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Palestine - 5 octobre 2012
Par Anas Zarzar
Le combattant de la liberté Mohammed Abul-Haija a consacré sa vie à la cause palestinienne, mais bien qu'il ait perdu sa maison et nombre de ses compagnons d'armes, il continue de croire que la libération de sa patrie ne pourra se faire que par la résistance armée. Abul-Haija avait trois ans en 1948 lorsque avec sa famille, il a été chassé d'Haïfa pour atterrir en Syrie en passant par Jenin, en Cisjordanie, puis par la Jordanie.
"Mon père a travaillé comme agriculteur à Daraa [sud de la Syrie]," se souvient Abul-Haija. "Puis nous avons déménagé à Dummar, à l'ouest de Damas. Ensuite, mes frères aînés ont trouvé du travail dans des carrières et finalement, nous sommes partis dans le Vieux Damas, où mon père et mes frères ont commencé à travailler à l'imprimerie Hashimia."
Enfant, Abul-Haija vendait du kaak [une sorte de brioche, ndt] dans les ruelles du Vieux Damas avant d'aller à l'école.
"Je me souviens encore du Café al-Ballour, à Bab Touma. J'y passais des heures à circuler entre les tables pour vendre du kaak," dit-il.
Il se souvient de sa rencontre avec Ghassan Kanafani à l'Institut Palestine, lorsqu'il était lycéen. Le célèbre écrivain palestinien fut le professeur de Abul-Haija et de ses amis après leur baccalauréat.
Ghassan Kanafani
"Le martyr Ghassan nous a enseigné le sens réel de la cause palestinienne," dit Abul-Haija. Kanafani a été assassiné par les services secrets israéliens à Beyrouth en 1972. "Il nous a inculqué, à nous enfants réfugiés, les notions de résistance et de lutte armée."
Des années plus tard, Abul-Haija a à nouveau rencontré Kanafani à Beyrouth, où ils ont travaillé ensemble dans un mouvement de résistance, aux côtés de Wadih Haddad, du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP).
Abu-Haija a été profondément influencé par Kanafani, qui l'a encouragé, lui et ses amis, à descendre dans les rues de Damas pour protester.
"Je me souviens encore de ce qu'il nous a dit ce jour-là. Nous bouclions les rues, les écoles et les marchés avec nos manifestations," dit-il à Al-Akhbar.
A 15 ans, Abul-Haija, poussé par sa ferveur révolutionnaire, a rejoint le Mouvement nationaliste arabe (MNA) et a insisté pour en devenir membre à part entière bien qu'il n'ait pas encore 18 ans.
Lorsque l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a été lancée et a brandi le drapeau de la lutte armée, il s'est porté volontaire dans l'Armée de Libération de la Palestine (ALP). Il a continué son travail politique avec le MNA jusqu'à la création du FPLP puis fut parmi les premiers à le rejoindre.
Wadih Haddad
"J'ai rencontré le martyr Wadih Haddad clandestinement à Daraa," dit-il. "Il était recherché par le renseignement syrien et il m'a demandé de l'accompagner."
Après la défaite arabe pendant la guerre arabo-israélienne de 1967, ses rencontres avec Haddad se sont faites plus rares. Ce dernier essayait de contrôler l'impulsivité du jeune combattant et Abul-Haija en a voulu à son professeur parce qu'il l'a exclu du détournement de l'avion israélien dérouté sur l'Algérie en 1968.
"Cette opération m'a pris par surprise. J'étais en colère contre Haddad de ne pas m'y avoir fait participer. J'ai donc décidé de mener une opération similaire," se souvient-il.
Il poursuit en décrivant les opérations de résistance qu'il a menées en Palestine avec un tel enthousiasme et tant d'émotion qu'il semble qu'il rentre juste de Bissan ou de la route Tubas-Jenin.
Finalement, il a reçu les instructions qu'il attendait : une lettre de Haddad lui demandant de venir à Beyrouth, et lui donnant son nom de guerre, Adnan.
Après des mois d'entraînement, Abul-Haija a mené une attaque contre un avion israélien d'El-Al [pendant l'escale] à l'aéroport de Zurich, en Suisse, le 18 février 1969.
