'avoir pris en photo de face et profil, les policiers me rendent mes affaires et me signifient que je peux partir. J'ai l'interdiction de revenir à Nabi Saleh durant quinze jours sous peine d'être expulsé d'Israël et d'être interdit d'y retourner.
A l'extérieur du commissariat, deux des activistes israéliens qui ont été relâchés et un de leurs ami m'attendent et me proposent de me déposer à la périphérie de Ramallah (le commissariat est situé au milieu de nulle part). Les deux autres activistes sont retenus pour la nuit, d'autres charges pèsent contre eux.
Ce que je peux retenir de cette expérience, c'est que même après le meurtre d'un civil, les militaires continuent d'exercer d'énormes pressions sur les Palestiniens désarmés. Les arrestations d'internationaux ne sont souvent que des séances de vexation visant à décourager. Mais ce n'est rien comparé à ce que peuvent subir les Palestiniens arrêtés.
Ensuite, même si leur nombre est infime, il existe encore des citoyens israéliens qui refusent et combattent la politique de conquête de leur État. Leur présence aux funérailles d'un Palestinien tués par l'armée de leur pays est un geste extraordinaire de solidarité et de fraternité. Ils sauvent l'honneur de leur société.
Enfin, personnellement il m'en faudra un peu plus pour me décourager d'agir en solidarité avec le peuple palestinien.
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