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Palestine -

Manipulation de l'histoire : les différents visages de la "résistance populaire" en Palestine

Par

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, "Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza" (Pluto Press, London), est en vente sur Amazon.com.

Il semble que la "résistance populaire" soit soudain devenue l'objet d'affrontements idéologiques et stratégiques entre l'Autorité palestinienne à Ramallah et ses rivaux à Gaza, marquant ainsi une fracture tangible et de plus en plus profonde entre les différentes factions et dirigeants.
Prenant la parole lors d'une réunion de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Ramallah en juillet 2011, le président de l'Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas semblait être finalement parvenu à une conclusion fracassante s'inspirant semble-t-il du "Printemps arabe" : "Dans la période à venir, nous voulons des actions de masse, organisées et coordonnées partout... C'est l'occasion de faire entendre nos voix à la face du monde et de dire que nous voulons nos droits." Il a appelé les Palestiniens à mener "la résistance populaire", insistant sur le fait que ce devait être "une résistance non armée pour que personne ne se méprenne sur nos intentions" (Reuters). Il a lancé un appel similaire devant l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre dernier.

Manipulation de l'histoire : les différents visages de la 'résistance populaire' en Palestine

C'était la fuite en avant façon Abbas. Il lui fallait apaiser la colère montante et le ressentiment contre l'échec de sa gouvernance. Son message visait, et continue d'avoir pour cible deux publics : les Palestiniens, avec le mot "résistance", et l'international, avec les mots "non violence" et "pour que personne ne se méprenne sur nos intentions".

Sur le thème d'un déchaînement de toute forme de résistance contre Israël, Abbas a peu de crédibilité. Depuis sa création en 1994 comme organe transitoire qui guiderait les Palestiniens vers l'indépendance, l'AP est devenue une fin en soi, consacrée à sa propre rémanence et conspirant même avec le gouvernement israélien pour gérer cette occupation qui martyrise les Palestiniens depuis plus de 45 ans. En effet, la "coordination sécuritaire" entre les deux bords part du postulat commun qu'il faut faire taire toute dissidence qui mettrait en péril la réputation de l'AP ou la façon dont elle est perçue en Israël en tant que menace sécuritaire.

Il y a peu ou pas de preuve que l'AP soit à la tête d'une "action de masse, organisée et coordonnée partout" sincère. La mise en scène de la rhétorique de la révolution par l'AP a cependant servi ses intérêts, du moins pour l'instant, puisque Abbas et ses hommes ont survécu aux bouleversements régionaux.

Le terme de "résistance populaire" continue pourtant d'être généreusement distillé, comme si sa simple répétition était une des clés de la résolution de toutes les dichotomies politiques auxquelles sont confrontés les Palestiniens. Le contexte dans lequel il est utilisé ou manipulé provoque des réactions négatives parmi les factions palestiniennes qui ont longtemps soutenu la lutte armée et se sont opposées avec véhémence à Oslo et à ses institutions.

La version d'Abbas a en particulier fortement irrité le Jihad islamique à Gaza. Son secrétaire général, Ramadan Shallah, a abordé la question lorsqu'il s'est adressé à des milliers de partisans à Gaza lors de la célébration du 31ème anniversaire de la fondation du mouvement. Il a appelé à une nouvelle stratégie nationale en soulignant l'échec du soi-disant processus de paix. "Le projet palestinien d'établissement d'un Etat dans les frontières de 1967 par la négociation a à l'évidence échoué," a-t-il dit.

Il a également fustigé la "résistance pacifique non violente", qui fournit des petites phrases très utiles que les médias citent à l'envi. Fait intéressant, toutefois, la position de Shallah sur la résistance populaire non violente était associée à sa position sur les négociations, interprétant ainsi la stratégie de résistance populaire comme faisant partie intégrante de la chasse futile de l'AP aux "concessions israéliennes". "Dix-neuf ans d'échec des négociations ont créé une crise qui ne peut pas être résolue par davantage de négociations, ni par la résistance non violente," a-t-il dit (Ma'an News, 4 octobre).

Le toujours éloquent activiste palestinien, dr. Mostafa Barghouti, a proposé une troisième lecture, moins partisane, de la stratégie de résistance populaire : il a clairement défendu les droits des Palestiniens à résister par tous les moyens à leur disposition (Al-Jazeera, 18 octobre), tout en affirmant que la résistance populaire pouvait être une stratégie efficace pour obtenir les droits politiques.

