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Palestine -

Au-delà des négociations stériles : à la recherche de dirigeants porteurs d'une stratégie

Par

Noura Erakat est palestinienne, avocate et militante pour les droits de l'homme. Elle est actuellement professeur adjoint en droit humanitaire international au Moyen-Orient à l'Université Georgetown.

Compte-tenu de l'échec abject de l'Organisation de Libération de la Palestine, incapable de préserver les droits palestiniens depuis sa création il y a plusieurs décennies, il est plus que temps d'explorer comment peut être élaborée une stratégie de libération nationale et par qui. Dans cet article, la conseillère politique de Al-Shabaka Noura Erakat examine le vide de direction politique laissé par les Accords d'Oslo puis le rôle de la diaspora palestinienne dans la création de nombreux réseaux transnationaux qui ont essayé de remplir le vide de gouvernance de l'autorité. Elle aborde ensuite le rôle du Comité national pour le Boycott et la stratégie du BDS comme approche fondée sur les droits de l'homme sans programme politique. Erakat tirent également les leçons de l'expérience sud-africaine et aborde les dangers d'une réconciliation sans solutions révolutionnaires.

Au-delà des négociations stériles : à la recherche de dirigeants porteurs d'une stratégie

Manifestation contre les négociations avec l'occupation, Ramallah, 4 février 2011
A la recherche d'un leadership palestinien : l'effondrement de l'OLP et de l'AP

La direction palestinienne est brièvement revenue aux vieilles tables des subtilités diplomatiques pour négocier une voie de négociations. Ce retour marque une régression alarmante par rapport à la position de confrontation que la direction a prise en septembre 2011, lorsqu'elle a porté son cas devant les Nations-Unies. Ensuite, revigorés par le message de libération du Président Mahmoud Abbas à la communauté internationale, les Palestiniens ont pensé possible que la direction retire la lutte pour l'auto-détermination du cadre stérile des négociations bilatérales et la place sur la scène internationale. En l’occurrence, la décision de l'OLP de reprendre des négociations, pour un certain temps, a brisé tout espoir que les dirigeants palestiniens aient une vision stratégique de libération nationale. Pendant les 18 années du "processus de paix", la population coloniale a plus que doublé, la Vallée du Jourdain a été déclarée "zone militaire fermée", le mur d'annexion a exproprié 12% de la Cisjordanie , avec 62% de la Cisjordanie hors contrôle palestinien, la Bande de Gaza a été réduite au dénuement sous le pilonnage de la guerre et le blocus, et le nettoyage ethnique de Jérusalem s'est considérablement accéléré. Dans ces circonstances, tout retour aux négociations, même bref, ne peut être ni justifié ni pardonné. Sans une stratégie de libération nationale palestinienne, des négociations sont contre-productives aux intérêts nationaux palestiniens.

Le mandat électoral de l'Autorité Palestinienne des 2,5 millions de Palestiniens cisjordaniens a expiré depuis longtemps et, même s'il était en vigueur, l'AP ne "représente" qu'un quart de la population palestinienne. On peut donc se demander, à juste titre, quel autre organe peut développer de façon responsable une stratégie de libération nationale qui soit plus représentative que ce que l'AP/OLP ont été capable d'offrir pendant plus de vingt ans, et si oui, quels pourraient être ses objectifs.

L'absence de programme politique représentant les aspirations nationales palestiniennes suit l'érosion régulière de l'OLP suite aux Accords d'Oslo. Dans un article non publié, "Grandeur et décadence de l'OLP : une histoire de l'Organisation de Libération de la Palestine", Seif Dana écrit :

"L'accord d'Oslo a préparé le terrain à la disparition de l'OLP, tant comme structure que comme programme, amorçant en son sein un conflit entre des bureaucrates liés à la nouvelle classe dirigeante, et des personnalités professant les idéaux de libération et d'indépendance de l'OLP. Cette rivalité inévitable s'est intensifiée au fur et à mesure que l'AP a progressivement remplacé l'OLP comme structure politique et la nature de la question palestinienne a été sensiblement redéfinie."

Les tensions entre les objectifs et la structure de l'AP et ceux de l'OLP se sont exacerbés avec la victoire électorale du Hamas en janvier 2006, et à nouveau, lorsque l'AP, sous les auspices de l'OLP, s'est rapprochée des Nations-Unies pour devenir un Etat membre.