L'avion d'El-Al (vol Amsterdam-Tel Aviv) immobilisé lors de son escale à Zurich, le 18.02.1969
"L'objectif de l'opération était de faire connaître au monde la vérité sur la cause palestinienne pendant le procès [qui suivrait leur arrestation],” dit-il. "Les instructions de Haddad étaient claires : aucun préjudice contre les civils, dans l'avion."
Abul-Haija a été arrêté avec ses camardes Ibrahim Tawfik et Amina Dahbour, pendant que Abdul-Mohsen Hassan était tué par un garde israélien de sécurité.
"Le moment le plus dur pendant l'opération fut lorsque le sioniste Mordechai Rakhamim, de la sécurité d'El-Al, a tiré à trois reprises sur Hassan alors qu'il avait remis son arme à la sécurité suisse," dit Abul-Haija.
"J'étais d'accord avec mes camarades pour boycotter le procès et pour ne pas reconnaître sa légitimité parce que notre cause est politique et nous avons exigé d'être traités comme prisonniers politiques," explique-t-il. "Le juge a refusé un chèque en blanc pour nous libéré pendant que Rakhamim a été libéré sous caution."
"Avant l'opération, personne en Suisse ou en Europe ne connaissait le sens réel du mot Palestine, mais pendant et après le procès, le monde entier connaissait la cause palestinienne," dit Abul-Haija.
Lui et ses compagnons ont été condamnés à 12 ans de prison. Pendant leur incarcération, ils ont reçu des milliers de lettre de solidarité. L'opération avait atteint son but, après tout, en mettant en lumière le sort des Palestiniens.
Pendant son emprisonnement, qui n'a duré qu'un an et quelques mois, Abdul-Jaija est resté en contact avec le fondateur du FPLP George Habash, ainsi qu'avec Kanafani et Haddad.
"Ils n'arrêtaient pas de me demander si la détention avait eu ou non l'effet médiatique escompté," dit-il.
En 1970, le FPLP a mené plusieurs opérations de détournement d'avions vers l'"aéroport révolutionnaire" en Jordanie. La libération de Abul-Haija et de ses camarades faisait partie de leurs revendications.
Même l'ancien Président égyptien Gamal Abdul-Nasser est intervenu dans les négociations de leur libération.
"Nous sommes finalement arrivés au Caire accompagnés par un officier allemand de haut rang, dans un avion militaire, pour nous protéger," se souvient Abul-Haija. "Je n'ai pas pu aller aux funérailles de Abdul-Nasser, il est mort quelques heures avant notre libération de prison."
Après un bref séjour au Caire, il est parti en Syrie pour reprendre ses activités militantes.
"Tous les pays arabes ont refusé de nous recevoir, de peur de la réaction israélienne. Seule la Syrie nous a accueillis," dit-il.
Il se rappelle des détails de la réception organisée dans le camp de Yarmouk et des retrouvailles émouvantes avec sa famille, son épouse et sa fille.
Mais l'appel de la résistance l'a rapidement conduit aux bureaux du FPLP à Beyrouth. Il a aidé Haddad pour les entraînements militaires spéciaux et la préparation de six opérations en Palestine occupée, dont la plus célèbre est l'opération de l'aéroport de Lod, le 30 mai 1972, au cours de laquelle 26 personnes ont été tuées par des membres de l'Armée rouge japonaise.
Kuzo Ukomoto, membre de l'Armée rouge japonaise, pendant son procès
"Je suis fier de cette opération. Je me souviens encore de Golda Meir en larmes, quand elle a vu les morts," dit Abul-Haija.
Mais Israël s'est vengé.
"Les Israéliens ont décidé d'assassiner les responsables de l'opération de Lod ; Kanafani a été assassiné et Bassam Abu Sharif a survécu," dit-il, mais il réfute que Haddad ait été assassiné avec du chocolat empoisonné.
"Je le connaissais bien, et il n'aimait pas le chocolat," dit-il.
Après l'opération de l'aéroport de Lod, Abul-Haija a pris une semi-retraite du combat, et est allé dans le Golfe où il a passé de nombreuses années à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Il est revenu en Syrie il y a six ans pour travailler avec ses vieux camarades au FPLP.
Aujourd'hui, il rêve de mener une autre opération militante dans laquelle il manierait à nouveau le fusil au service de sa cause.
"Je suis sûr de l'inéluctabilité de la victoire du peuple palestinien," dit-il, "mais cette victoire ne viendra que par le canon du fusil, avec des balles et la résistance, pas par des solutions politiques."
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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