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Cisjordanie occupée -

Urif, ou la lutte quotidienne pour étudier

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Urif est un petit village perché en haut d’une colline, non loin de Naplouse. La vue y est belle et dégagée. Une autre colline la surplombe. Un Palestinien nous raconte qu’avant les années 80, les habitant-e-s allaient s’y promener et pique-niquer, mais depuis que des colons s’en sont emparés, ce n’est bien sûr plus un lieu de villégiature.

Urif, ou la lutte quotidienne pour étudier

« (…) Derrière son bureau, des bombes de gaz lacrymogènes ramassées dans la cour. Il les garde là, comme des preuves d’un quotidien douloureux, aberrant. »
Personne n’oserait s’en approcher trop près tant les colons y sont dangereux. « Les plus dangereux de toute la Cisjordanie , avec ceux de Kyriat Arbat, à Khalil [Hébron] » affirme le gardien de l’école que nous rencontrons. Il ajoute d’ailleurs qu’il arrive que des colons de Kyriat Arbat viennent se joindre à ceux de Yitzhar pour attaquer les villages environnants.

Etabli en 1983, Yitzhar abrite une communauté de religieux extrémistes qui s’est étendue ces dernières années. L’arrivée de jeunes colons a accru les attaques depuis cinq ans. « Et c’est pire d’années en années » explique-t-il. Le démantèlement par les autorités israéliennes de l’avant-poste Baladim en juin 2017, considéré comme trop violent et extrémiste même par les autorités israéliennes, a entraîné un afflux de jeunes colons à Yitzhar. Pour autant, elles ne font rien pour empêcher les attaques criminelles récurrentes à l’encontre des Palestiniens.

À Urif, le dernier bâtiment du village avant la colonie est le collège des garçons. Alors ici, on ne sait jamais si les élèves pourront étudier jusqu’à 13h30, heure de fin de leur journée d’école. Ayed Al Qot (photo ci-dessous) le directeur du collège nous explique que depuis septembre, le personnel a été obligé d’évacuer l’établissement sept fois. La situation est pire que l’année dernière. Derrière son bureau, des bombes de gaz lacrymogènes ramassées dans la cour. Il les garde là, comme des preuves d’un quotidien douloureux, aberrant.

Photo

Chaque jour, il y a cette angoisse de voir les colons arriver et jeter des pierres sur le collège. Dans ces cas-là, le gardien de l’établissement prévient les professeurs, le ministère de l’Education palestinien et contacte les habitant-e-s du village et la police palestinienne (qui ne vient jamais, ajoute-t-il). Les élèves renvoient les pierres aux colons et les habitant-e-s viennent se joindre à eux pour défendre l’école et le village. Les soldats, qui observent de loin les attaques des colons, viennent alors réprimer la réponse des Palestiniens. Gaz lacrymogènes, bombes assourdissantes, rubber coated bullet (1) et même balles réelles. Il y a moins de deux semaines, cinquante colons ont attaqué l’école. Plusieurs élèves ont été blessés par balles et ont été conduits à l’hôpital. Difficile de savoir si les tirs venaient des colons ou de l’armée, nous confie Ayed Al Qot. Une chose est sure, c’est que tuer des gens ne semble pas poser de problème à ces colons, et c’est arrivé plusieurs fois.

Photo
Un colon d’Yitzhar surveille les activités dans le village palestinien


Lundi dernier, c’est à l’aube qu’ils ont attaqué, ne permettant même pas l’ouverture de l’école. Les affrontements ont duré plus de cinq heures.

Alors face à ces agressions permanentes, l’abandon scolaire est élevé, bien plus élevé que dans d’autres villages, explique le directeur. Et le programme est difficile à tenir.

Lorsque l’école est attaquée, les cours sont annulés et les élèves renvoyés chez eux. Durant la classe, les jeunes garçons ont du mal à se concentrer, prêtant davantage attention aux mouvements de l’extérieur qu’à leur professeur.

L’équipe enseignante réfléchit donc à des alternatives pour faire en sorte qu’ils puissent suivre tous les enseignements : donner des cours l’après-midi et le week-end dans le centre du village par exemple. Elle souhaiterait également du soutien pour construire une barrière de sécurité et installer un toit au dessus d’une partie de la cour de récréation. Autant de solutions qui n’en sont pas vraiment, face à une situation où personne n’est là pour les protéger et mettre fin à la politique de terreur des jeunes colons. Certains parents capitulent et décident de changer leur enfant d’école.

Photo
La colonie sioniste Yitzhar vue depuis le collège d’Urif


Chaque jour, le gardien fait un tour du collège avant l’arrivée des élèves pour être sûr qu’aucun colon ne s’y est introduit. Lorsque les cours commencent, il se poste sur le toit de l’école ou sur la route devant le bâtiment. Des professeurs lui demandent régulièrement si les colons sont en chemin, inquiets. Difficile d’étudier mais aussi d’enseigner sereinement dans un tel environnement.

Ce jour-là, on aperçoit des colons en haut de la colline. Le gardien prévient des habitant-e-s, l’information circule vite. Des voitures font des allers-retours pour voir l’évolution de la situation. Un parent d’élèves nous explique qu’il quitte quasiment quotidiennement son travail pour venir, dès qu’il apprend que des colons rodent. Difficile d’imaginer le quotidien de ces personnes, plongés dans une attente sans fin. Plusieurs heures passent, un homme du service de sécurité de la colonie nous observe depuis la colline, armé. On distingue des silhouettes de colons, bâtons en main, puis elles disparaissent. L’attente se poursuit. A 13h30, la sonnerie de l’école retentit, ils n’auront pas attaqué aujourd’hui, laissant un peu de répit aux élèves.



En Palestine, le temps semble parfois suspendu. Les gens attendent.

Ils attendent les attaques des colons, sans savoir à quels moments elles auront lieu.

Ils attendent les démolitions de leur maison par la police israélienne lorsqu’elles sont construites en zone C de « manière illégale » (2), faute de permis délivrés par les autorités israéliennes.

Ils attendent aux checkpoints, soumis au bon vouloir des soldats israéliens pour les passer.

Ils attendent aussi la sortie de prison des êtres chers, parfois sans savoir quand ils seront libérés.

Et puis, il y a une autre attente bien sûr, celle de voir un jour cette terre libérée.


(1) Balles en fer recouvertes de caoutchouc.
(2) La zone C représente 60 % du territoire de la Cisjordanie , elle est sous contrôle total des autorités israéliennes pour la sécurité et l’administration. Les demandes de permis de construire des Palestinien-ne-s sont quasi systématiquement rejetées.

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