En réponse immédiate à la victoire législative du Hamas, les Etats-Unis, Israël et l'Union européenne ont imposé des sanctions sur l'AP, déclarant que le Hamas était "une organisation terroriste". Ces tensions se sont envenimées entre le Fatah, le parti politique laïque jadis dominant dirigé par feu le Président de l'OLP Yasser Arafat, et l'Autorité palestinienne. Elles ont atteint leur paroxysme lorsque le Hamas a mis en déroute le Fatah à Gaza en juin 2007, dans ce qu'on peut décrire comme un coup d’État préventif, qui a abouti à un gouvernement palestinien politiquement et géographiquement bifide. Par la suite, les États-Unis et Israël ont repris leur aide financière et diplomatique à l'AP à dominance Fatah, procurant ainsi à ce parti une influence considérable sur le programme politique palestinien officiel.

Enlisés dans un conflit fratricide, les dirigeants palestiniens ont consacré davantage d'énergie à affirmer leur contrôle sur le Territoire occupé plus qu'ils en ont passé à combattre l'occupation coloniale ou l'apartheid. Ni le Hamas ni le Fatah, ni leur gouvernement éphémère d'union nationale n'a jamais représenté la nation palestinienne dans son entièreté. Le conflit a conduit des amis tout comme des ennemis à se demander, "qui parle pour les Palestiniens ?"

Les Palestiniens ont à nouveau posé cette question à l'approche de septembre 2011, lorsque l'AP/PLO a présenté sa demande d'adhésion aux Nations-Unies. Depuis 1974, l'OLP, qui aime à rappeler au monde qu'elle est "le seul représentant légitime du peuple palestinien", a eu le statut d'observateur à l'ONU, quand l'Assemblée générale a adopté la résolution 3236. La candidature d'Etat a soulevé la crainte que si les Nations-Unies accordait le statut de membre à la Palestine, l'AP, qui ne représente le Territoire palestinien occupé, supplante l'OLP en tant qu'organe palestinien représentatif de la communauté dans son ensemble. Les Palestiniens vivant dans la Diaspora ont craint d'être complètement exclus de la représentation nationale palestinienne. La menace d'une telle exclusion a poussé de nombreux Palestiniens dans la Diaspora à refuser la candidature de membre en termes explicites.

La montée du BNC et des réseaux de la Diaspora

L'appel de 2005 de la société civile palestinienne au boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), signé par plus de 170 organisations de la société civile, a vu l'émergence du Comité national BDS (BNC) pour diriger le mouvement mondial qui se coalisait autour de la nécessité de répondre par des mesures économiques non violentes aux violations du droit international par Israël. Outre des représentants des organisations de la société civile, le BNC comprend maintenant une représentation des forces politiques palestiniennes sous la forme de la Coalition des Forces nationales et islamiques. En fournissant un point de référence palestinien central et une assistance faisant autorité pour la solidarité mondiale, le BNC a partiellement rempli le vide laissé par la disparition d'une OLP jadis dominante, même si il n'a aucune prétention de le faire.

De plus, l'appel BDS de 2005 a ancré l'auto-détermination palestinienne dans le cadre universel du droit international et des normes des droits de l'homme, sur la base de trois exigences : fin de l'occupation et de la colonisation de toutes les terres arabes, pleine égalité pour les citoyens arabo-palestiniens d'Israël, et le droit au retour des réfugiés palestiniens. Il n'offrait cependant pas une vision ou un programme politiques. Omar Barghouti, membre fondateur du mouvement BDS et du BNC, explique, "Le BNC ne prend pas parti dans le débat palestinien sur la solution d'un Etat contre celle de deux Etats." Bien sûr, les trois revendications fondées sur les droits et consacrées dans l'appel BDS, sont nécessaires mais pas suffisantes pour la réalisation de l'auto-détermination nationale. De plus, elles ne correspondent pas à un programme politique particulier parmi les Palestiniens.

Au contraire, le Réseau de la Communauté palestinienne aux Etats-Unis (USPCN), un réseau non partisan de Palestiniens vivant en Amérique du Nord, a émergé en 2006 pour doter les Palestiniens et les Arabes de la diaspora aux Etats-Unis d'une direction représentative et responsable, en réponse à leur exclusion de l'AP/OLP. Andrew Dalack, un des dirigeants, explique que "l'USPCN répond à un besoin du corps national palestinien en fournissant un organisme par lequel les Palestiniens de la diaspora peuvent exercer une influence sur leur propre auto-détermination et sur l'avenir de la Palestine." En réponse à la candidature d'Etat, l'USPCN a appelé les alliés à "refuser totalement et catégoriquement l'initiative d'Etat, une diversion qui met en danger, de manière injustifiée et irresponsable, les droits et les institutions palestiniens."