Evidemment, le problème ne réside pas au sein de la stratégie de résistance populaire non violente elle-même, mais dans son contexte politique et l'utilisation abusive qu'en font certains partis. Lorsqu'elle est placée dans un cadre vraiment authentique visant à élaborer une stratégie favorable et bénéfique à l'obtention des droits palestiniens, la résistance populaire prend un aspect totalement différents.

En outre, pour ce qui concerne l'histoire palestinienne, la stratégie est loin d'être un concept étranger ou une tentative défaitiste pour éviter que les bienfaiteurs occidentaux "ne se méprennent".

L'histoire regorge d'exemples. Le 19 septembre 1989, la ville de Beit Sahour, en Cisjordanie , a mené une campagne de résistance populaire et de désobéissance civile qui est devenue légendaire. L'initiative faisait partie de l'impressionnante mobilisation de masse de la Première Intifada palestinienne (1987-1993). De nombreuses tentatives n'ont pas réussi à briser la volonté collective de Beit Sahour. Le gouvernement israélien a déplacé toute sa force militaire, lançant "le plus grand raid fiscal de l'histoire récente" : les forces d'occupation se sont déployés en masse, et les percepteurs ont fait leur œuvre, confisquant tout ce qu'ils pouvaient saisir. Certaines familles ont tout perdu. La plupart des meubles et autres effets personnels furent vendus aux enchères en Israël. La petite ville s'est retrouvée, pendant 45 jours, sous un couvre-feu militaire qui a débuté pendant la nuit du 21 septembre. Des centaines d'habitants de Beit Sahour ont été emmenés dans des camps militaires et beaucoup d'entre eux sont restés en prison sous des prétextes variés. L'armée israélienne a peut-être pensé qu'elle avait remporté une bataille décisive, mais ce jour-là, une étoile près de Bethléem a brillé dans le ciel noir de la Palestine. Elle reliait le passé et le présent, faisant naître l'espoir que la population, malgré les nombreuses années d'occupation militaire, avait toujours du pouvoir. Une petite ville avait même assez de pouvoir pour contrarier les dirigeants des institutions politique et militaire d'Israël.

L'histoire de la résistance populaire en Palestine a cent ans. Cependant, on date souvent son origine à 1936, quand les Palestiniens, musulmans et chrétiens, se sont révoltés contre l'offensive coloniale sioniste et l'adhésion et le soutien des Britanniques pour garantir son succès. En avril 1936, les cinq partis politiques palestiniens se sont regroupés sous l'égide du Haut Comité Arabe. Cette unité était urgente et elle était le reflet de l'attitude générale des Palestiniens ordinaires. Une grève générale a été déclarée, inaugurant le début de la légendaire campagne de désobéissance civile - dont le slogan de "Pas d'impôt sans représentation" était l'illustration. Le soulèvement de 1936 envoya au gouvernement britannique le message ferme que les Palestiniens étaient nationalement unis et capables d'agir comme une société sûre d'elle, qui pourrait perturber la matrice du régime mandataire britannique sur le pays. L'administration britannique en Palestine n'avait jusqu'alors tenu aucun compte de la revendication palestinienne à l'indépendance, et prêtait que peu d'attention à leurs graves préoccupations sur la menace montante du sionisme et son projet colonial.

Ce ne sont pas de lointaines histoires. Cette action collective fut une phase passagère, mais elle s'est reproduite tout au long de l'histoire, même après la signature des accords d'Oslo en 1993, qui ont institutionnalisé l'occupation israélienne et impitoyablement puni ceux qui osaient résister.

L'AP à Ramallah devrait cesser d'utiliser et de faire référence à la notion de "résistance populaire" pendant qu'elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour la réprimer ; et les rivaux d'Abbas ne doivent pas associer la résistance populaire à Oslo et à ses institutions en faillite, car l'histoire peut facilement dissocier ce lien erroné. La résistance populaire en Palestine continue d'exister, non pas à cause des dirigeants palestiniens, mais malgré eux.

Source : The Palestine Chronicle

Traduction : MR pour ISM

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