Fermer

S'inscrire à la mailing list ISM-France

Recevez par email les titres des derniers articles publiés sur ISM-France.

Votre adresse courriel

Fermer

Envoyer cet article

Votre adresse courriel
Envoyer l'article à
Votre message
Je profite de l'occasion pour m'abonner à la newsletter ISM France.
ISM France - Archives 2001-2021

Imprimer cet article Envoyer cet article
Article lu 1700 fois

Hébron -

Une journée monotone de plus dans la peur

Par

Scott Weinstein est membre de l’Alliance Juive contre l’Occupation, de Montréal. Il travaille actuellement en Palestine avec le Croissant Rouge palestinien comme infirmier.

Nous, qui sommes juifs, devons arrêter de nous mentir. Nous devons absolument venir en Palestine pour témoigner. Témoigner et aussi nous rendre compte de ce qu’Israël et les Etats-Unis sont en train de faire en notre nom. Alors, nous pourrons nous faire une opinion claire et savoir si nous pouvons aussi vivre avec ça, ou pas.

Une journée monotone de plus dans la peur


Graffiti de colon sur le puits d’Abraham
Photo : Christian Peacemaker Teams (CPT) - Hébron

Je suis horrifié par ce dont je suis témoin en Palestine.

Non, personne n’a été tué, ni battu ni arrêté dans la région au cours de mon séjour de quelques jours ici.

Je n’ai entendu ni vu aucun tank, ni hélicoptère ou F-16, et je n’ai pas non plus assisté à aucun raid..

La plupart des checkpoints israéliens étaient ouverts.

Il n’y a pas eu d’attaques suicides.

Je n’ai entendu personne hurler contre qui que ce soit, excepté un adolescent palestinien criant à des petits garçons d’un camp de réfugiés d’arrêter de nous lancer des pierres.

Je n’ai pas vu de bulldozer aplatir le sol, les maisons palestiniennes ou les oliviers pour faire place à ce mur profanateur de séparation , le « Mur de la Haine » comme l’appellent les dissidents israéliens, et je n’ai pas été menacé par des colons armés ou autre.

Oui, ailleurs, des Palestiniens ont été tués par l’armée, mais je n’ai fait que le lire, probablement comme vous autres.

Vraiment, il ne se passe tellement "rien" que les journalistes de mon hôtel repartent chez eux parce que "il ne se passe rien d’intéressant", juste le quotidien de la vie ordinaire.

Nouveau visiteur, je ne suis pas choqué de découvrir une vérité cachée sur Israël et la Palestine. Tout ce dont j’ai été témoin ici m’avait été décrit au préalable et j’imagine que c’est pareil pour vous.

Je suis consterné de constater que la réalité accablante de la simple vie quotidienne sous occupation, est derrière les mots et les images.

Ce qui effraie tellement, c’est que la domination israélienne sur la vie palestinienne soit si peu dramatique.

La domination israélienne sur la Palestine est calme, bien qu’elle s’exerce implacablement, mètre par mètre, maison par maison.

C’est, comme l’écrivait Hanna Arendt, « la banalité du mal ».


Hier je suis allé à Hébron en Cisjordanie . La journée est demeurée calme. Le long de l’autoroute, outre les checkpoints, il y avait des troupeaux d’ados.juifs venus d’Amérique du Nord avec des organisations comme le Birthright Israël, qui attendaient de partir pour un circuit des colonies.

Si j’étais arrêté à un checkpoint, je m’étais préparé à cacher mon identité juive aux soldats israéliens, parce la loi veut que les Juifs et les Israéliens qui ne sont pas des colons n’ont pas le droit d’entrer dans les villes palestiniennes.

Nous, les Juifs, avons apparemment quelque chose à nous cacher mutuellement en Cisjordanie . A l’intérieur d’Israël même, des millions de Palestiniens et de Juifs vivent ensemble et en paix sans soldat, ni mur, ni couvre-feu pour les séparer.

Un barrage militaire dans Hébron a dévié notre minibus palestinien vers une route dangereuse et boueuse, creusée au flanc de la montagne. A l’intérieur tout le monde était terrifié.

Situé au centre d’Hébron, une ville importante, il y a une petite extension de la colonie juive de Qiryat Arba qui commence dans la banlieue. Hébron, hier, était trop monotone pour les médias.

Au centre de la ville, il y a un barrage militaire et un check point mobile. Il y a un an, cela s’étendait sur trois rues. Presque trop monotone pour le mentionner. A l’intérieur du périmètre du barrage, le commerce palestinien court à la faillite.


L’armée enferme les quartiers palestiniens, dont plusieurs sont construits aux abords d’un cimetière palestinien. Elle protège la colonie comme une propriété privée et vole à la rescousse des colons qui se font attraper à l’extérieur en train d’attaquer des Palestiniens sans méfiance.

Il y a des graffitis haineux, néo-nazis, de la Jewish defense League, tagués en anglais dans le cimetière . "Arabes, dans les chambres à Gaz".

Une mère palestinienne, portant son enfant de deux ans nous a dit que son fils de douze ans qui jouait dans le jardin a été blessé à la tête par une pierre lancée par un colon.