De même, le Mouvement de la Jeunesse palestinienne (PYM), un mouvement populaire de jeunes Palestiniens, en Palestine et dans quelques 11 autres pays du monde arabe, d'Europe et d'Amérique du Nord, a dès le début adopté un programme politique. Loubna Qatami, coordonnatrice générale internationale de PYM, explique : "Depuis les premiers jours de la création du PYM, (...) nous savions que nous tentions de remplir un vide, un espace politique dont aucun organe actuel ni solution ne semblait s'occuper..." Le PYW s'est opposé à la candidature d'Etat et a accusé l'AP/OLP d' "abuser de la résistance et des sacrifices du peuple palestiniens et de les exploiter, en particulier ceux de Gaza, et même de détourner le travail de solidarité internationale des organisations de la base populaire... [la candidature] ne sert qu'à dilapider tous les efforts faits pour isoler le régime colonial et lui demander des comptes."

Comme l'USPCB et le PYM, le BNC a aussi essayé de combler le vide politique. Contrairement à ces autres organisations, cependant, le BNC ne cherche pas à représenter la volonté collective du corps national palestinien, mais plutôt de constituer une référence fiable pour la solidarité internationale. Bien qu'il se distingue de la Diaspora et des réseaux transnationaux, le BNC a aussi vivement critiqué la candidature d'Etat, déclarant qu'elle était "insuffisante", et a exhorté "les gens de conscience et les groupes internationaux de solidarité à édifier un mouvement BDS de masse, aux Etats-Unis et ailleurs dans les pays les plus puissants, avant et après Septembre."

Le BNC est actuellement, parmi toutes ces organisations dans la Diaspora, celle qui se rapproche le plus de la représentation des intérêts nationaux dans leur ensemble. Cependant, il a fermement refusé de remplir un mandat politique. Barghouti insiste, "Le BNC n'est pas, et n'aspire pas, à devenir un organe politique alternatif. Le leadership politique du peuple palestinien doit rester dans les structures de l'OLP (...)." Toutefois, parce que le BNC ne cherche qu'à être une référence faisant autorité au sujet du BDS, la tactique, et le lexique qui l'entoure, a souvent été confondue avec une stratégie de libération nationale.

La position du BNC soulève deux défis principaux pour le corps politique palestinien. En premier, le fait que le BNC ne revendique pas de mandat représentatif équivalent à celui de l'OLP crée une confusion parmi les groupes de solidarité qui peuvent en conséquence adopter un appel pour les droits de l'homme, mais sans être rattachés à un programme politique. Deuxièmement, en l'absence d'une stratégie de libération nationale, les principaux succès BDS ne peuvent développer que l'appel pour les droits ; ils ne peuvent pas obtenir l'auto-détermination palestinienne.

Qutami souligne le danger d'amalgamer le BDS à une tactique stratégique avec l'objectif du mouvement lui-même. Elle impute ce risque au manque d'une stratégie nationale plus large, "Il n'y a aucune base, aucun projet, aucune trajectoire, aucune conviction et stratégie collectives pour garantir au mouvement le sens continu des responsabilités."

Les droits de l'homme sans programme politique

En bref, il reste aux Palestiniens du monde entier à répondre aux questions pressantes sur la représentation et la stratégie de libération nationale. Parmi ces questions :
1. Les Palestiniens iraient-ils jusqu'à soutenir l'annexion du territoire palestinien occupé afin d'inaugurer une ère de lutte pour l'égalité au sein d'un territoire singulier et d'un régime officiel ?
2. Les colonies devront-elles être intégrées d'un point de vue racial ou complètement démolies ?
3. L'amendement des lois israéliennes garantissant l'égalité suffira-t-il à changer son caractère de juif à laïque ?
4. Les citoyens palestiniens d'Israël devraient-ils se centrer sur une lutte pour les droits ou devraient-ils définir un cadre global de lutte contre le nettoyage ethnique à l'intérieur d'Israël ainsi que dans le territoire palestinien occupé ?
5. Quel est le rôle de l'AP, si jamais elle en a un, comme résultat d'Oslo ? Doit-elle être boycottée, démantelée ou exploitée, comme l'a récemment suggéré Hanan Ahrawi, membre du Comité exécutif de l'OLP ?
6. Quel type d'économie les Palestiniens veulent-ils soutenir ?
7. Avec quels Etats et mouvements internationaux devraient s'allier les Palestiniens pour un soutien économique, politique et sécuritaire ?
8. Quel est le rôle de la résistance armée ? Si elle est toujours à l'ordre du jour, comment s'associe-t-elle à l'action directe non violente ?

