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Gaza - 9 juin 2008
Par Mohammed Omer
Le siège de Gaza a de nombreuses strates. Je travaille comme journaliste, au milieu des attaques israéliennes, par air et au sol, quasi quotidiennes, au milieu des massacres interminables et des destructions des terres et des moyens d'existence, que la pénurie critique de fuel, de nourriture, de médicaments, d'électricité pour les appareils médicaux et l'électricité pour mon travail rendent encore plus insupportables.
17 mai 2008 : les bateaux de pêche de Gaza immobilisés dans le port à cause du blocus sioniste. Photo Mohammed Omer
Récemment, je suis revenu d'un travail sur le terrain pour trouver les joyeuses nouvelles de John Pilger, j'avais remporté le Prix du Journalisme Martha Gellhorn 2008, avec mon collègue respecté Dahr Jamail.
C'est la meilleure nouvelle que j'ai reçue depuis des mois. Alors que j'écris, je suis toujours ravi et honoré d'une telle reconnaissance. Mais depuis ces premières minutes pendant lesquelles on m'expliquait que je devais être à Londre le 16 juin pour recevoir mon prix, mes pensées galopent, cherchant un moyen de sortir de Gaza.
Comment puis-je sortir alors qu'Israël n'autorise même pas les cas médicaux les plus urgents à sortir pour un traitement, une décision qui, selon le Ministère de la Santé de Gaza, a causé la mort de plus de 165 personnes ?
Les réalités des frontières bouclées et du siège m'ont dégrisé, transformant mon euphorie en pragmatisme. La vérité, c'est que nous, les 1,5 millions de citoyens de Gaza, ne sommes pas libres de quitter notre prison. Le camp de réfugiés de Rafah, au sud de la Bande de Gaza, est ma ville natale, à laquelle j'appartiens et où je vis depuis 23 ans, avec mes six frères, ma sœur, mes parents et notre famille élargie.
A l'origine, ma famille est venue de Yebna, un village près de Tel Aviv, un parmi tant d'autres que les gens ont dû quitter en 1948. J'ai été le témoin du massacre d'innocents et des démolitions de maisons à Rafah. C'est pourquoi, à 17 ans, j'ai senti que je devais devenir journaliste. Au début, je ne pouvais pas faire beaucoup plus qu'observer. Je n'avais pas d'appareil de photo, pas d'ordinateur, juste un petit carnet de notes dans lequel j'écrivais ce qui se passait. J'écrivais des articles et je les gardais pour moi, comme souvenirs.
Ce carnet est enseveli sous les décombres de notre maison démolie. Un jour, en mars 2003, je suis revenu chez moi, dans les gravats de ce qui avait été ma maison, ravagée par les bulldozers israéliens. Ils faisaient de la place pour le Mur de Fer d'Israël qui sépare Gaza de l'Egypte. Tout ce qui était matériel a été détruit lors de cette démolition. Les énormes bulldozers de l'armée ont aspiré les deux étages de notre maison, avalé nos livres, nos meubles, nos vêtements et tous ces objets quotidiens précieux pour notre famille. Deux choses sont restées : le souvenir et l'espoir. Le souvenir du passé, et l'espoir de l'avenir.
La plupart de mes frères ont été blessés par les forces israéliennes au cours des invasions. Un a été tué. Notre maison est située près de la frontière de Gaza. Jusqu'à 2005, lorsque les troupes israéliennes se sont techniquement retirées de Gaza, nos voisins étaient les tanks et les bulldozers israéliens. Nous avons vécu sous occupation, et ainsi j'ai continué à écrire, à joindre des journaux et des magazines internationaux partout dans le monde.
A mon grand étonnement et dépit, même les médias locaux ne rapportaient pas la réalité. La presse internationale n'a rien couvert des démolitions et des massacres quotidiens à Gaza. Au contraire, ces injustices ont rencontré des oreilles sourdes, ou des rapports à l'évidence faux.
Mon ambition fut de faire sortir la vérité, non pas en tant que pro-palestinien ou anti-israélien, mais en tant que voix et témoin indépendant, posant des questions et défiant la compréhension internationale. Je voulais donner une voix aux morts réduits au silence et aux gens ordinaires qui continuent à se battre : les étudiants, les fermiers, les enseignants, les enfants, les malades, les réfugiés, etc. Je voulais offrir leurs paroles et leurs histoires aux lecteurs d'Europe et d'Amérique du Nord.
L'année dernière, j'ai été invité aux Pays Bas pour une tournée de conférence. D'une manière incroyable, j'ai pu sortir de Gaza, par Israël et le Pont Allenby de Jordanie, plutôt que par le terminal de Rafah, qu'il était impossible de traverser, bien qu'il soit à quelques minutes de chez moi. J'ai réussi grâce à l'aide de Hans van Ballen, un membre du parlement danois.
Aujourd'hui, recevoir le prix Martha Gellhorn, un immense honneur, est une raison supplémentaire d'essayer de sortir de Gaza une fois de plus. Cependant, je crains qu'il ne me soit impossible d'exprimer ma gratitude, en personne, aux organisateurs et à ceux qui m'ont soutenu.
Mais, récompense ou non, je continuerai à dire la vérité sur Gaza, dans l'espoir qu'un jour, nous serons libérés de ce siège mortel et que nous pourrons voyager, comme n'importe quel être humain.
Source : IMEMC
Traduction : MR pour ISM
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