Elle nous montre le "Tuez tous les Arabes" tagué sur sa porte d’entrée. Sa voisine nous offre le thé et explique qu’ils ne l’effacent pas « parce qu’il recommenceront aussitôt »

Je regarde le carton qui recouvre le trou fait dans une petite fenêtre par les soldats stationnés au-dessus de la maison et qui ont tiré dessus.

Le mur extérieur d’un autre voisin a été tagué : « Attention Fatima, nous violerons toutes les femmes arabes ». Ces femmes vivent à un bloc d’habitation de la colonie de Qiryat Arba, et on voit bien d’où viennent les graffitis. Mais ce ne sont que des mots, n’est-ce pas ?

Il y a aussi ce silence de fantôme sur le seul marché autrefois animé du voisinage, le Marché central d’Hébron, maintenant abandonné parce qu’il est tombé dans le périmètre de la colonie/armée. Le marché, fermé par l’armée il y a deux ans, vient juste de rouvrir. En fait, s’il y a une douzaine de boutiques ouvertes, des centaines d’autres ne le sont pas.

Des ombres intrigantes, comme des treillages s’allongent dans l’allée du marché et quand on lève les yeux, on s’aperçoit qu’elles proviennent d’une barrière qui agit comme un filet. Un filet destiné à attraper des pierres, pas des poissons, lancées par les colons depuis les appartements qui surplombent les boutiquiers et les marchands palestiniens juste au-dessous.

Mais il n’y a pas eu de jet de pierres quand j’y étais. Croyez moi, en dehors d’échanges de vœux « Saalam », « Saalam Alekem » avec les passants, ce fut un dimanche tranquille

Shlomi un volontaire des Forces israéliennes de Défense venu du New-Jersey et moi avons bavassé à propos de sa scolarité à Boston, près de là où vit ma famille, tandis qu’il vérifiait mon passeport près de la colonie.

A partir du checkpoint de Shlomi, je remonte une rue palestinienne calme et je comprends que tout le monde est parti, sauf une vieille femme palestinienne qui regarde par la fenêtre d’un second étage protégée par des barreaux, et nous dit « Salaam ».

En dessous une étoile de David s’étale à la peinture, largement taguée sur sa porte d’entrée et sur beaucoup d’autres portes. Les symboles hébreux recouvrent les symboles des magasins palestiniens.

Nous rencontrons Steve de Minneapolis, un autre volontaire de l’‘IDF qui, il y a à peine quelques semaines, dansait dans le club de Minneapolis où Prince se produit.
Il ne veut pas rester à Hébron : "il n’y a rien ici" mais, c’est là qu’est stationnée son unité. Steve dit que s’ils n'y étaient pas obligés, les 2/3 des soldats ne répondraient jamais à l’appel.

On se demande alors comment les juifs israéliens peuvent croire sérieusement à la sécurité que l’occupation apporte, s’ils sont forcés à servir dans l’armée..

Les soldats que nous saluons semblent tous aimables, agacés, tandis qu’ils vérifient au hasard les cartes d’identité des Palestiniens.
A l’intérieur de la colonie, des ouvriers philippins sont en train de construire une très belle Yeshiva (école religieuse juive). Une délicieuse jeune française la fait visiter à des touristes..

Pourtant, c’était un jour calme à Hébron. Plutôt monotone en réalité.

Mais nous savons qu’un groupe ethnique casse les vitres d’un autre groupe, peint des messages de haine sur ses portes, ferme ses boutiques, l’empêche de circuler, lui envoie des patrouilles armées, permet aux plus violents d’entrer dans ses quartiers pour lancer des attaques et les expulser.

Nous avons vécu ça dans le passé, n’est-ce pas ? Nous nous souvenons de ce que ça signifie. Nous savons ce qui pourrait advenir ensuite.

La merveille de l’histoire, c’est que le pire n’est pas toujours sûr. Nous pouvons empêcher le nettoyage ethnique des Palestiniens et nous pouvons empêche le fascisme et le colonialisme de définir la nouvelle identité juive.

Nous, qui sommes juifs, devons arrêter de nous mentir. Nous devons absolument venir en Palestine pour témoigner. Témoigner et aussi nous rendre compte de ce qu’Israël et les Etats-Unis sont en train de faire en notre nom. Alors, nous pourrons nous faire une opinion claire et savoir si nous pouvons aussi vivre avec ça, ou pas.

Et si nous ne le pouvons pas, alors il est urgent d’ajouter nos voix et notre énergie solidairement avec nos sœurs et nos frères israéliens et palestiniens qui combattent pour vivre ensemble sans peur.

Source : http://electronicintifada.net/

Traduction : CS

Faire un don

Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.

Oui ! Je soutiens ISM-France.


Contacter ISM France

contact@ism-france.org

Suivre ISM France

S'abonner à ISMFRANCE sur Twitter RSS

Avertissement

L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.

Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.

D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

A lire également...
Même lieu

Hébron

Même sujet

Colonies

Même auteur

Scott Weinstein

Même date

24 décembre 2003