Il est intéressant de noter qu'en 2011, le PYM a retiré de sa charte toute référence à d'une approche basée sur les droits parce que, selon un consensus de ses membres, elle leur faisait perdre de vue la nécessité d'une mobilisation des groupes de la base populaire parmi les communautés palestiniennes. Une approche similaire a inspiré l'action des Freedom Riders, lorsqu'un groupe d'activistes palestiniens indépendants est monté, par défi, dans des autobus réservés aux colons allant à Jérusalem-Est pour dénoncer la nature insidieuse de la ségrégation israélienne institutionnalisée des territoires spatiaux publics et privés. L'action a attiré l'attention internationale et des éloges pour avoir mis en lumière le système d'apartheid israélien. Elle a aussi suscité une controverse parmi les Palestiniens dont certains l'ont vue, à tort, comme une demande de faire cesser la ségrégation coloniale et son système de transport ostracisant plutôt que de libérer les terres sur lesquelles elle s'étend. La controverse a permis une discussion saine parmi les Palestiniens sur les limites du discours sur les droits de l'homme. Les deux approches montrent la tension entre une approche fondée sur les droits et un programme politique visant clairement à parvenir à l'auto-détermination et à la libération nationale.

Malgré ces tensions intra-palestiniennes, une approche basée sur les droits reste une référence essentielle pour les activistes de la solidarité internationale. Hannah Mermelstein, membre dirigeant d'Adalah-New York et militante pour les droits de l'homme de longue date, note, "Chaque Palestinien de la rue ne milite pas forcément pour le BDS, mais c'est une plateforme avec laquelle très peu de Palestiniens sont en désaccord. C'est un ensemble de droits, un cadre, et pour moi, c'est au moins aussi important que la tactique elle-même". Bien que l'approche du BNC fondée sur les droits puisse sans doute constituer un dénominateur commun parmi les Palestiniens, son manque de programme politique limite structurellement sa capacité à parvenir à l'auto-détermination.

Les leçons de l'Afrique du Sud

L'expérience de la lutte contre le régime d'apartheid sud-africain offre-t-elle une piste qui transcende les tensions entre une approche fondée sur les droits de l'homme et un programme politique de libération nationale ? Il y a bien sûr des différences entre les cas palestinien et sud-africain. Par exemple, l'appel à boycotter l'Afrique du Sud de l'apartheid a été lancé par des Etats africains en 1961 et adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unis en 1962 (résolution 1761). Au contraire, l'appel BDS de 2005 a été lancé par une large coalition d'associations et de réseaux de la société civile palestinienne, n'a été que partiellement soutenu par l'Autorité palestinienne, et n'a été adopté par aucun régime arabe, et encore moins par l'Assemblée générale des Nations-Unis.

Et pourtant, malgré son apparente cohésion, le mouvement de boycott sud-africain a souffert lui aussi de divisions internes. Bill Fletcher Jr., chercheur et ancien président du Forum TransAfrica, note que bien que le Congrès national africain (ANC) fut le parti politique sud-africain le plus connu aux Etats-Unis, d'autres partis, comme le Congrès pan-africain (PAC) et le Mouvement populaire Azania (Azapo), existaient. Chacun représentait des mouvements distincts influencés par la politique nationale et internationale. Comme dans le cas de la Palestine, la solidarité internationale eut de nombreux choix pour une référence faisant autorité. Contrairement au cas de la Palestine, cependant, explique Fletcher, "la solidarité était très large et il n'y a jamais eu besoin de choisir son camp, de choisir à quelle organisation se rallier." Au contraire, les militants de la solidarité s'étaient engagés à mettre fin à l'apartheid, bien que, comme le note Fletcher, "personne ne savait vraiment ce que signifierait la fin de l'apartheid." En dépit du manque de vision politique commune, les militants de la solidarité convenaient que la victoire inclurait un gouvernement de la majorité noire, la fin de la ségrégation, la redistribution des terre et la libération de tous les prisonniers politiques.

Le défi à l'appel sud-africain pour le boycott n'a pas émerger de tensions internes mais plutôt du travail de solidarité des Afro-Américains. En particulier, les forces qui s'opposaient à l'appel radical pour le boycott se sont coalisées autour des Principes Sullivan, élaborés par le Révérend Leon Sullivan. Malgré leur illustre héritage, le "plan pour mettre fin à l'apartheid" de Sullivan était une "diversion", comme le dit Fletcher : "Le but de Sullivan était de délégitimer l'ANC et le PAC (...). Les gens qui soutenaient les Principes Sullivan étaient opposées aux forces BDS aux Etats-Unis et aux forces révolutionnaires en Afrique du Sud."

Barghouti souligne que des luttes similaires existent au sein du mouvement BDS contre Israël, où "certains groupes sionistes "soft" ont tenté, à différents stades, quelquefois désespérément, de diluer les exigences de l'appel BDS en les limitant à la fin de l'occupation de 1967, et d'occulter la référence palestinienne du mouvement BDS mondial, mais leurs tentatives ont définitivement avorté." Bien que ces tentatives "sionistes douces" aient leur propre programme politique, elles mettent aussi en lumière le problème de l'absence d'un programme politique et la dépendance à une approche fondée sur les droits. Dans ce contexte, les activistes peuvent, et sont souvent encouragés à exprimer leur soutien aux droits de l'homme indépendamment de la volonté politique du peuple qu'ils prétendent soutenir.

Des solutions politiques non révolutionnaires

La possibilité qu'on puisse obtenir des droits sans solution révolutionnaire est aussi apparue comme une menace pour le mouvement anti-apartheid sud-africain. Fletcher note que bien que des activistes aient reconnu que la lutte afro-américaine pour l'égalité était réglée par la voie législative et sans solution révolutionnaire, "il était fréquent qu'ils pensent que parce que l'ANC et le PAC avaient des armées, (...) il y aurait une élimination [des systèmes répressifs]."

Bien sûr aujourd'hui, les mouvements populaires armés sont marginalisés comme organisations terroristes. En tout cas, le potentiel de transformation révolutionnaire devra sans doute émerger d'une plateforme politique, économique, sociale et civile. Le défi le plus urgent à ce stade est de décider qui concevra cette plateforme, et comment ils le feront, et de définir l'ampleur de sa portée géographique, et la pertinence de sa représentation politique.

A cette fin, le mouvement pour la revitalisation du Conseil national palestinien (PNC) peut s'avérer important. Suite à la diffusion par Al-Jazeera des infâmes "Palestine Papers", les Palestiniens du Liban, de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, des Territoires occupés et à l'intérieur d'Israël ont exigé une direction politique plus responsabilisée.
La réanimation du PNC faisait partie de ces exigences du mouvement décentralisé. Cette revendication s'est depuis cristallisée dans un mouvement mondial et coordonné pour, d'abord, l'inscription des Palestiniens à octobre 2012, puis l'organisation d'élections au PNC. Même après la clôture des inscriptions, et à supposer que les élections au PNC soient acceptées comme légitimes par un corps national palestinien identifiable, la question du "et après ?" continuera de peser lourd.

Nour Joudah, étudiante et militante palestinienne de Washington, note que ces questions trouveront vraisemblablement leurs réponses dans la pratique plutôt que dans les salles de réunion. Elle commente, "Nous allons travailler tout azimut - BDS, manifestations, presse de la solidarité internationale et relations publiques. Et à travers tout cela, nous continuerons à discuter du "et après ?" incertain avec une direction politique apparemment non concernée par la résistance."

La réponse de Joudah semble la plus proche du modèle sud-africain pour une transformation révolutionnaire : travailler sur tous les fronts tout en abordant la question centrale de la stratégie de libération nationale et de la direction nécessaire pour y parvenir. L'arène politique palestinienne comprend actuellement un organe politique non représentatif qui prétend diriger, dans les cercles internationaux (l'AP/PLO), un mouvement puissant de la société civile qui cherche à obtenir les droits palestiniens sans revendiquer une représentation ou un programme politique (le BNC), des groupes plus petits mais croissants dans la diaspora qui aspirent à une représentation politique (l'USPCN et le PYM), et une initiative naissante qui est en quête d'une représentation nationale par des élections universelles au PNC. Dans ce contexte, la stratégie la plus efficace semble bien être de lutter pour les droits tout en travaillant sur un programme politique et de concevoir une direction représentative, en particulier à une période où un monde de plus en plus favorable à la cause palestinienne élargit progressivement son soutien aux aspirations nationales des Palestiniens.

Source : Al-Shabaka

Traduction : MR pour ISM

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